Le brouillard est venu se loger dans mon corps
Comme une incertitude
Comme pour tout flouter
J'ai des yeux mais je ne vois presque rien de ce monde invisible que j'imagine.
Quand je ferme les yeux, je vais où je veux
Parfois, dans mon oisiveté solitaire, je vole au-dessus de montagnes brillantes et écarlates. Certaines ont l'air douces et accueillantes.
Quand je me sens bien, je tombe sans fin dans un torrent d'eau doré à la texture crémeuse.
Je n'ai plus tellement de goût ce matin alors le torrent devient grumeleux et je ne distingue plus sa couleur ni son odeur. L'air autour de moi devient Colère, Ô grande Colère. Je ne peux me retenir et m'enivre de son odeur. Je la respire puis l'expire d'un mouvement de bassin qui met tout mon corps en éveil.
La Colère, une fois respirée, se métamorphose.
Tout est passager et comme une fée aux cheveux d'or m'a un jour confié : " Le temps est comme une rivière fraiche"

Agrandissement : Illustration 1

"Je t'aime, Maman"
Il est 12h53. Je suis nue, étendue, en pleine photosynthèse. J'ai toujours eu envie, un peu secrètement, d'avaler le soleil. Je ne le dis pas trop car parfois je me demande si ce n'est pas une idée un peu égoïste.
Je pourrais peut-être en avaler juste un tout petit bout, pour goûter, pour satisfaire ma curiosité, mon attirance.
Je commencerais par le toucher du bout des doigts, sentir ses aspérités, se douceur, ses imperfections qui racontent l'Histoire du Monde.
J'aurais trop envie de le sentir aussi.
J'imagine que le soleil a une odeur qui traverse toutes les matières, qui transcende les corps et les idées les plus solides. Une odeur qui donne envie de s'allonger sur la terre, nue et immobile.
C'est assez difficile d'imaginer une odeur qui n'existe pas dans mes tiroirs sensoriels.
Sûrement un mélange de fleurs enivrantes, de fruits mûrs et de braises.
À ce moment là, juste avant de pouvoir goûter un petit morceau de soleil, je me caresserais les joues, le front, les yeux et les lèvres avec. Je fais pareil avec les pêches. Comme si, c'était la peau d'un.e amant.e que je voulais imprimer dans mon registre sensoriel, pour ne jamais oublier.
C'est très mal rangé dans ce tiroir d'ailleurs mais étonnamment ces souvenirs reviennent toujours, on se retrouve, on se connait.
Je croque dans ce tout petit bout de soleil. C'est brûlant mais ça ne me brûle pas, étrange sensation.
Je le lèche doucement, avec le bout de ma langue. Je veux capter toutes les nuances de sa saveur.
Je veux ressentir ce que ce goût transporte, ces histoires qu'on appelle souvent la Mémoire.
Le goût du soleil touche ma langue et nous sommes collés.
Le Goût s'empare de moi, je le sens. Il prend toute la place.
Le Goût s'est allongé sur ma langue et campe dans ma bouche.
Il y règne désormais une lumière chaude et tamisée. J'entends, au loin, les basses d'une musique qui rassemble les coeurs.
Et si, je l'avalais ?