Lettre à notre Président : pyromane... à son insu ?
Certes le Président Erdogan y va fort lorsqu’il interroge « la santé mentale » du Président Macron suite à la déclaration que ce dernier fit à la Sorbonne, « comme quoi il promettait que la France continuerait à défendre les caricatures du Prophète Mahomet. »
Au fond, caricature pour caricature... celle du Président Erdogan, qui, n’ayant pas le talent de croquer son homologue au crayon, nous livre la sienne. Ce n’est pas celle d’un « Mahomet se plaignant d’être aimé par des cons »… mais celle d’un président français dont « la santé mentale semble défectueuse».
Si l’on fait abstraction de tous les torts que l’on peut attribuer au Président Erdogan concernant sa gestion politique de la contestation dans son propre pays, on peut alors commencer à s’intéresser à nos propres torts. Pour en finir avec cette image d’une « France des lumières » et « des droits de l’homme ». Qui, en réalité, marche comme un cul-jatte, sur une seule jambe, dès lors que l’on a oublié d’assortir les droits… aux devoirs et aux interdits (que l’on disait jadis « fondateurs des sociétés humaines »). Pourtant dans la « Déclaration des droits de l’homme », n’était-il pas stipulé que « la liberté de chacun s’arrêtait... là où elle mettait en péril celle de l’autre ! »
La caricature de cette figure du Prophète --vénérée par des multitudes de fidèles de par le monde-- qui lui fait dire que « c’est dur d’être aimé par des cons » … était une insulte pour tous ses fidèles. Mais aussi pour certains d’entre nous qui avaient honte de l’usage que nous faisions, dans notre pays, de cette liberté sans limite, alors que tant d’autres ont tout juste la liberté de penser silencieusement dans leur tête.
Lors des grandes manifestations, suite aux attaques terroristes contre les journalistes de Charlie Hebdo, j’étais présente, avec ma petite lumière, et je disais que « je n’étais pas Charlie !». Que cette liberté « sans limites » que l’homme blanc s’est donné, tout au long de l’histoire, avec ce sentiment de supériorité qui légitimait sa colonisation des « peuples inférieurs », a fait le terreau de ces trois monstres surgis au même moment, que furent le Nazisme avec Hitler, la Fascisme avec Mussolini, et le Franquisme avec Franco. En réalité ce ne fut que le retour, dans la vieille Europe, de toute l’horreur que la colonisation avait fait subir aux peuples, là- bas, très loin de nos yeux. Dès lors que « ni vu ni connu ça n’existe pas »… n’est-ce pas ?
Monsieur Macron, si je peux me permettre, il y a une arrogance des gens de pouvoir, qui, comme nombre de vos confrères, ont escaladé les marches jusqu’au sommet, avec les appuis internes d’autres instances de ce pouvoir comme celle de la finance. N’ayant pu bénéficier, lors de ce cursus, d’une école qui ouvrirait la pensée à tous ces enjeux spécifiquement humains et donc à la souplesse qu’il faut pour penser les situations, ils sont dans l’incapacité de reconnaître leurs erreurs et de les rectifier. Si bien qu’ils s’enfoncent dedans, ce qui ne fait qu’aggraver les situations. Peut-être cette ouverture se fait-elle dans la formation des diplomates ? Là, en l’occurence, il n’y a eu aucune diplomatie, on reste sur sa ligne, malgré tout le sang qu’elle a fait coulé.
– C’est nous qui avons raison, du fait même de notre supériorité intellectuelle qui ne peut se laisser berner par ces pratiques archaïques de la religion !
Pourtant, il y a un seul mot qui éclaire l’origine de toute la barbarie du monde, c’est le mot « humiliation ». Et là vous récidivez ! Pour ne pas avoir pensé une limite à la liberté de se moquer de l’autre, de rire à ses dépends, de le railler, voire de l’humilier… la blessure reste ouverte ! Et la limite arrive sous les traits de la mort. Du meurtre en l’occurence.
Traiter au collège ou ailleurs, auprès des jeunes, du problème de la « liberté d’expression », devrait s’en prendre à la matière de leur quotidien, dans les lycées ou sur les réseaux. Et non en direct sur un sujet aussi brulant que « les caricatures du prophète ». Le fait de pouvoir parler d’eux, des blessures qu’ils s’infligent par des railleries, des moqueries, des insultes, sur les réseaux sociaux ou directement... ils en viendraient peut-être (ou pas) à interroger ce qui s’est passé concernant ces tristement fameuses « caricatures du prophète ».
Récemment le discours que vous avez tenu, concernant la nécessité d’avancer dans les technologies et de se mettre à la 5 G, stigmatisant tout opposant, en le renvoyant à l’époque de « la lampe à huile », était dans la même tonalité. Arrogante. D’abord vous dire qu’à l’époque de la lampe à huile, la Vie sur terre était foisonnante, alors qu’aujourd’hui son pouls est au plus bas. Et que, par ailleurs, ce n’est pas la 5G qui rendra notre espèce plus humaine : pourtant n’est-ce pas le seul enjeu de notre passage sur terre ?
Puisse votre passage à ce poste de Président, avec tous les pouvoirs et les responsabilités qu’il vous confère, vous permettre de faire cette conversion à une humanité qui suppose le renoncement à cet autre culte qu’est la technologie. Qui s’avère être l’instrument d’un monde qui se voudrait sans limites.
Mardi 27 10 20
Zoé Larche