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Billet de blog 5 septembre 2025

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Gaza : l’horreur sous nos yeux

Reconnaissance différée d’un État, film qui arrache quelques larmes : en 2025, la Palestine n’a droit qu’à des miettes de conscience. Tout le reste, c’est l’horreur sous nos yeux.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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On nous dit : la France va peut-être reconnaître l’État de Palestine. En septembre, en juin, en octobre. On nous dit : d’autres pays vont le faire. Certains se réjouissent.
Moi, non. Moi, ça me fait mal.

Nous sommes en 2025. Et ce peuple, le peuple palestinien, cette Palestine qui a traversé l’histoire de l’humanité , qui a toujours existé, se voit toujours refuser le droit d’exister en tant qu’État. Voilà la vérité. Voilà l’injustice. Voilà le mépris. Voilà l’horreur.

C’est tout le racisme, toutes les discriminations, toutes les haines accumulées qui se lèvent encore une fois. Et moi, je dois regarder cela en face. Et cela me brise.
Oui, on devrait se réjouir, mais moi je ne peux pas. Parce que c’est toute la face sombre de l’humanité qui revient, déguisée en civilisation, en démocratie, en beaux discours, en leçons de morale.
Et ça, c’est l’horreur.

La deuxième chose que je ne supporte pas, c’est ce film. La Voix de Hind Rajab. Réalisé par une cinéaste tunisienne. Financé par des stars humanistes d’ Hollywood.
Oui, c’est beau, ça porte une voix, celle d’une petite fille, son dernier message. Mais pour moi, c’est une douleur de plus.

Parce qu’avant, pendant la Shoah, on disait : nous ne savions pas. Pas d’images, pas d’informations. Le monde était autre.
Mais aujourd’hui ? Aujourd’hui, tout est filmé, diffusé, partagé, en direct, minute par minute. Aujourd’hui, à l’ère où l’on parle de coloniser Mars, plus rien n’est caché. Plus rien n’est impossible à savoir.

Et pourtant ! Il a fallu un film pour réveiller un peu les consciences.
Voilà ce qui est insupportable : la réalité nue ne suffit pas. Les morts ne suffisent pas. Les images ne suffisent pas. Non. Il faut du cinéma. Il faut une histoire racontée. Il faut un scénario pour que l’humanité daigne être émue.
Et ça, c’est l’horreur. 

Déjà pour la Shoah, on avait besoin de films, de propagande parfois parce qu’il n’y avait pas d’images. Mais aujourd’hui, alors que tout est là, visible, sous nos yeux, il faut encore que le cinéma vienne médiatiser la douleur.
C’est tragique. C’est insupportable. C’est l’horreur.

Et face à cela, face à ces deux vérités l’État de Palestine nié, la douleur travestie , je me sens incapable.
Parce que je vois ce qu’est vraiment cette humanité qui se dit civilisée, technologique, moderne, porteuse de lumière.
Je la vois. Et ce que je vois, c’est l’horreur. Un rideau noir qui s’abat.

Et face à tout cela, je devrais rejeter, refuser, crier plus fort encore.
Mais la lucidité m’oblige à admettre ceci : il ne reste aujourd’hui que deux aumônes pour la Palestine.
La promesse différée d’un État, et un film qui arrache quelques larmes.
Deux miettes , voilà tout ce que les consciences humaines semblent capables d’offrir.
Et je m’y rattache malgré moi parce qu’il n’y a rien d’autre.

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