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Billet de blog 14 août 2025

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Lettre ouverte à M. Kamel Daoud

Algérie : collecte nationale, objectif… faire taire Kamel Daoud. Lettre ouverte à M. Kamel Daoud (signée par 40 millions d’Algériens en état de ras-le-bol avancé)

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Cher Monsieur Daoud,

Nous vous écrivons au nom d’un peuple entier. Oui, entier : Arabes, Kabyles, Chaouis, Mozabites, Touaregs, islamistes, laïcs, progressistes, conservateurs, féministes, femmes voilées, femmes sans voile, hommes à barbe ou à whisky — tout le monde est là. Et nous avons une requête claire : fermez la chronique.

Nous avons fini par comprendre votre mécanique : chaque fois que vous écrivez sur l’Algérie, vous êtes payé. Donc vous recommencez. Sans fin. Toujours la même recette : quelques faits divers glanés sur les réseaux sociaux, des clichés poussiéreux des années 90 ou 2000, un assaisonnement de mots qui feront plaisir à certains lecteurs français — islamistes, arriérés, haineux, anti-France, judéophobes, etc. Et hop ! Le Point vous signe le chèque.

En dix jours, vous avez battu votre propre record :

• Épisode 1 : un fait divers périmé à Sétif , transformé en démonstration nationale que “tous les Algériens sont islamistes”.

• Épisode 2 : vous vous glissez dans la peau de David Grossman, écrivain israélien dénonçant un génocide — et vous y voyez un miroir flatteur.

• Épisode 3 : une chronique “Algérie-France, guerre éternelle” où vous distribuez des étiquettes comme au marché.

• Épisode 4 : l’apothéose — une Une du Point : “Le peuple kabyle, civilisation kabyle”. Deux concepts faux, approximatifs, insultants. Là, on est obligés de ressortir l’histoire, l’étymologie, la paléontologie et l’anthropologie pour démonter tout ça… Et même Chatgpt pourrait le faire en dix secondes.

Et comme toujours, vous vous appropriez ce qui ne vous appartient pas pour en faire une histoire à votre gloire. Vous l’avez fait avec ce roman qui vous a valu un Goncourt, bâti sur la vie volée d’une femme — un procès en cours le rappelle. Vous le refaites aujourd’hui avec la Kabylie : vous vous emparez de son histoire, de son identité, alors que vous n’êtes pas kabyle. Vous aviez même écrit, par le passé, tout le contraire de ce que vous affirmez maintenant. Résultat : aujourd’hui, la Kabylie entière vous tombe dessus. Les réseaux sociaux sont inondés de réactions, et pour une fois, vous êtes parvenu à mettre tout le monde d’accord… contre vous.

C’est d’ailleurs votre véritable talent : réussir à vous mettre absolument tous les Algériens à dos. À chaque fois qu’il reste une tranche qui vous résiste encore, vous trouvez le sujet idéal pour qu’elle rejoigne le navire anti-Daoud. Et là, soyons honnêtes : à part quelques irréductibles du MAK, vous avez vidé la salle.

Chaque fois, tout est faux. Et plus vous touchez le fond, plus la rédaction française vous applaudit. Alors nous, Algériens, avons décidé de faire pareil : vous payer.

Oui, Monsieur Daoud, une cagnotte nationale. Un dinar par Algérien, quarante millions au total. Comme vos employeurs, nous vous verserons votre dû — mais en échange, vous n’écrirez plus sur nous. Le contrat est négociable jusqu’à dix dinars par tête, si cela peut accélérer votre retraite médiatique. Vous pourrez utiliser cet argent pour voyager loin ( Tahiti , Patagonie , ou un Kibboutz sans Wi-Fi), ou suivre un stage “Comment écrire sur un pays où l’on vit vraiment”.

Ce n’est pas un gag. C’est une proposition sérieuse. Car nous avons autre chose à faire que de lire, démonter, et corriger vos fantasmes. Comme le Point et autres relais de votre prose calibrée, nous vous rémunérons pour ce que nous attendons : non pas un texte, mais votre silence.

Acceptez notre offre. Faites un dernier billet : “Je pars, ils m’ont payé”. Et tenez parole. Pour une fois.

Signé :

Les 40 millions de figurants involontaires de vos chroniques

PS : La cagnotte sera ouverte dès demain. Slogan officiel : “Un dinar pour le faire taire”.

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