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Dans certains cercles, on nous conseille d’ignorer les chroniques de Kamel Daoud, sous prétexte que réagir serait « lui faire de l’honneur ». Cet argument peut sembler stratégique, mais il est en réalité malhonnête intellectuellement lorsqu’il s’agit de propos qui déforment les faits ou stigmatisent un peuple. Les laisser passer, c’est contribuer à leur diffusion et à leur légitimation.
Déconstruire le narratif d’une personnalité publique n’est pas s’en prendre à cette personne elle-même, mais la mettre face à ses contradictions. Devenir célèbre implique d’accepter que certains aspects de sa vie privée soient connus : c’est le prix à payer, ce qui la distingue des anonymes. Utiliser ces faits pour clarifier un discours n’est ni diffamation ni invective, mais un acte de responsabilité.
Le vide médiatique et l’émergence de l’intelligence citoyenne:
Autrefois, les intellectuels et journalistes jouaient un rôle de contre-pouvoir. Aujourd’hui, de nombreux médias sont rachetés par des lobbies financiers ou soumis à des injonctions politiques, diffusant des récits binaires qui servent un pouvoir ou divisent le peuple.
Dans ce vide, l’intelligence citoyenne devient essentielle : des citoyens bénévoles, armés d’Internet, du numérique et de l’intelligence artificielle, prennent le relais pour vérifier, déconstruire et diffuser des informations fiables, indépendamment de tout pouvoir.
Des exemples de micro-médiation démocratique:
À l’échelle micro, des initiatives citoyennes ont montré leur efficacité :
• En France, la supercherie du « philosophe » Jean-Baptiste Botul, citée par Bernard-Henri Lévy, a été démantelée par des citoyens.
• En Allemagne, les wikis GuttenPlag et VroniPlag ont révélé des plagiats dans des thèses ministérielles.
• Depuis le 7 octobre, des contributions citoyennes et des médias indépendants ont commencé à déconstruire le récit officiel sur le conflit israélo-palestinien, proposant une vision plus nuancée et factuelle.
Ces initiatives offrent un exemple de micro-médiation démocratique, où les citoyens deviennent acteurs de la vérité.
La force de la raison et de l’humour:
Ces voix citoyennes utilisent la raison, les faits, les contre-exemples et parfois l’humour. La satire et l’image détournée sont autant d’armes non-violentes qui désarment les mensonges et témoignent d’une maturité démocratique. Elles montrent qu’un pays peut émerger par la connaissance et non par l’invective.
L’Algérie, par ses citoyens éveillés, n’a rien à envier aux pays dits développés : le capital social y est fortement bonifié dans des espaces invisibles mais extrêmement fertiles pour l’intelligence collective et l’action civique.
La citoyenneté universelle et la co-responsabilité mondiale:
Dans cette cohorte de citoyens engagés pour l’Algérie, certains vivent à l’étranger, mais contribuent activement au débat et à la vérification des faits.
La citoyenneté devient ainsi universelle : elle transcende les frontières et la géographie, et le devoir de vérité s’exerce aussi par cette co-citoyenneté mondiale.
Vers une Algérie méta-géographique
Ces citoyens bénévoles, dispersés à travers le monde, partagent cette responsabilité et cet engagement envers le pays. À travers leur action, ils contribuent à l’émergence d’une Algérie méta-géographique, un espace de débat et de raison qui transcende les frontières physiques et les institutions classiques. Cette république méta-géographique n’est plus seulement un idéal : elle existe concrètement, portée par l’intelligence citoyenne d’Algériens d’hérédité , de cœur ou de raison où qu’ils soient.
Une citoyenneté éclairée et désintéressée:
Ces citoyens incarnent également un indice de développement humain élevé. Ils ne recherchent ni pouvoir, ni argent, ni reconnaissance : ils se donnent « tout au présent », comme le disait Camus. Leur engagement désintéressé et rigoureux est un indicateur de civisme avancé et de responsabilité collective.
C’est peut-être là, dans cette mobilisation indépendante et raisonnée, que se joue la naissance d’une république au véritable sens du mot : une république fondée non sur les privilèges ou les intérêts, mais sur la raison, le débat et la responsabilité collective.
La vérité indépendante du pouvoir:
Comme le rappelait Voltaire : « Il est dangereux d’avoir raison dans des choses où des hommes accrédités ont tort. »
Et Hannah Arendt ajoutait : « Le pouvoir de la vérité est qu’elle existe indépendamment de celui qui la dit. »
Ces paroles illustrent parfaitement le rôle des citoyens bénévoles qui, par leur engagement désintéressé, font vivre la vérité et renforcent la lucidité collective.
Répondre est un acte de citoyenneté:
À ceux qui veulent nous décourager depuis leur tour de neutralité, nous disons : restez-y, mais laissez-nous agir. Nous voulons poser notre pierre dans le débat, déconstruire les idées reçues, briser la stigmatisation et l’essentialisation, et construire une démocratie fondée sur l’intelligence et la raison.
Laisser passer le silence serait complice ; répondre est un acte de citoyenneté, un investissement dans la lucidité commune.
Ce que nous écrivons peut tomber entre les mains de quelqu’un qui n’a lu que la version partiale, tronquée ou malintentionnée. Offrir un autre récit, c’est ouvrir une brèche dans la mécanique des idées reçues, c’est restaurer un équilibre dans la mémoire collective.