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Billet de blog 18 novembre 2025

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Armistice à Berlin, Pipeau à Paris

Berlin délivre l’agent Boualem Sansal, pendant que Paris, debout sur une caisse à savon, réclame sa libération depuis un an en vain.

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Illustration 1

Puisque les Allemands libèrent désormais des Français, je suppose qu’on a officiellement basculé dans une version alternative de l’histoire.

Une dimension parallèle où Berlin délivre l’agent Boualem Sansal, pendant que Paris, debout sur une caisse à savon, réclame sa libération depuis un an en vain, comme un figurant oublié dans le script.

Et là, forcément, je me dis :

Sansal aurait dû écrire 2024 ( année de sa capture), pas 2084.

La dystopie n’est plus un futur hypothétique : elle est là, elle respire, elle remplit des formulaires en triple exemplaire.

On vit une époque tellement inversée que lorsque l’Allemagne acte une grâce, la France découvre que son fax était débranché depuis six mois.

Brasillach aurait le Seum , s’il savait !

Et pendant que l’Histoire rejoue sa partition : colonisation, Seconde Guerre mondiale, oublis, renversements… voilà que l’Allemagne libère un Français d’origine algérienne en négociant avec l’Algérie, pendant que la France révise ses dossiers comme un élève qui découvre le sujet une heure après le début de l’examen.

Et puisqu’on en est à évoquer Sansal :

on nous répète depuis vingt ans que “le monde est devenu un village”.

Très bien.

Mais vu la tournure des événements, il faut se rendre à l’évidence :

ce village est allemand.

Ordonné, efficace, ponctuel , parfaitement capable de libérer un Français non AOC là où la France s’emmêle dans ses propres formulaires.

Finalement, Le Village de l’Allemand, ce n’était pas une métaphore littéraire : c’était un mode d’emploi.

Et puisque dans ce fatras géopolitique le seul à y voir clair semble être un certain Prix Goncourt 2024, prophète certifié maison des vérités douteuses, je me dis qu’on a vraiment touché le fond quand la boussole du monde devient un pseudo sur les réseaux.

Alors moi, voilà :

je rentre en résistance.

Comme celle de Jean Moulin ,

à ma façon, je m’en rapproche.

Lui avait un réseau, des codes, des filières.

Moi, j’ai un moulin.

Un vrai.

J’y fais moudre les informations, les “scoops”, les déclarations, les exclusivités de comptoir.

Je tourne la manivelle avec méthode, je laisse tomber la farine de l’actualité, et quand tout le son des rumeurs s’est envolé, il ne reste qu’un petit tas de vérité.

Infime.

Poussière vérifiée.

Mais au moins, c’est du solide.

Parce qu’à force d’être bombardé de nouvelles contradictoires, de sources qui se falsifient elles-mêmes, on finit par perdre pied.

Alors oui, je deviens meunier de l’information.

Je tamise.

Je filtre.

Je trie.

Et ce qui reste, je le garde comme du pain bénit :

la minuscule part du réel qui survit à la machine à broyer le faux.

Une résistance où je ne lis plus rien, où je laisse les informations se battre entre elles jusqu’à ce que la plus fiable s’effondre en dernier.

Et au milieu de ce théâtre en roue libre,

je me surprends à murmurer :

Explique moi, papa : c’est où qu’on va,

quand même les boussoles demandent leur chemin ?

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