Je ne veux pas que Gaza s’efface,

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non… pas Gaza, pas ça,
pas comme une chanson qu’on oublie au fond d’un tiroir,
pas comme une vieille affiche qui se décolle sur un mur mouillé.
Si Gaza s’efface,
c’est pas seulement Gaza,
c’est nous qu’on efface,
nos mains, nos gueules,
notre sale humanité à bout de souffle,
notre cœur en vrac.
Alors j’écris.
Ouais, j’écris.
Chaque jour, chaque nuit, à l’arrache.
J’écris pour me sentir moins conne,
moins complice,
moins propre sur moi.
Faut pas rester là,
assise,
à regarder les bombes tomber comme des feuilles mortes.
Faut pas rester là,
muette comme une tombe.
Les tombes, on en a déjà trop.
Alors j’ouvre ma tête,
je laboure,
je retourne mes idées,
comme un vieux paysan retourne la terre.
Mon militantisme, c’est ça :
penser.
Chercher.
Dire autrement.
Parce qu’attendre,
attendre que ça passe,
attendre que ça se tasse,
c’est déjà être mort.
Je veux des mots qui tapent juste,
qui cognent pas pour rien,
des mots pas pour faire joli,
des mots pas pour faire la guerre,
mais des mots qui remettent les choses debout,
qui foutent la paix à la haine,
et la haine à la porte.
Parce que la haine, tu sais,
ça se promène de main en main,
comme une bouteille vide.
Ça tourne en rond.
Ça finit par éclater.
Mais la paix…
la paix, mon vieux,
ça se construit à l’huile de coude,
à l’usure,
à force d’y croire.
Alors je lis,
je cherche,
je note.
Je veux pas me faire enfler par les infos en boucle,
je veux pas me contenter d’un slogan qui claque et qui s’éteint.
Je veux comprendre.
Je veux savoir.
Je veux connaître toutes les ficelles de cette sale histoire.
Je veux gommer cette habitude qu’on a prise :
celle de détourner le regard,
de trouver ça normal.
Tu parles d’une normalité !
Le monde arabe qu’on dit fatigué,
qu’on dit foutu,
c’est pas une excuse.
La routine, ça fait crever doucement,
comme une chanson qu’on fredonne sans y penser.
Je veux plus de ça.
Je veux pas du confort tiède,
pas de la fausse solidarité,
pas des bras croisés,
pas des mots faciles.
Je veux apprendre,
pour savoir où je mets les pieds.
Je veux écrire,
pour dire ce qui fait mal,
ce qui cloche,
ce qui saigne.
Et après, seulement après,
je prierai.
Pas pour m’endormir.
Pas pour lâcher.
Pour pas sombrer, tu comprends ?
Parce que dans ce merdier de camps et de camps contraires,
dans ce monde qui tourne plus rond,
faut bien tenir quelque chose,
faut bien s’accrocher à un bout d’étoile,
à une idée,
à une rage propre.
Moi, ma haine, je la garde.
Mais pas pour les gens.
Pour l’injustice.
Celle-là, je lui lâcherai jamais la main.
C’est ma haine fidèle,
ma haine debout,
ma haine qui pleure avec des mots :
Écrire,
c’est déjà combattre.
C’est ça mon arme.
Et c’est pas rien.
Le 15.03.2024