La Rochelle belle et rebelle : Acte X
- 22 janv. 2019
- Par Zsuzsa M
- Blog : Le blog de Zsuzsa M
Ce samedi le temps est une nouvelle fois avec les manifestant.e.s. Un soleil d’hiver qui réchauffe les cœurs malgré le froid. Si la foule semble moins dense que pour les Actes VIII et IX, la motivation et la force qui se dégage du cortège n’en est pas amoindrie.


La semaine précédant l'Acte X a vu les médias « traditionnels » s’atteler à la question des nombreux cas de violences policières qui ont été recensés depuis le début du mouvement. Ces abus des forces de l’ordre ont d’ailleurs été méticuleusement classés et récoltés par David Dufresne, un écrivain-documentariste. Il commente dans une vidéo Arte intitulée Violences policières et gilets jaunes : « C’est quand même incroyable de se dire qu’en France, chaque samedi les gens qui vont aller manifester, peuvent et savent, qu’ils peuvent perdre un œil. »

Un des gilets jaunes de l'île d'Oléron et du bassin de Marennes (GJMØ) fait d'ailleurs parti des personnes qui ont été grièvement blessées par ces lanceurs de balles de défense (LBD). Il a perdu son oeil droit à Bordeaux le 8 décembre, après s'être pris un tir d'une arme de type flash ball (LBD40) en pleine tête.
Dans les rues, sur les gilets jaunes, et les pancartes, de nombreux messages font référence à ces violences. Ce qui surprend, c'est aussi le nombre de personnes qui viennent en manifestation avec du matériel de protection. Masque de chantier ou à gaz, lunettes de piscine, sérum physiologique ou simple foulard pour éviter le fichage. On parle ici de mères et de pères de famille, de personnes âgées, de jeunes et moins jeunes..
Un cap a été franchi dans l’opinion publique. On ne peut plus dire que ce sont seulement les gens qui veulent en découdre avec les forces de l’ordre qui viennent avec du matériel de protection. Mais bel et bien tous les manifestant.e.s pour se prémunir de cette violence étatique émanant des forces de l’ordre.



On a aussi pu assister à des scènes choquantes où des groupes d’officiers de la brigade anti-criminalité (BAC) étaient en roue libre, coursant des personnes présentes à la manifestation (beaucoup de jeunes) jusqu’au parking près de la place de Verdun. N’hésitant pas à les viser au dessus de la ceinture ce qui est illégal. Ces violences sont désormais devenues une réalité pour une plus grande tranche de la population.



C'est donc peut-être grâce au fait que les médias s’intéressent désormais aux violences policières que cette semaine, le rituel des manifestant.e.s, qui consiste à tenter de rejoindre la préfecture de la Rochelle après la fin du parcours tracé, ne s'est pas terminé dans le chaos.
Pourtant, les manifestant.e.s se sont, comme ces derniers samedis, retrouvé.e.s face à des barricades et des Compagnies républicaines de sécurité (CRS) positionnés entre eux et la préfecture. Ce bâtiment symbole de L’État, inatteignable depuis le début du mouvement.


Vers 18 heures, les manifestant.e.s commencent à se disperser et à s'éloigner des environs de la préfecture, on entend des « À samedi prochain ! », « Merci vous avez été gentils cette semaine ». Suivi peu à peu d’un murmure qui se diffuse parmi celles et ceux qui restent « Grouillez vous ils arrivent par là-bas ! ». Effectivement les renforts de CRS et de la BAC se mettent en place dans les ruelles adjacentes.


Nous avons accouru pour lui demander s'il allait bien, il saignait un peu du doigt mais a été chanceux comparé à d'autres. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi les forces de l'ordre s'en étaient pris à lui en particulier il nous a expliqué qu'il portait autour du cou un masque à gaz datant de la deuxième guerre mondiale que son grand-père lui avait légué.
La confiscation de matériel de protection pendant les manifestations est un sujet qui a déjà été abordé. Libération a récemment consacré un article là-dessus, pointant qu'Amnesty International abordait déjà le sujet dans un rapport de 2017 intitulé "France, le droit de manifester menacé". On ne peut s'empêcher de se demander ce qu'il serait arrivé à cet homme s'il n'y avait pas eu de témoins.
Chaque violence gratuite de la part des forces de l'ordre contribue à faire monter une rage sourde d'impuissance face à l'impunité. Et le silence du gouvernement ne fait qu'envenimer les choses. Marie-Laure Leroy, maman d'un gilet jaune blessé de 27 ans, s'adressait à Emmanuel Macron dans une vidéo mise en ligne : "peut-être qu’il serait digne de la part de quelqu’un qui dirige un pays de finir par présenter ses excuses aux familles et peut-être de rendre visite aux gens qui ont été blessés et qui sont marqués à vie, simplement parce que... parce que quoi ? … Parce qu’il en a marre de cette société… où les gens sont pauvres ?"

Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.