Paradoxe: alors que les mobilisations autour des étrangers maltraités dans leur vie et dans leur travail ont fait venir au jour la réalité de leur vécu, alors que les mises en évidence de leur apport à notre société n'ont aucunement été contredites, on trouve encore un ministère de tutelle pour ne les considérer que comme une nuisance - à traiter toutefois avec prudence. La résistance à cette injustice doit-t-elle changer de forme?
Dans un billet déjà ancien, nous théorisions un chouia les méthodes de résistance au refus du pouvoir de délivrer un titre de séjour aux étrangers qui vivent parmi nous, en distinguant
- le rapport de force: nous sommes les plus nombreux, donc nous avons raison;
- la tension de justice: soit nous ne sommes pas des humains et vous nous laissez mourir, soit nous en sommes et vous changez de politique;
- le défi de visibilité: vos actions contre les étrangers seront connues par le plus grand nombre possible. Car si le pouvoir ne négocie pas (rapport de force) et s'il a toujours raison (tension de justice), ses agents ne sont peut-être pas si désireux que cela de voir leurs actes étalés dans la presse et sur internet.
Tout cela a été mis en oeuvre, avec une vaillante grève des travailleurs qui a fait respecter leur ''valeur travail'' mais n'a pas produit toutes les régularisations espérées, avec la vigilance accrue autour des personnes menacées d'expulsion qui en a sauvé plus d'un, mais au demeurant une toute petite partie – ceux qui avaient des amis un peu organisés.
Dans le pays, chaque préfecture réagit à sa manière à la perspective du ''changement''; les uns ne bougent plus depuis janvier en attendant de voir: ni régularisations, ni obligations de quitter le territoire (OQTF); d'autres deviennent (un peu) plus accueillantes, voire compréhensives, d'autres, au contraire, délivrent à profusion ces OQTF.
Un cas extrême, l'expulsion éclair d'une famille kosovare. “Le point le plus choquant est le fait que cette famille n'a pas pu rencontrer l'association habilitée à faire exercer les droits des étrangers en rétention. Ce n'est en effet que quelques minutes après le départ des permanents de l'association que la famille est entrée au CRA, pour en repartir juste avant leur retour le lendemain matin.'' Les traitements brutaux et inhumains continuent; il suffit de consulter le blog du RESF pour s'en rendre compte.
Quant aux Roms bulgares et roumains, seuls citoyens européens interdit de séjour sans contrat de travail (une situation transitoire pour encore 18 mois, que l'Etat français peut faire cesser à tout moment) ils continuent à être pourchassés de campement précaire en campement précaire. Ils demandent au Premier ministre de rompre avec le passé: “Aujourd’hui encore, dans de nombreuses villes, les évacuations des lieux de vie continuent sans solutions alternatives et au mépris du caractère inconditionnel du droit à l’hébergement, mettant des hommes, des femmes et des enfants à la rue, dans une précarité toujours plus grande. Ce constat s’inscrit malheureusement dans la suite de la politique menée de longue date par les pouvoirs publics. A Nantes, Marseille, Lyon, Lille, Toulouse, en Ile-de-France…, rien n’a changé pour ces familles. ”.
Au sortir d'années de plus en plus dures pour eux, une brise d'espoir se lève chez les étrangers après des bribes d'annonces par le ministre. Quelle sera la réponse à leurs attente? Une circulaire est annoncée, avec des critères de régularisations que l'on promet clairs et universels, c'est-à-dire appliqués uniformément sur tout le territoire, ce qui ne ferait pas de mal à une égalité de traitement volontairement malmenée jusqu'ici.
Les ''amis'' qui ne cessent de s'opposer aux atteintes intolérables aux droits fondamentaux des migrants - séjour, école, logement, travail, santé, les mêmes que ceux de nous tous - ces amis restent attentifs et sur leurs gardes: une circulaire n'a pas la force de la loi, elle donne des instructions temporaires, qui ne peuvent être invoquées en cas de contestation devant un tribunal. De plus, on nous dit que, malgré la déclinaison de nouveaux critères il n'y aura pas plus de régularisations qu'avant! Ces ''amis'' ne sont pas naïfs, et la résistance ne peut que s'enraciner.
Tout en s'intensifiant sur place, la résistance devient internationale: ce 2 juillet 2012, arrive à Strasbourg la marche européenne des sans-papiers,
- ''Pour réclamer la liberté de circulation et d’installation, la régularisation globale de tous les Sans-papiers, l'exercice total des droits des migrant.e.s, la protection et le respect des droits des demandeurs d’asile, la citoyenneté de résidence et le respect des droits des roms/tsiganes...
- Pour exiger des députés du Parlement européen et/ou de l’assemblée parlementaire du Conseil d’Europe, une réelle application de la Convention Européenne des Droits de l'Homme en matière d'immigration et d'asile''.
Et ce même 2 juillet 2012, l’Oloferne prend la mer au port de Rosignano (Italie) pour un périple en Méditerranée organisé par le collectif Boat 4 People:
''Un an après le lancement de notre appel pour une flottille de la solidarité avec les migrant-e-s de Méditerranée nous voilà prêts à prendre la mer. Autour de l’idée de partir en mer pour contrôler les contrôleurs de l’immigration, nous, 17 organisations dans 7 pays différents avons conjugué nos efforts pour amorcer ce projet ambitieux et lancer une première mission maritime.
C’est tout d’abord pour mettre fin à l’impunité des États concernant les crimes commis contre les migrant-e-s qui chaque jour tentent de traverser la Méditerranée que nous avons lancé plusieurs actions durant l’année 2011-2012. Les survivants des naufrages ont été rencontrés, des images satellites ont été récoltées, un travail d’enquête à été mené pour faire enfin juger les responsables des politiques migratoires criminelles. Une plainte - qui en annonce d’autres ! - a été déposée en France concernant la responsabilité de navires militaires dans la non-assistance à des migrant-e-s en détresse durant le conflit libyen
Du point de vue pratique, nous avons développé des outils juridiques et pratiques. Cela afin de défendre les marins et personnes solidaires avec les migrant-e-s en mer, injustement accusés par les politiques anti-migratoires qui criminalisent l’assistance des migrant-e-s en mer, en contradiction avec le droit international''.
Martine et Jean-Claude Vernier
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