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Billet de blog 3 mai 2011

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Par quel bout allonger la scolarité obligatoire ?

L'air du temps est à la rallonge. Le PS affirme clairement une préférence pour l'allongement de la scolarité obligatoire par les deux bouts : abaissement de 6 ans à 3 ans et prolongement de 16 à 18 ans. Mais c'est peut être prendre le problème par les mauvais bouts...Et si on allongeait la scolarité par le milieu !

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L'air du temps est à la rallonge. Le PS affirme clairement une préférence pour l'allongement de la scolarité obligatoire par les deux bouts : abaissement de 6 ans à 3 ans et prolongement de 16 à 18 ans. Mais c'est peut être prendre le problème par les mauvais bouts...Et si on allongeait la scolarité par le milieu !

L'école française va mal. L'idée est donc, notamment pour les élèves en difficulté, de rallonger le temps de classe. Sur cette idée simple, Darcos diminua le temps scolaire de 2 heures par semaine et « récupéra » ces heures pour les « donner » aux élèves en difficulté ; c'était l'invention de l'aide personnalisée et de la semaine à quatre jours. Le bilan est très mitigé (ici et ). Il y a ajouté l'idée de continuer l'école après l'école avec les stages dits de « remise à niveau ».

L'autre alternative est celle de l'allongement de la scolarité obligatoire. En effet, en passant plus d'années à l'école, (sous entendu les élèves en difficulté vont moins à l'école), on améliorera le système. D'où l'idée du PS d'abaisser la scolarité obligatoire à 3 ans et favoriser la scolarité à 2 ans pour les élèves des zones urbaines sensibles (cf. le projet « le Changement » page 22). L'autre idée, présente dans la « convention pour l'égalité réelle » (et non retenue pour le programme mais tout de même avancée par plusieurs responsables du parti) est de rallonger la scolarité jusqu'à 18 ans (page 12). Idée depuis longtemps défendue par les syndicats enseignants.

La première idée est une véritable escroquerie si elle est avancée pour améliorer les compétences scolaires des élèves les plus en difficulté. En effet, le taux de scolarisation des enfants de 3 ans est de 100 % comme l'indique l'INSEE.

Année scolaire 2009-2010

 

Public

Privé

Total

Taux de scolarisation
2-5 ans

2 ans

94 240

29 031

123 271

15,2

3 ans

713 451

94 133

807 584

100,0

4 ans

706 261

94 361

800 622

100,0

5 ans

696 083

94 928

791 011

100,0

6 ans et plus

8 781

1 567

10 348

-

Total

2 218 816

314 020

2 532 836

77,9

La mesure n'aura donc aucun effet sur les apprentissages des élèves (ou seulement à la marge pour quelques cas d'enfants non-scolarisés) mais elle aura une conséquence non négligeable sur laquelle il sera difficile pour la droite de revenir : en abaissant l'âge d'entrée obligatoire à l'école à la « petite section »(3 ans), le PS sanctuariserait l'école maternelle et rendait par la même occasion impossible sa suppression (cf. l'histoire des couches-culottes) comme cela était clairement l'intention de la Droite au début du quinquennat.

Rallonger la scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans est aussi un leurre si de solides dispositifs alternatifs ne sont pas créés et/ou si les enseignants du second degré ne sont pas en mesure de différencier fortement leur pédagogie. Avant d'instituer cet allongement, il y a une nouvelle école à inventer ; une école alternative pour ceux qui sont en rupture avec l'école, une école avec beaucoup de moyens et des taux d'encadrement très bas ; un chantier aussi grand que celui de l'institution de l'école obligatoire, gratuite et Laïque par Jules Ferry. Bien entendu, cette mesure est « égale », « inodore », pour plus d'un élève sur deux qui « fait ses études » au de-là de 18 ans.

Je propose une autre solution, plus simple, de prolongement de la scolarité obligatoire. Une alternative qui vise à combler le sous-investissement dans le primaire.

Créons une deuxième année de CP (cours préparatoire). Le CP2.

Ainsi organisée, l'école élémentaire aurait 6 classes : CP, CP2, CE1, CE2, CM1, CM2. Il y aurait donc 9 ans de scolarité primaire (maternelle + élémentaire) et la scolarité pourrait être portée à 17 ans, voire 18 ans si des classes de rattrapage d'un an sont instituées pour les élèves après 15 ans.

Dans cette configuration, le redoublement devient inutile, et interdit, au primaire (et même totalement jusqu'à 18 ans, si des classes de rattrapage d'un an sont instituées). Seuls les enfants qui avancent plus vite pourraient sauter des classes (jusqu'à passer son bac à 12 ans, cf. la page 4 de la lettre du Recteur de l'Académie de Montpellier). Dans une classe, il est toujours plus facile d'adapter vers le haut (avec du travail en autonomie) que vers le bas (travail plus duel). Cela implique que les programmes restent les mêmes. Il s'agit de faire en 6 ans, ce que l'on fait en 5 ans et de renforcer les compétences premières, la lecture et la numération. Un travail approfondi de CP sur les nombres (aux environs de la centaine) et sur la reconnaissance et la retranscription des sons serait l'axe principal de cette classe (la découverte du monde et l'ouverture aux arts ne seraient, bien-entendu pas exclus). Les disciplines telles que la grammaire, les opérations, l'histoire, la géographie ne commenceraient qu'en CE1 (cours élémentaire première année). Les cours préparatoires (re)porteraient bien leur nom. A rebours, la première année de CP serait une année qui, dans les premiers mois, serait transitionnelle avec la maternelle : l'organisation de la classe, le personnel ATSEM, le mobilier...doit rappeler la maternelle mais les objectifs, in fine, seraient ceux du CP, chacun rentrant, selon son rythme dans les apprentissages de la « grande école ».

J'entends déjà les critiques que l'on pense bien fondées. « C'est le constat accablant de la baisse du niveau, il faut aujourd'hui faire redoubler tout le monde pour retrouver un semblant d'école digne de ce nom ». Ces tenants de la baisse du niveau et de l'excellence de l'école d'avant en auront pour leur compte.

Si l'on prend le nombre d'heures qu'un enfant passait en classe avant 1969, du CP au CM2, 5 500 h, et qu'on le compare à celui d'aujourd'hui, 4 200h, c'est 1300 h de classe perdue en quarante ans ! C'est plus d'heures de classe qu'une année scolaire de 1968, alors que la semaine scolaire était de 30h (1 100h/an en 1968). Imaginez qu'en 1968, on annonce la suppression d'une année d'école ?! Et bien c'est ce que nous avons fait petit à petit. Ajouter demain une année scolaire de plus au primaire, soit 840h, ne rattraperait pas tout ce temps perdu (5040h) !


Mais ce n'est pas tout. Entre temps, les disciplines scolaires se sont multipliées : langue vivante, histoire de l'art, préparation à l'attestation de première éducation à la route (APER), préparation au brevet informatique et internet niveau 1 (B2i)...Et les « anciennes » ont vu leur place augmenter : la leçon d'histoire est passée de 2 fois 15 minutes par semaine à 3h par semaine en 2002. Pareillement, les façons de faire ont changé (je ne parle pas des « méthodes » pédagogiques mais plutôt de la conception des savoirs, d'où le terme « façon de faire »). Ce même cours d'Histoire était souvent une histoire racontée puis copiée, puis apprise par cœur, d'où le peu de temps nécessaire à son « étude ». Aujourd'hui, personne ne concevrait un cours sans qu'un élève n'ait à analyser, questionner, mettre en relation un ou plusieurs documents. L'autre exemple est celui en sciences de la main à la pâte : modèle loué par les Ministres et les programmes, où l'enfant fait des sciences comme un petit scientifique avec des hypothèses, des expériences, des conclusions, des confrontations d'expériences, des comptes-rendus...bref, une seule expérience (Est-ce que l'eau disparait du verre ou va-t-elle quelque part ?) peut tenir une classe sur trois ou quatre séances d'une bonne heure !

A considérer tout ceci, on comprendra les gains de productivité qui ont été réalisés en quarante ans. Les enseignants sont bien meilleurs qu'il y a quarante ans, cela ne fait aucun doute et le niveau des enfants à fortement augmenté (l'environnement les ayant aidé aussi).

Par contre, la part du français dans l'enseignement à fortement chuté. D'une école toute tournée vers la dictée du certificat de fin d'étude, et même organisée pour cet examen, nous sommes passés à une nouvelle école, tournée vers l'économie de la connaissance aux savoirs nombreux et complexes. Le monde a changé depuis 1968 ; l'école aussi, et elle a plutôt bien tenu le choc de ce changement !

On comprendra donc mieux que d'ajouter 840h d'école aux élèves, en début de scolarité, c'est tout simplement augmenter leur temps d'exposition au français et aux mathématiques au moment où cela est le plus fondamental, c'est-à-dire vers 6/7ans. On peut tortiller du popotindans tous les sens, si le niveau en orthographe a baissé de deux ans (cf. Orthographe : à qui la faute ? et sa critique par Evelyne Charmeux), c'est que les élèves sont confrontés à deux ans de français de moins. Bien qu'un peu mécanique, les données chiffrées en nombre d'heures et l'espace donné au français entre 1968 et 2008, ne laisse que peu de place au doute. Quand on supprime deux ans d'études de la langue française, on obtient deux ans de « retard », et encore, pas pour tous.

Cela fait un investissement important en nombre de postes : entre 15 000 et 20 000 postes (selon mes calculs larges) mais cela n'est rien qu'en on sait que 96 000 postes ont été supprimés depuis 2004 ! (76 000 selon d'autres comptes)

Aux instrumentalisations idéologiques et politiques sur la baisse du niveau, il n'est qu'une réponse : redonner aux élèves leur quota d'heures de français et de mathématiques. Si les politiques ne font pas ce choix, alors qu'ils se taisent et qu'ils instituent le principe qui veut que le collège doit prendre à sa charge une partie de l'enseignement fondamental de l'école obligatoire à côté, ou au travers, comme à Clisthène, des disciplines. Il s'agirait alors de créer une véritable communauté école-collège avec socle commun.

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