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Billet de blog 1 juin 2013

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Jusqu’où les concessions des parlementaires socialistes aux alliés risquent de compromettre la refondation de l’école ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La loi sur la refondation de l’école a été votée au sénat le 24 mai 2013, et est repassée en deuxième lecture à l’assemblée nationale. Elle a été examinée en commission et elle sera en discussion en séance publique du lundi 3 juin au mercredi 5 juin. C’est le moment d’analyser les risques que présentent les compromis du gouvernement avec alliés du parti socialistes, ces derniers ont, bien entendu, voulu protéger leur fonds de commerce électoraliste sans voir les conséquences négatives pour les élèves.

Comme il est indiqué au début de l’annexe intitulé « La programmation des moyens et les orientations de la refondation de l’école de la République », cette loi est une étape et « elle doit être complétée par de nombreuses autres actions qui relèvent de la réforme et de dispositions non législatives ».

En réalité c’est plus compliqué que cela. Ceux qui ont fait la loi, ont conçu la refondation comme un « projet de changement organisationnel et culturel » qui se fait en plusieurs étapes et la loi sert de cadre à la première étape. Cette première étape nécessite, outre la loi, de nombreuses actions dont la quasi-totalité ne font pas l’objet de communications car trop complexes. Il s’agit d’une démarche structurée basées sur une analyse des difficultés actuelles ? Où sont les blocages ? Quels sont les leviers possibles ? Par où commencer ? La loi est un cadre pour lancer les actions concernant la première étape «  la refondation de l’enseignement fondamental ". L'enseignement fondamental, c'est l'enseignement obligatoire jusqu'à la fin du collège.

En effet, une fois que l’on a mis en place un comité chargé des programmes, il convient que celui-ci soit capable d’avoir une stratégie pour mettre en place des programmes pertinents. Cela veut dire que les personnes composant ce comité ont une compréhension partagée et pertinente des enjeux et qui soient capables de comprendre les contraintes qu’il faut intégrer dans des programmes pour qu’ils puissent permettre à tous les enfants de progresser. Actuellement, ce n’est pas le cas. Non seulement, les programmes sont trop chargés pour être réalisables, mais en plus à partir de la 5ème, ils condamnent à l’échec et à la perte de l’estime de soi les jeunes qui n’ont pas acquis les fondamentaux de l’expression. Des questions du même niveau de complexité se posent pour le « service public de l’orientation », pour « l’organisation du parcours d’information et d’orientation » etc.  

L’application de la loi à elle-seule ne permettra pas de résoudre les problèmes de l’école, il faut un accompagnement pertinent pour la mettre en œuvre par des personnes qui ont à la fois une compréhension des enjeux et des points de blocage, et la volonté sincère d’améliorer le système. Ceux qui ne voient pas ce que je veux dire, je leur conseille la lecture de « La stratégie du projet latéral » d’Olivier d’Herbemont et Bruno César, indémodable référence pour la réussite des projets de changement dans les administrations. Sans loi pertinente, la refondation est impossible. Mais, avoir une loi pertinente correspond à une résolution d’environ 10% des obstacles.

Le cadre proposée par la loi est pertinent, à l’exception de trois points qui proviennent de négociation avec les écologistes et les communistes, ou les syndicats de parents (pardon les associations de parents d'élèves). Ces trois points sont :

- l’apprentissage des langues étrangères,

- l’accès à d’un titre professionnel de niveau V inscrite comme un Droit,

- l’expérimentation de la décision d’orientation aux parents.

Regardons ces aspects, point par point.

- l’apprentissage des langues étrangères

C’est une exigence des écologistes

J’avais analysé la problématique des langues étrangères dans trois contributions à la refondation de l’école. Aujourd’hui, je n’en changerai pas un mot.

13 – L’apprentissage des langues – état des lieux

14 – L’apprentissage des langues – les dysfonctionnements actuels

15 – L’apprentissage des langues – les solutions

Les problèmes de la loi sont :

- ce n’est pas la peine de commencer en CP, car cet apprentissage va se superposer avec l’apprentissage de la lecture. Ce sera trop difficile pour les 25% des élèves qui ont le plus de mal avec les apprentissages, (Sauf si l'anglais du CP est une sensibilisation).

- il faudrait reconnaitre que la langue de la communication mondiale est l’Anglais. Aussi, il faut imposer l’anglais en première langue. Cela n’a pas été fait. Il n’y a aucun intérêt à permettre le choix de la première langue et beaucoup de conséquences négatives : moindre efficacité de l’enseignement car impossibilité d’avoir une politique claire pour l'enseignement des langues, des contraintes d’organisation supplémentaires à cause de la multiplication des groupes, les mômes qui arrivent en enseignement professionnel sans avoir fait de l’anglais première langue se retrouvent en difficultés sur la matière. 

- rajouter la possibilité d’apprendre une langue régionale ou la langue du pays limitrophe c’est bien gentil, mais c’est impossible pour les 25% des élèves qui ont le plus de mal avec l’apprentissage. Il s’agit d’une demande pour les bons élèves bien suivis par leurs parents.

- l’accès à d’un titre professionnel de niveau V inscrite comme un Droit

C’est une exigence des communistes. Elle est basée sur une erreur d'analyse. Après l'âge de 15 ans c’est contre-productif d’obliger à rester assis sur une chaise un enfant qui n’a pas d’intérêt dans le cours qu’il subit. Il va prendre une énergie folle aux adultes de l’établissement et empêcher les autres d’apprendre pour un résultat nul puisqu’il finira par abandonner. Tout jeune qui n’a pas atteint le niveau CAP doit être soutenu pour construire un projet professionnel réaliste et pour lui permettre de réaliser. Cependant, c’est contreproductif de l’installer dans une salle de classe s’il n’a pas fait le choix de prendre sa vie en main.

Je l’ai déjà expliqué dans ce document.

http://blogs.mediapart.fr/blog/viviane-micaud/220513/les-senateurs-communistes-ont-ils-decide-de-saboter-la-refondation-de-l-ecole

-  l’expérimentation de la décision d’orientation aux parents

C’est une exigence des syndicats de parents. Vous savez ces fédérations qui disent chercher l’intérêt général mais en réalité, soutiennent des positions qui servent leurs adhérents : c’est-à-dire des parents qui veulent suivre la scolarité de leurs enfants. J’ai également écrit sur leur rôle dans la mise en place des dysfonctionnements de l’école.

18- Les fédérations de parents d’élèves

http://blogs.mediapart.fr/blog/viviane-micaud/110113/l-indifference-de-la-communaute-educative-la-souffrance-scolaire-gen

Les deux contraintes d'orientation sont

- que l’enfant ne se retrouve jamais dans une orientation professionnelle pour laquelle il ne s'est pas impliquée, (C'est-à-dire, il faut que l'enfant se soit projeté dans les métiers, résultats de la filière : et il choisit en connaissance de cause). 

 - que le jeune ait  les acquis en compétence, connaissance et envie d’apprendre pour avoir une chance raisonnable de réussir. 

Par ailleurs, les places dans les filières professionnelles sont limitées et il est prévu, à juste titre, que leur nombre soit compatible avec les besoins d’emploi du pays.

Voici le texte qui faudrait vraiment supprimé, car il ajoute des lourdeurs qui vont empêcher de traiter correctement cette problématique complexe. En plus, par essence à cause de l'effet "personnes volontaires pour l'expérimentation" et de "l'effet Hawthorne", ce type d'expérimentation ne permet normalement pas de tirer aucune conclusion sur le niveau de dysfonctionnement qu'une telle disposition entrainera.

« A titre expérimental, pour une durée maximale de trois ans, dans des académies et des conditions déterminées par le ministre chargé de l’éducation nationale, la procédure d’orientation modifiée afin qu’après avoir fait l’objet d’une proposition du conseil de classe et au terme d’une concertation approfondie avec l’équipe éducative, la décision d’orientation revienne légaux de l’élève ou à celui-ci lorsqu’il est majeur. Cette expérimentation fait l’objet d’un rapport d’évaluation transmis aux commissions compétentes en matière d’éducation de l’Assemblée nationale et du Sénat. »

Cette exigence n'est clairement pas dans l'intérêt des enfants, ni dans l'intérêt du niveau de l'enseignement. En effet, aucune des deux contraintes ne sont remplis.

- De la même manière qu'aujourd'hui, les jeunes se retrouveront dans des enseignements qu'ils n'ont pas choisi. Parce qu'il ont répondu n'importe quoi quand on leur a dit qu'il n'avait pas le droit à la 2nd générale et technologique. Parce qu'il  existe des filières professionnelles pour lesquelles, il y a 200 demandes et 15 places. L'attribution d'une place dans une filière doit être liée à la démonstration de la motivation.

- Il est évident que les élèves ayant de graves lacunes en expression vont demander en masse la filière générale, où ils vont se retrouver en échec et perturber les enseignements. Tant que les représentations de la hiérarchie des filières sont inchangées, tant que, pour des raisons de pouvoirs, des personnes nieront que chaque cours nécessitent l’acquisition de prérequis et qu’on ne rattrape pas en 2heures par semaine par groupe de 17 élèves des lacunes accumulées pendant 5 ans, les parents exigeront la filière générale pour leur petit chéri qui ne sait pas aligner une phrase et qui ne veut pas se projeter dans le futur. Vous voyez la Première L avec 10% des enfants incapables d'aligner des mots pour faire une phrase ? C'est là où on va.

Il s’agit d’une expérimentation vouée à l’échec dont les enfants vont faire les frais, et qui va gêner la recherche d'une vraie solution.

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