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Billet de blog 26 décembre 2009

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Littérature

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Aimez-vous Sagan? Toxique

Françoise Sagan a commencé à se droguer « par accident », au sens propre comme figuré. « En été 1957, après un accident de voiture, je fus, durant trois mois, la proie de douleurs suffisamment désagréables pour que l’on me donnât quotidiennement, un succédané de la morphine appelé le ʺ875ʺ (palfium).

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Françoise Sagan a commencé à se droguer « par accident », au sens propre comme figuré. « En été 1957, après un accident de voiture, je fus, durant trois mois, la proie de douleurs suffisamment désagréables pour que l’on me donnât quotidiennement, un succédané de la morphine appelé le ʺ875ʺ (palfium). Au bout de ces trois mois, j’étais suffisamment intoxiquée pour qu’un séjour dans une clinique spécialisée s’imposât. Ce fut un séjour rapide, mais au cours duquel j’écrivis ce journal que j’ai retrouvé l’autre jour ».

Illustration 1

Toxique, donc, journal tenu en 1957, publié en 1964 et réédité chez Stock en 2009. Des fragments, illustrés par Bernard Buffet, des bribes de douleur, de souffrances, d’angoisses. Une « déchéance » accentuée par cette forme brève, ce refus du narratif. Quelques moments de répit, les odeurs d’herbe chaude, sentir son cœur battre, mais ce ne sont que des parenthèses, avec, toujours, la crainte de la douleur qui fera prendre une nouvelle « ampoule » :

« Je m’épie : je suis une bête qui épie une autre bête, au fond de moi ».

Sagan est seule et « il y avait longtemps que je n’avais pas vécu avec moi-même ». Elle lit, pense à sa vie de fêtes, d’alcool et d’oubli. Apollinaire, Baudelaire, Rimbaud, Proust. Elle pense à ce « paradis artificiel de la non-souffrance » qui lui est désormais interdit.

Tout dit le manque et la peur du manque, les espaces blancs des pages striés des encres de Chine de Bernard Buffet, le caractère brut et brutal du texte. Ironique, également : Sagan voudrait écrire une nouvelle, n’y parvient pas, pourtant « il faudrait bien que j’écrive cette nouvelle au lieu de me livrer à ce petit marivaudage avec moi-même ». Toxique, le journal de désintoxication d’une jeune femme de 22 ans qui n’en a cure et envisage la mort comme une « idée plate ».

J'avais 16 ans,J'ai eu 16 ansJe n'aurai plus 16 ansMoi qui me sens la jeunesse mêmeJe n'ai pas vieilli en fait,Je n'ai renoncé à rien.

Françoise Sagan, Toxique, , illustrations de Bernard Buffet, Stock, 15 €.

et :

Françoise Sagan, Bonjour New York, suivi de Maisons louées

Françoise Sagan, La Petite Robe noire et autres textes

Illustration 2