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Billet de blog 17 septembre 2010

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La BD fait sa rentrée (5/5) – les coups de cœur de Comic Strip

Pour clore cette série d’articles consacrés à la rentrée BD, trois coups de cœurs et trois univers radicalement différents : un projet éditorial remarquable, un héros de blog qui poursuit sa vie sur papier, un comics américain à l’humour noir et déjanté. 

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Pour clore cette série d’articles consacrés à la rentrée BD, trois coups de cœurs et trois univers radicalement différents : un projet éditorial remarquable, un héros de blog qui poursuit sa vie sur papier, un comics américain à l’humour noir et déjanté.

Illustration 1
© Schuiten - Abeille / Attila

C’est un projet éditorial hors normes qui a paru en août aux éditions Attila. A l’origine de cet album-concept, la rencontre de deux hommes : Jacques Abeille, auteur inclassable, auteur du roman Les Jardins Statuaires (éditions Joëlle Losfeld) qui constitue le matériau, la pierre angulaire des Mers Perdues ; et François Schuiten, dessinateur, architecte et scénographe mondialement connu.


A la lecture de l’œuvre de Jacques Abeille, François Schuiten s’est pris de passion pour celle-ci, fasciné par la proximité de l’univers du romancier avec son propre travail. Il lui a soumis quelques dessins et en retour, Jacques Abeille a été conquis par la vision du graphiste. De cette admiration immédiate et réciproque est né un album, mi roman graphique, mi journal dessiné, mariage de deux univers qui ne se connaissaient pas. Mais pourtant si proches.

Illustration 2
© Schuiten

Le dessinateur des Cités obscures (avec Benoît Peeters chez Casterman) ou des Terres Creuses (avec son frère Luc chez Casterman également et dont le tome 2, Zara, est sorti récemment) s’est posé en véritable peintre, architecte des mots de l’auteur. Les croquis, les planches, les tableaux qui retranscrivent, racontent les visions, les découvertes des protagonistes de cette histoire sont tout simplement somptueux.


L’histoire est celle d’une expédition scientifique initiée par un milliardaire qui a recruté une jeune géologue, un dessinateur, un écrivain et un explorateur chevronné. Ils ne connaissent pas leur destination, l’expédition fait route dans du secret le plus total. Rapportée sous la forme d’une correspondance entretenue par l’écrivain avec un ami, on suit le déroulement de ce voyage aux frontières de la réalité, au gré des pages et des illustrations de Schuiten (qui figurent celle du dessinateur de l’équipée). Le style narratif est emprunt d’un style digne d’un roman d’aventure de la fin du XIXème siècle, avec des tournures ampoulées et un langage précieux. On pense à Jules Verne, Edgard Rice Burroughs, Joseph Conrad… Une œuvre chorale, singulière, prégnante, fascinante.


Les Mers perdues, dessins de François Schuiten, textes de Jacques Abeille, 96 pages, illustrations en couleur et en noir & blanc, Attila - 23 €

« Think about the planet. Don’t save the Polar Bear »

Illustration 3
© Wandrille - Marshall Joe / Warum

Imaginez un ours blanc ne pensant qu’à boire, baiser et bouffer tout ce qui bouge (sans modération) et à faire preuve de la plus grande cruauté dès que l’occasion se présente. Fernand the Polar Bear est l’œuvre de Marshall Joe et Wandrille, il sévit sur la toile depuis mars 2009 dans un blog BD. Fernand quitte donc l’écran et poursuit ses aventures alcooliques et perverses sur papier. L’album sort en librairie aux éditions Warum et c’est trash, irrévérencieux, scatologique, scabreux, horrible… En un mot : hilarant.

Les aventures de cet ours qui picole, manipule, tue (ou envoie à une mort certaine) les malheureux qui ont la malchance de le croiser sur la glace (ou ailleurs) sont un régal de mauvais goût et d’humour. Fernand ne manque jamais une occasion de faire le mal… pour se faire du bien…

Redisons-le tout net : faites quelque chose pour la planète. Ne sauvez pas l’ours polaire.


Fernand the polar Bear, tome 1 : La Bière polaire, de Wandrille et Marshall Joe (Warum), 12 €

Illustration 4
© Peter Bagge / Rackham

En ce week-end du Memorial Day, Perry est ronchon. Sur la route qui les ramène, lui et son pote Gordo, vers Seattle après une semaine en montagne, il ne peut s’empêcher de penser à sa rupture récente, à son job dans une multinationale où il n’est « qu’un rouage de ce béhémoth industriel »… En chemin, ils croisent des SUV surchargés roulant à pleine vitesse, quand la radio délivre (péniblement) un message alarmant : « ceci n’est pas une simulation ! » S’arrêtant à la première station service, ils apprennent la terrible nouvelle : « ce cinglé de Kim-Jong-Il a atomisé Seattle ce matin ».

Illustration 5
© Peter Bagge

Ainsi commence Apocalypse Nerd de Peter Bagge, auteur underground américain à l’humour noir et ravageur (il est également l’auteur de Tous des idiots sauf moi et autres considérations du même ordre à paraître le 22 septembre chez Delcourt). Au fil des ses réalisations, Peter Bagge s’est fait une solide réputation (justifiée) de satiriste affuté, croquant avec délice les travers de son pays : diminution des libertés publiques, engagement en Irak, débats religieux et idéologiques sur la drogue et les armes. Avec cette question en suspens : comment trouver sa place dans un tel monde, et comment survivre si celui-ci était amené à disparaître ?


Ainsi, avec Apocalypse Nerd, ce ne sont pas seulement les seuls binoclards et les boutonneux (nerds en VO) qui en prennent pour leur grade, mais l’Amérique tout entière. Dans cette ambiance post-apocalyptique foutraque, Bagge brocarde à tout va : égoïsme, lâcheté, individualisme, peurs profondes et irrationnelles… mais aussi et surtout le complexe de supériorité made in US qui, dans Apocalypse Nerd, fond comme neige au soleil au premier champignon atomique venu. Morbide et jubilatoire.


Apocalypse Nerd, Peter Bagge (Rackham), 16 €. En librairie le 18/09/2010

– D. B.

Articles précédents :

La BD fait sa rentrée (1/5)

La BD fait sa rentrée (2/5) : des événements et des séries

La BD fait sa rentrée (3/5) : renouveau et nouveautés

La BD fait sa rentrée (4/5): Made in USA et autres légendes