Du 25 septembre 2020 au 26 septembre 2020
Le Bistrot de Juliette (86 rue de Wattignies), Payuss (77 rue Claude Decaen), Le Petit Relais (95 rue Claude Decaen), Le Satellite (19 rue Edouard Robert)
Entrée libre, dans la limite des places disponibles
Ouvrir la deuxième édition de "Tournée Générale" au Bistrot de Juliette était pour nous une évidence. Lors de la première édition du festival, la personnalité haute en couleurs du patron du lieu Ali a fait sensation parmi les artistes et les spectateurs. Avec ses mots d'oiseau en guise de bonjour et d'au revoir, sa cuisine généreuse et sa tendresse à peine dissimulée derrière un abord bourru, il contribuait l'an dernier à la réussite de soirées marquantes dans la jeune histoire de notre aventure d'Art et de Bars. Sans lui, la fête de Mexica du groupe Texcoko n'aurait pas été la même. C'est aussi à son comptoir que, pour la première fois, Guillaume Clayssen mêlait théâtre et philosophie sous la forme d'une performance philosophique, Penser (dans) l'ivresse. On l'y retrouvera le 3 octobre autour d'une nouvelle matière à penser : le rêve. Mais revenons au 25 septembre : avec sa conférence expérimentale intitulée Le vin, comme moyen de multiplication de l'individualité, Olivier Balazuc fait une ode à l'ivresse.
19h au Bistrot de Juliette - Olivier Balazuc voyage dans les Paradis artificiels de Baudelaire
C'est pendant le confinement qu'est née l'idée de cette performance inaugurale. Dès le premier jour de cette période étrange, le comédien et metteur en scène se lançait sur la toile avec un blog, Le jour où (presque) tout s'arrêta, qui fut l'un des fils rouges de mon enfermement. Répondant pour l'auteur au désir que "cette immobilité forcée ne soit pas un immobilisme", ses billets faisaient souvent écho à des questionnements personnels. Je l'ai interviewé à plusieurs reprises, notamment pour Sceneweb (il en question ici et là). Il m'a décrit sa démarche comme "une manière d’en découdre avec la situation, de participer à l’effort collectif qui devra être mené après l’épidémie pour inventer un autre modèle de société, loin du libéralisme dont le virus a révélé les failles". La discussion a dérivé vers "Tournée Générale", et vers l'idée d'une conférence expérimentale qui permettrait de poursuivre les réflexions nées du confinement. Et d'accompagner le retour à la vie, à l'ivresse. Avec Le vin, comme moyen de multiplication de l'individualité, Olivier Balazuc nous livre un texte qui pourrait faire office de manifeste au festival "Tournée Générale" : Le Vin, texte d'ouverture des Paradis artificiels de Charles Baudelaire.
http://tourneegenerale.org/le-vin-comme-moyen-de-multiplication-de-lindividualite/
20h30 au Payuss - Cécile Morelle nous mène en Picardie (1ère partie) et Aram Tastekin au Kurdistan
C'est par Guillaume Mika, venu jouer l'an dernier dans nos bars avec le guitariste Johan Cabé sa Métaphysique articulaire adaptée de l'auteur russe Sigismund Krzyzanowski, que j'ai entendu parler de Cécile Morelle. Guillaume lui-même m'avait été présenté quelques temps plus tôt par Alexandre Pallu du groupe Texcoko et par Clara Chabalier - elle aussi présente à la première édition du festival, avec sa lecture Pasolini, derniers écrits - qui organisent ensemble lectures et performances à La Petite Rockette dans le 11ème arrondissement. La lecture d'une partie de La Trouée, premier seul en scène en cours d'écriture de Cécile Morelle, est donc le fruit d'une série de rencontres, d'échanges dont la toute jeune histoire du festival est déjà riche. Renouant avec ses racines picardes, l'artiste invite un morceau de campagne au Payuss, restaurant africain et brasseur qui a récemment ouvert dans notre Vallée de Fécamp.
http://tourneegenerale.org/la-trouee-1ere-partie/
La soirée se poursuit au Payuss, dont les bières au gingembre ou au mil et sorgho seront à l'honneur, avec Happy Dreams, une histoire kurde de Aram Tastekin. Un spectacle que j'ai découvert en février, sur les conseils d’un ami qui l’avait rencontré plus tôt grâce à l’Atelier des artistes en exil. Mis en scène par Elie Guillou – assisté de Noémie Regnault –, qui en a aussi écrit les textes d’après les récits d’Aram, ce seul en scène autobiographique se joue alors dans la cave voûtée de 50 places d’un restaurant kurde du 10ème arrondissement de Paris, le Kibélé. Il devait y retourner le 13 mars mais, alors que les rassemblements étaient encore autorisés jusqu’à 100 personnes, l’équipe a préféré annuler par mesure de sécurité. Une autre représentation était prévue le 3 avril… Avant de rejoindre « Tournée Générale ». Né en 1988 en Turquie, diplômé de la faculté de théâtre de l’université d’Hewlér au Kurdistan irakien, Aram revient dans cette pièce sur ses jeunes années à travers une série de récits où la naïveté de l’enfant se mêle avec bonheur à la finesse de l’adulte.
http://tourneegenerale.org/happy-dreams-une-histoire-kurde/
22h au Petit Relais - Dieudonné Niangouna va De ce côté
Afin d’assoir l’ancrage du festival dans sa Vallée de Fécamp, et de participer à l’invention de formes et de récits nouveaux, au diapason de l’époque, "Tournée Générale" va vers des écritures de plus en plus contextuelles. C’est-à-dire conçues pour les espaces des cafés, de ses cafés. Plusieurs performances inédites et trois créations témoignent de cette évolution en cours. Parmi lesquelles, De ce côté de Dieudonné Niangouna. Écrit pour l’occasion, ce texte est interprété par l’auteur lui-même à trois reprises lors du festival, dans trois lieux différents. A commencer par Le Petit Relais, nouveau partenaire de la "Tournée". On y fait la rencontre d'un certain Zacharie, ancien auteur, metteur en scène et comédien venu d’un pays d’Afrique jamais nommé, qui après avoir connu un certain succès dans son pays d’accueil (la France), a rencontré des difficultés liées au contexte politique. Il a décidé d’ouvrir un bar : "La Cour des Miracles". Pendant le confinement, nous en publiions des extraits sur le site du festival, à déguster ici avant de l'entendre dans un café de la Vallée. Ils sont illustrés par l'ami Eric Kuntz, qui signe l'affiche du festival et y expose au Payuss.
Agrandissement : Illustration 4
23h au Satellite - Julien Flament et David Coquil chez les junkies
Si certains spectacles peuvent se prêter à n'importe quel comptoir, d'autres se tournent naturellement vers certains lieux plutôt que vers d'autres. C'est le cas de Nancy, traduit et conçu par Nathalie Elain, Louison Pochat et Julien Flament, qui l'interprète seul en bar. A la lecture de la première nouvelle du recueil Pretending to say no de l'auteur américain Bruce Benderson, c'est évident pour moi comme pour Eric Kuntz, qui y a retrouvé l'univers Beat Generation qu'il aime tant : c'est au Satellite que doit aller Nancy. Avec ses néons violets et son air désuet, un peu déglingué, le bar tenu par le charmant et charmeur Aziz - et avant lui par Djamel dit "le manchot", grand connaisseur d'un Koltès méconnu - est le cadre idéal pour évoquer le New York underground des années 1980, où vivent les junkies du texte. Dans ce café, un solide noyau d'habitués offrira aux créatures incarnées par Julien Flament un accueil parfait. Comme au théâtre... Mais dans un bar, sur la musique de Djd!, qui après plusieurs années de silence reprend du service pour conclure la première journée de "Tournée Générale".
http://tourneegenerale.org/nancy/
http://tourneegenerale.org/new-york-rage-dj-set/
Anaïs Heluin