Du 12 mars 2022 au 12 mars 2022
Cinéma Saint-André des Arts 30 rue Saint-André-des-Arts, 75006 Paris

Soy libre est un documentaire étonnant. Son personnage principal est un individu non-exemplaire, une de ces personnes que l’on ne rencontre pas beaucoup dans les documentaires. La forme aussi n’est pas classique : la réalisatrice dialogue avec le principal protagoniste qui s’empare par moment de la caméra.
Bande annonce | SOY LIBRE de Laure PortierLaure Portier filme durant des années son petit frère, Arnaud, jusqu’au jour où elle s’est rendu compte « qu’il était déjà grand ». Ça commence, raconte-t-il, dans les Deux-Sèvres, dans la cité où il vit, enfermé, au sein d’un foyer où le père est absent et la mère, violente. « Une mère qui t’aime que quand t’es dans la merde. » Un jeune désœuvré dans un milieu qu’on devine défavorisé, qui connaitra les familles d’accueil, les foyers, la psychiatrie, les services de police et la pénitentiaire.
En 2012, la réalisatrice apprend qu’il est à la prison des Baumettes à Marseille et là, c’est « l’urgence que quelque chose se passe ». La caméra sera là. Car « ce film est fait pour Arnaud, explique la réalisatrice. Lorsque nous étions enfants, j’étais la mignonne petite fille et Arnaud, c’était la tornade. On attendait toujours la prochaine connerie qu’il allait faire. Le regard des adultes l’enfermait dans cette attente. Et il finissait par faire une connerie, comme pour leur donner raison. »
Au sortir des Baumettes, Arnaud décide de partir en Espagne, à Alicante. Il y apprend la langue, la rue et se filme. Puis se sera le départ au Pérou, toujours plus loin, avec la caméra toujours.
Au-delà d’un portrait voire d’un itinéraire de vie, ce documentaire est aussi un face à face entre une réalisatrice et son personnage, chacun discutant sa place et celle de l’autre. Chacun étant à son tour insupportable, aux yeux de l’autre et à nos yeux aussi. Car c’est du rapport frère-sœur dont il est question : « De la complicité, la rivalité et la chamaillerie. De l’amour fraternel », explique Laure Portier.
Dans un montage ciselé, où ce n’est pas la chronologie qui dicte l’ordre des scènes mais plutôt la tension émotionnelle, on suit la quête d’un rêve, somme tout banal : « Avoir une maison à la campagne, une femme, beaucoup d’enfants et une vie libre ». Arnaud, dont les touchants dessins ponctuent sa vie et ce film le représente d’ailleurs ainsi :

Comment sortir de l’assignation ? Peut-on fuir sa prison intérieure ? Le cinéma et l’art peuvent-ils aider à se reconstruire ? Dans ce face-à-face sans concession entre un frère et sa sœur, ce sont les questions vitales que Soy Libre aborde.
Sophie Dufau, journaliste à Mediapart
Soy Libre. France, Belgique. 2021. 78 minutes. Réalisatrice Laure Portier. En salle le 9 mars 2022.

Ce film a été notamment primé l’an passé au Brussels International Film Festival, au Zurich Film Festival. Il a reçu le label “Oh my doc !” créé en 2020 par France Culture, la Cinémathèque du documentaire, l’association Les Écrans, la plateforme Tënk et Mediapart afin de chaque mois soutenir la sortie en salle d’un documentaire remarquable.
Je serai, au titre de Mediapart et du label Oh my doc ! en débat avec la réalisatrice Laure Portier au cinéma Saint André des arts à Paris lors de la séance de 20h30 samedi 12 mars.