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La stratégie se banalise mais reste efficace. On laisse fuiter une note des services de Bercy préconisant de revoir les règles d'indexation et d'éligibilité de certaines prestations sociales (allocations aux adultes handicapés, allocations personnalisée pour l'autonomie, aides personnelles au logement, bourses sur critères sociaux ...) pour endiguer l' augmentation de la charge qu'elles représentent pour le budget de l'Etat jugée insupportable. Les pistes avancées sont classiques : ne plus indexer (totalement ou partiellement) la progression des aides sur l’évolution des prix, mieux prendre en compte le patrimoine des personnes dans le calcul de l’allocation, encourager le retour à l’emploi – par exemple en conditionnant l’octroi de certains minima sociaux « à des démarches actives de recherche » d’un poste, etc.
Effet garanti. Les ministres "financiers" approuvent tout en laissant entendre que la note n'est qu'un "document technique" (sous-entendu on réfléchit encore), la ministre de la santé et des solidarités refuse ... dans un premier temps car son budget est en jeu. Économie escomptée de l'exercice : 7 milliards d'euros en 2 ans, selon le Canard enchaîné.
Deuxième acte, on balance un discours cash via la vidéo d'une " réunion de travail" (très surjouée).
« On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas (...). Je vais faire un constat qui est de dire : on met trop de pognon, on déresponsabilise et on est dans le curatif. Toute notre politique sociale, c’est qu’on doit mieux prévenir – ça nous coûtera moins, ensemble – et mieux responsabiliser tous les acteurs (...) Les gens pauvres restent pauvres, ceux qui tombent pauvres restent pauvres. On doit avoir un truc qui permet aux gens de s’en sortir. Par l’éducation… (...) Il faut prévenir la pauvreté et responsabiliser les gens pour qu’ils sortent de la pauvreté. Et sur la santé, c’est pareil. Tout le système de soins que je veux repenser, c’est aller vers plus de prévention pour responsabiliser, y compris les acteurs de soins (…). C’est dans ce contexte-là qu’on fait le reste à charge zéro. (…) C’est une politique de responsabilité car tout le monde va au pot, (…) je demanderai des efforts aux mecs qui font des lunettes, aux types qui font des verres… »
Re-effet garanti. On s'invective dans les commentaires sur la toile entre les pro "le temps est venu qu'une dépense soit efficace" et les contra "oser prétendre que les pauvres sont responsables de leur état et ne cherchent pas à en sortir, c'est dégueulasse" .
"Et toi, chômeur en fin de droit, allocataire du RSA, personne handicapée, travailleur mal payé avec ta prime pour l'emploi, retraité modeste, agriculteur, ça ne te gêne pas de coûter "un pognon dingue" aux exonérés d'ISF", twitte le député socialiste Boris Vallaud.
Le lendemain Jupiter revient sur le sujet au 42e congrès de la Mutualité française. Le discours est plus policé mais le fond reste le même : pas de « tournant » social mais un accent mis sur « l’efficacité » des aides sociales et la « responsabilité » des Français qui les touchent, selon le journal 20 minutes (alors qu'il ne s'agit, en réalité, que d'économies et uniquement de cela. J'aimerais bien que la suite de ce feuilleton me donne tort mais je n'y crois guère).
Voilà. Les éléments de langage sont posés. On va nous les servir à l'envi en oubliant, par exemple, que la proportion des personnes ne réclamant pas les aides auxquelles elles pourraient prétendre soit par ignorance soit par refus d'une certaine stigmatisation sociale est plus élevée qu'on pense (1), ou que les bénéficiaires ne sont pas forcément des chômeurs refusant de rentrer dans le rang de l'emploi et préférant travailler au noir, mais comptent aussi des travailleurs pauvres.
On n'est pas loin du prurit de l'assistanat si cher à L. Wauquiez.
Vaincre la pauvreté par l'éducation : fort bien mais à l'heure où l'on rogne sur tous les budgets, de quelle éducation peut-il bien s'agir ? Me revient alors cette phrase d'un sketch de Coluche : "dites-moi ce dont vous avez besoin, on vous apprendra comment vous en passer".
Et puis, tant qu'à parler d'efficacité : quelle est celle de ces "renoncements à percevoir", comme écrit joliment un commentateur sur le site du journal Le Monde, que sont les exonérations de charges sociales et autres douceurs fiscales à destination des entreprises et/ou de certains contribuables ? Les premières finissent par jouer le rôle de "trappes à salaires", ce qui ne tend pas à réduire la fracture sociale. Quant aux secondes, combien de divisions en termes d'emploi et d'investissement dans nos entreprises ? Les statistiques existent sûrement quelque part et je n'ai pas envie de les chercher de peur d'y lire ce que je crains : beaucoup d'argent là aussi pour un résultat médiocre.
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Il faut se rendre à l'évidence, pour l'heure, le fameux ruissellement continue de pisser trois gouttes.
La geste macronienne est celle d'un triste individualisme, de la fiction éculée de volontés également libres. Quant à la communication jupitérienne, je ne sais pas vous, mais je trouve qu'elle se "trumpise" : créer de la sidération pour mieux jouer, sans grand risque, vu la majorité qu'il détient au Parlement, les grands se(a)igneurs. Et puis, qui sait, tout cela s'oubliera vite si l'équipe de foot fait un beau parcours au mondial de baballe en Russie.
Où il appert, comme disent les juristes, que dans ce monde ultra-financiarisé, il semble plus facile de s'attaquer à l'os qu'au gras.
Portfolio 14 juin 2018
Pognon de dingue
Où il appert, comme disent les juristes, que dans ce monde ultra-financiarisé, il semble plus facile de s'attaquer à l'os qu'au gras.
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