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C'est d'abord un lieu : l'Arcouest. Bretagne.
Puis, des hommes et des femmes qui s'appelaient Louis Lapicque, Charles Seignobos et sa compagne Cécile Marillier, pour les pionniers, auxquels s'adjoindront Marie Curie et Jean Perrin notamment, puis Frédéric Joliot, Irène Joliot-Curie, Pierre Auger, Francis Perrin et d'autres que je n'ai pas notés. En vacances provisoires de leurs universités et laboratoires respectifs, ils s'y installèrent, firent construire, pêchèrent, naviguèrent, y randonnèrent, se baignèrent en famille, comme vous et moi. Non loin de là, un autre phalanstère, plus artiste celui-là, comptant parmi ses membres le dessinateur de l'Assiette au Beurre, Jules Grandjouan. Le navire des seconds arraisonna, un jour, celui des premiers mais les deux groupes ne se mélangèrent pas.
Un livre, enfin, écrit par Edouard Launet (à lire absolument). Ce qu'il raconte est l'histoire d'une communauté en majorité scientifique (mais pas seulement), humaniste, pacifiste, dreyfusarde, socialiste, convaincue que le progrès scientifique induirait le progrès social et dont l'utopie fut pulvérisée en même temps que la ville d'Hiroshima.
Pourquoi parler ce cela ? Parce que ce livre recoupe aussi quelques souvenirs personnels.
L'Arcouest, j'en ai entendu parler bien avant de savoir que Liliane Bettencourt y avait une maison (assez laide), bien avant la sortie de ce livre, donc, chez F. et M., qui n'étaient pas vraiment des cousins (une cousine partagée par M. et ma mère, l'oncle du premier ayant épousé la tante de la seconde, ne permettant pas d'établir ce genre de lien) mais que l'affection m'a vite fait annexer, abusivement et silencieusement, à ma propre parentèle. J'ai longtemps pensé qu'ils avaient à L'Arcouest une résidence secondaire, ou quelque chose comme ça, et voilà qu'en feuilletant cet ouvrage me vint l'idée qu'ils avaient peut-être contribué à perpétuer cette colonie sorbonnarde, mis leurs pas dans ceux de ces déffricheurs illustres.
Au fil des pages me revinrent des noms, des visages croisés dans leur appartement parisien dont une descendante directe de la branche artiste de l'Arcouest. Rétrospectivement, je me rends compte de la confiance qu'ils manifestaient à mon égard en m'associant à cette compagnie. Et de la richesse qu'ils m'offraient.
L'Arcouest après-guerre ce fut quoi ?
Je n'en ai jamais parlé avec eux. Pour moi, elle a le visage de ce couple saisi par Henri Cartier Bresson : Irène et Frédéric Joliot-Curie.
Il me semble que cette image dit tout : une sorte, sinon d'éffondrement, du moins une désillusion sinistre. Brider ses mains, les rendre insensibles à la volonté. Difficile d'anticiper l'avers et le revers de toutes choses. En notre ère consumériste et pressée, miser sur la vertu et la responsabilité des hommes est aussi une utopie.
Une photo de groupe : la 57 ème promotion de l'école supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris. Ils sont jeunes, ont parfois bifurqué, enthousiastes, vers autre chose dans leur vie professionnelle. Les années "glorieuses" leur ont peut-être ouvert d'autres espaces libres pour les rêves ... ceux qui, au fond, nous manquent aujourd'hui .....
PS : pour en savoir plus sur L'Acouest :
http://www.espace-sciences.org/conferences/l-arcouest-ou-sorbonne-plage
Portfolio 14 août 2016
Sorbonne plage
Un lieu, un livre et quelques souvenirs personnels sur fond de rêves atomisés
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