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Portfolio 27 octobre 2022

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Iran- Horreur et Auto-censure, Comment Changer de Perspective

40 jours et une révolution qui vient- quelques pistes pour comprendre ce qui se passe en Iran, mais surtout, en quoi cela nous concerne.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  1. Illustration 1

    Cela fait quarante jours que le peuple d'Iran se soulève contre le Régime autoritaire et sanguinaire qui se présente comme "la République Islamique" et qui n'a en fait pas grand chose de républicain ou de musulman.

    Le combat est aussi un combat de mots et d'images, surtout depuis l'étranger où nous ne disposons de rien d'autre pour aider ceux qui risquent leurs vies pour la liberté de leur peuple.

    Si vous voulez adopter une nouvelle perspective sur la question, prenez le temps de me suivre dans cette petite rétrospective en images, forcément lacunaire, mais à 100% sincère. 

  2. Illustration 2

    D'abord, il y a tout ce que nous taisons.

    Certains médias le disent même explicitement "nous ne diffuserons pas les images, elles sont trop horribles".

    Les réseaux sociaux masquent automatiquement les vidéos, pour protéger les utilisateurs, et je les comprends.

    Chacun a ses propres sensibilités... Pour ma part, j'ai atteint ma limite avec la vidéo de Shirine Alizadeh.

    Cette femme de 35 ans filmait avec son portable l'agitation dans les rues d'Ispahan.

    Dans la voiture, conduite par son mari, il y a aussi leur fils de sept ans, et un couple d'amis en vacances avec eux.

    Pendant que Shirine filme on entend les conversations, une voix- est ce une des deux femmes ou le petit garçon ?- exprime des doutes sur les coups de feu que l'on entend.... Tirent-ils en l'air ou sur les gens ? Soudain : "La fille ils ont tiré sur une fille !! " "oh la la ils l'ont tuée", et on imagine aisément la sidération dans l'habitacle. 

    Et puis sans prévenir... "pah ! ". L'image vacille, le téléphone tombe après un petit bruit mouillé presque indétectable, et une seconde après, l'écran rougit.

    Shirine a été abattue d'un tir direct dans la tête, sous les yeux de son petit garçon.

  3. Illustration 3

    Pourquoi cette vidéo plutôt que celle du corps du jeune garçon à la poitrine ensanglantée qui palpitait à même le sol pendant qu'on entendait les hommes autour de lui se lamenter "Oy Oy, Voy, c'est un enfant, ils ont tué un enfant"?

    Pourquoi Shirine plutôt que Ghazaleh, qui filmait elle aussi, à pied, les manifestations, et qui a finalement filmé aussi sa propre mort, quand un tireur l'a prise pour cible ?

    Je suppose que c'est personnel, les limites. On ne sait pas à l'avance ce qui va nous briser. Mais si je devais émettre une hypothèse, je dirais que c'est peut-être l'horreur absolue de leur innocence, ces voix qui disaient si clairement leur incrédulité, eux qui n'imaginaient pas qu'on puisse leur tirer dessus, des tirs directs, à balles réelles, sur la voiture de leurs vacances.

    Quelqu'un avait accompagné un des très nombreux partages de cette vidéo du commentaire "un film d'horreur de seulement 35 secondes". Et c'est vrai, tout y est. La République Islamique a fait de mon pays entier une version snuff movie de TikTok.

    Et nous sommes, tous, cet enfant, dont les reportages disent sobrement "il ne va pas bien du tout". 

  4. Illustration 4

    Bien sûr, nous faisons une révolution, et c'est plutôt sur des gens comme Fatemeh Sepehri que nous devrions orienter nos projecteurs- cette femme courageuse dont toute la famille s'est engagée, dignement et sans compromis, dans le combat pour renverser le régime.

    Cette veuve de guerre volontairement voilée de la manière la plus stricte, emprisonnée pour avoir soutenu les filles qui brûlent leur hijab incarne mieux que quiconque cette "union sacrée" de toutes les forces de l'Iran.

    Toutes les individualités, différentes et parfois opposées, qui choisissent de se serrer les unes contre les autres, comme les grains brillants de la grenade, pour présenter un front commun, uni sous une épaisse écorce commune, à la lame de l'oppresseur.

    Mais je vois bien que ce n'est pas le sort de Fatemeh Sepehri qui touche les cœurs, ici dans le monde libre. 

  5. Illustration 5

    Il faut des images choc

    Comme celle ci, qui est une version "live action" des dessins de presse qui sont sortis dès les premiers jours du soulèvement, où l'on voyait des femmes aux longues chevelures libres étreindre leurs sœurs voilées. 

    Pour les iraniens, cette solidarité, cette unité, sont une évidence. Ils la vivent déjà au sein même de leur société, de leurs familles, de leur lieu de travail ou d'études, dans leur cercle amical, dans les magasins où ils font leurs courses.

    Parmi les vieilles femmes qui coupent leurs cheveux ou brûlent leur foulard ces dernières semaines, il y en a plus d'une qui aurait mis une claque à sa petite fille pour avoir mis du rouge à lèvres ou des vêtements moulants il y a peu.

    Les iraniens savent qui est l'ennemi, et ils n'ont pas besoin de dessins de presse ou de photos choc pour savoir que la guerre n'est pas entre "les filles à moitié nues" qui "n'ont aucune moralité" et les "khanoom tchadori" qui "vivent dans le passé". 

  6. Illustration 6

    Alors pour commencer, je vais mettre quelques unes de ces images, des "images choc", pour essayer de capter ton attention. Oui, la tienne, lecteur occidental habitué à swiper sur les sites d'infos encore plus vite que sur tinder.

    Voici une image toute récente, d'une femme dévoilée se jetant à genoux devant des forces de l'ordre en uniforme et armes à feux, et criant, allez-y, tirez sur nous.

    Elle n'est pas toute seule, j'ai recadré la photo pour l'esthétique, car ses compagnons, qui n'étaient pas de dos, avaient été floutés sur la vidéo, pour leur sécurité. Une mesure indispensable mais symboliquement ironique puisqu'ils crient "tuez nous. Nous mourrons mais nous reprendrons l'Iran" 

  7. Illustration 7

    Parmi les autres images fortes, vous avez peut-être vu passer celle là, sur les rares médias qui ont un peu couvert le "chelleh" (Quarantième jour) de Mahsa.

    Pourquoi tous ces gens sont ils à pied sur la route de Saqqez ? Parce que le gouvernement a fermé les routes à la circulation, en complément de l'interdiction qui a été faite à la famille de Mahsa de tenir toute forme de cérémonie traditionnelle de deuil, et de la fermeture de tous les établissements scolaires et de nombreux autres lieux d'accueil du public, officiellement "en raison de l'épidémie de grippe". 

    Des dizaines de milliers de gens en ont donc décidé autrement, malgré les risques qui sont maintenant plus qu'explicites, hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux, des kurdes qui, fait exceptionnel, ont fait le compromis de crier certains slogans en Persan et non en Kurde, au nom de l'unité de cette révolution.

    Ils sont venus à pied, par dizaines de milliers, dans le petit cimetière où repose le corps de Mahsa, le "mot de passe" de la révolution. 

  8. Illustration 8

    Ce sont quelques mots gravés par la mère de Mahsa sur sa tombe qui ont, presque comme un accident, fait de son prénom un "hashtag" historique et un "nom de code" / "code secret" /"mot de passe".

    Vous voyez fleurir ces expressions dans les articles qui parlent des manifestations, ils traduisent tous le même mot: ramz. C'est à la fois le code de votre carte bleue, le code pour déchiffrer un message crypté, le mot de passe pour votre email, etc.

    Pour ceux qui se demandent pourquoi certains insistent pour appeler Mahsa "Jina", c'est parce que c'est son vrai prénom. Son prénom kurde, qui lui a été refusé par la République Islamique (une des nombreuses brimades dont sont victimes les minorités, qui sont forcées de choisir des prénoms sur les listes officielles).

    Tout le monde en Iran respecte son identité de personne, et rappelle régulièrement son nom réel, mais celui qui est utilisé comme code, c'est le nom de ses papiers d'identité, celui sous lequel elle était connue par ceux qui ont abattu une matraque sur sa nuque.

    C'est ce nom qui brille en lettres de feu sur la montagne, à Arak, sur cette photo. 

  9. Illustration 9

    Une des choses qui nous pose problème, quand nous souhaitons montrer l'horreur, c'est l'importance de la vérification des sources.

    Il y a tellement d'intox, depuis toujours, avec ce régime dont le pouvoir repose sur la propagande et donc le mensonge, que nous devons nous méfier de tout et de tous.

    Amnesty international est en général une source à peu près fiable. Ils omettent parfois des choses, mais ils ne publient normalement que ce qu'ils ont pu vérifier.

    Alors pour ce qui concerne les victimes de la Révolution en cours, je vais vous montrer quelques unes de celles qu'ils présentent sur leur site (sur la branche Belge), et vous expliquer pourquoi c'est important de parler d'elles. 

  10. Illustration 10

    Hananeh Kia, je la mets en avant parce c'est l'une des premières victimes avec un nom et un visage, et que les médias occidentaux ont repris sans vérification l'information selon laquelle elle ne participait pas à une manifestation, mais rentrait simplement chez elle d'un rendez-vous chez le dentiste.

    À la lumière de la façon dont ont été traitées les familles des victimes suivantes, ont peut se demander si il est raisonnable de croire cette version des faits

  11. Illustration 11

    Hadis Najafi est un autre exemple de la nécessité qui nous est imposée de faire attention à chaque détail. 

    Je me souviens de ma réaction quand les médias occidentaux ont suivi sans réfléchir le discours alléchant des réseaux sociaux qui disait en substance "vous vous souvenez, la fille blonde et sexy qui attachait ses cheveux avant d'aller affronter les forces du régime, et bien elle est morte". 

    J'ai tout de suite pensé "no way !". Le hasard est parfois coquin, certes, mais avec toutes les précautions que prennent les iraniens pour ne pas se faire identifier sur internet, il était hautement improbable qu'une telle coïncidence ait été relevée aussi vite. 

    Et en effet. Hadis Najafi n'était pas la blonde qui s'attache les cheveux sur la vidéo virale.... Et pourtant elle est bien réelle, et elle est bien morte assassinée par le régime, j'y reviendrai tout à l'heure avec une photo de sa maman. 

    Mais pendant quelques heures, un flottement a eu lieu dans la crédibilité de ceux qui dénoncent les exactions du régime.

    Cela ne veut rien dire pour les iraniens, qui savent bien à quoi s'en tenir (pour une fausse victime, il y en a dix bien réelles, dont nous ne connaîtrons jamais les noms), mais pour notre lecteur occidental prêt à swiper, l'effet est dévastateur. 

  12. Illustration 12

    Sarina est peut-être l'exemple le plus parlant de la stratégie du régime, un vrai cas d'école. 

    Elle était très présente sur les réseaux sociaux, et avait beaucoup de choses à dire sur la condition des filles, des femmes, des adolescents et plus généralement des gens dans l'Iran d'aujourd'hui et à travers le monde.

    Elle était absolument et incontestablement pleine de vie, et des vidéos d'elle ne cessent de faire surface depuis sa mort, la montrant en train de chanter, danser, décortiquer le sens de la vie ou dénoncer les injustices.

    Une vraie adolescente de 16 ans comme on les connaît bien.

    Quand la nouvelle de sa mort pendant une manifestation à karaj à été connue, il a été annoncé, avec force détails, qu'elle avait subi des coups de matraque sur le crâne.

    Plus tard cependant, il a été annoncé qu'elle était tombée d'une hauteur, puis qu'elle s'était suicidée.

    Une interview à été montrée à la télévision d'état, d'une femme qui se présentait comme sa mère et assurait qu'en effet, Nika avait déjà eu des idées noires.

    La même télévision d'état (vous savez, celle qui a diffusé les "confessions" des deux enseignants français retenus prisonniers pour "espionnage") à ensuite apporté des "preuves" : des captures d'écran d'un post vieux d'un mois, où Sarina disait vouloir mourir.

    Les internautes iraniens n'ont pas mis longtemps à riposter avec des photos de la vraie mère de Sarina (j'ai lu dans la presse britannique que cette pauvre femme s'était pendue après que la police ait refusé de lui rendre le corps de son enfant, je n'ai pas eu le cœur d'enquêter sur ce sujet là) et aussi avec leurs propres captures d'écran du fameux post suicidaire. Les leurs montraient que le post avait été édité plusieurs jours après la mort de Sarina.

    Voilà contre quel type de désinformation nous nous battons. Le genre qui ne voit pas le problème à ce qu'une jeune fille se connecte à son insta depuis l'au delà pour corriger un billet de blog. 

  13. Illustration 13

    La même chose est arrivée au sujet de Nika, une autre lycéenne qui avait disparu lors des premières manifestations. 

    Elle était partie avec une bouteille d'eau et une serviette, pour se protéger des lacrymo, et sa famille l'a cherchée pendant dix jours avec l'aide de journalistes (dont Niloofar Hamedi, qui a été arrêtée ensuite et est, à ma connaissance toujours en prison).

    Quand on les a finalement appelés pour identifier son corps, ils ont à peine été autorisés à la voir, et on leur a dit qu'elle était tombée d'un immeuble. Ils ont même été jusqu'à produire une image de video surveillance sensée la montrer entrer dans l'immeuble, et procéder à l'arrestation de huit hommes soupçonnés de l'avoir poussée. 

    Problème : la mère de Nika ne reconnaît ni sa fille, ni ses vêtements sur la vidéo surveillance, la photo de son corps sur le sol est invraissemblable, il y a des vidéos de Nika dans la manifestation, et elle a parlé à ses amis et sa famille avant de disparaître, indiquant être pourchassée par les forces du régime. 

    Ça fait beaucoup, non ? 

    Et bien non. Le régime a quand même fait pression sur la tante et l'oncle de Nika(allant jusqu'à menacer le fils de quatre ans de ce dernier) pour qu'ils confirment la théorie de la chute devant les caméras de télé. 

    Ils l'ont fait. 

    Mais sur les autres médias, la mère de Nika semble être passée de l'autre côté. 

    Elle dénonce et elle refuse. 

    Avec elle, le reste du pays commence à prendre le même chemin, et à refuser de continuer à faire semblant de croire aux mensonges de la télévision d'état. 

    La peur ne suffit plus à faire taire le peuple. 

  14. Illustration 14

    Les hurlements des mères ont peut être quelque chose à voir la dedans.

    Cette photo est une capture d'écran d'une interview de la mère de Hadis Najafi.

    J'aurais pu mettre la vidéo, je suis sûre que c'est possible d'insérer une vidéo, mais je m'auto censure.

    Ce que la vidéo de la mort de Shirine Alizadeh m'a fait, la manière dont cela m'a brisée, du dedans, je suis sûre que cette vidéo, même sans sous titres, pourrait le faire à certains d'entre vous.

    Cette femme qui hurle "ma Hadis est partie sans avoir mangé, elle est partie manifester pour Mahsa alors qu'elle avait faim", ou "quand son père est allé réclamer son corps, ils l'ont frappé, ils l'ont insulté et frappé si fort comme s'ils voulaient le tuer lui aussi, parce qu'il demandait pourquoi, pourquoi ils avaient tué ma Hadis", c'est à vous tordre le ventre de douleur. 

    Alors je vous mets juste la photo. Et je vous laisse imaginer ce que le peuple d'Iran a ressenti en la voyant, cette vidéo, et en entendant les hurlements. 

  15. Illustration 15

    Elle aussi, elle hurle sur la vidéo. C'est la mère de Parsa Rezadoust, tué lui aussi pour avoir manifesté.

    Elle hurle que son enfant, le "chéri de sa maman" , est mort pour la liberté, sur ce même trottoir où elle répand sa douleur 

    Cette vidéo a été transféré des milliers de fois.

  16. Illustration 16

    Je ne cherche pas à te faire pleurer hein, et j'espère que tu n'es pas en train de googler "Hadis Najafi Mother" ou "Parsa Rezadoust Mother" pour te faire du mal en les écoutant hurler.

    Je cherche à te faire voir qui est exactement l'ennemi.

    Mon espoir est que si je te le montre sous son vrai visage, tu finisse par comprendre qu'il n'est pas juste leur ennemi ou le nôtre, mais bien le tien aussi.

    Pas juste de façon symbolique, mais pour de vrai, dans ta vraie vie à toi que tu aimes, dans cette France que tu chéris ou que tu abhorres, peu importe.

    Laisse moi te parler d'Asra Panahi. Elle était blessée mais encore vivante sur la photo que tu vois ici.

    Elle était lycénne au Lycée Shahid à Ardabil.

    Les autorités de la ville ont organisé un petit événement festif à la gloire du régime et le chef d'établissement a réuni les jeunes filles pour chanter "Salam Farmandeh" (salut commandeur) à la gloire du guide suprême.

    Si ça ne te parle pas, imagine le même scénario avec "Maréchal Nous Voilà ".

    On imagine bien que dans le contexte actuel... C'est pas super bien passé, comme requête. Les jeunes filles et leurs professeurs se sont rebellés, ont commencé à chanter des hymnes révolutionnaires et à scander "zan zendegi azadi" (femme vie liberté) et à se faire tabasser en retour.

    Je n'ai pas les infos sous les yeux, je crois que dix d'entre elles ont fini à l'hôpital, Asra n'en est jamais ressortie. 

    Rien que de très banal finalement, en tous cas ces jours-ci. 

    Sauf que le régime prétend qu'elle n'est pas du tout morte des coups qui l'ont mise dans l'état que vous pouvez deviner rien qu'en regardant la photo.

    Non, non, malgré le certificat de décès qui indique une hémorragie interne, le régime soutient qu'elle est morte À LA FOIS d'une maladie cardiaque préexistante, et d'avoir pris des cachets pour se suicider.

    Il ne s'agit pas d'un erratum ou d'un rectificatif, non. Voilà contre quoi nous nous battons. Un régime qui confirme l'impossible.

    Elle n'a jamais été blessée et on l'a emmenée à l'hôpital. Elle allait très bien et elle était malade. Elle a fait une crise cardiaque et elle s'est suicidée.

    Tout est normal merci pour votre attention et que dieu vous garde bonsoir. 

  17. Illustration 17

    Les iraniens combattent cet ennemi surréel avec les photos bien rélles de leurs morts, avec leurs prénoms et leur voix sur des messages audio parfois glaçants, ils crient au mensonge et au déshonneur sur tous les canaux qui leurs sont accessibles

    Mais le régime ne ment pas sur un point et un seul, c'est quand il leur répond : "continuez à mal vous comporter et vous continuerez d'être punis". 

  18. Illustration 18

    Le régime s'arroge tous les droits et utilise les médias et l'internet pour contrôler ce qui arrive jusqu'au monde libre et il y parvient mieux que vous ne l'imaginez. 

    Ils ont essayé d'empêcher que nous voyions ce qui se passait sur la tombe de Mahsa, et quand ils ont vu qu'on regardait quand même, ils ont créé de l'information plus juteuse.

    Les Iraniens n'y ont pas cru une seule seconde, à ce terroriste de Daech qui ouvre le feu sur quinze pèlerins à Shiraz au moment le plus opportun qui soit pour détourner l'attention de la Révolution qui gronde. 

    Le peuple iranien sait bien à quel ennemi il a affaire, et les réseaux sociaux ont immédiatement explosé de "mais arrêtez, on sait bien que c'est vous..."

    Les médias occidentaux, eux, ont mordu à l'hameçon. La requête "Iran" dans Google news a immédiatement pointé vers des articles sans aucun recul sur la revendication par Isis de cet attentat meurtrier.

    Articles publiés dans les mêmes médias qui parfois n'avaient même pas sorti un seul titre sur la Révolution, ce jour là.

    L'explication ? Les médias occidentaux pensent que leurs lecteurs sont plus intéressés par un attentat (parce qu'ils ont peur d'en être victimes eux mêmes) que par une révolution qui, selon eux, ne les concerne pas vraiment.

    Pourtant ce sont les mêmes gens qui meurent, et, ne soyez pas dupe, c'est la même main qui les tue.

    Et vous êtes plus concernés que vous ne l' imaginez par le combat pour la liberté d'expression, le contrôle des médias et des modes de communication, et l'oppression des peuples par des gouvernements illégitimes. 

  19. Illustration 19

    Le bazar (marché) de Téhéran est réputé ne jamais fermer. Pour tous les mouvements sociaux en Iran, c'est le défi ultime, de faire fermer le Bazar.

    Il est le symbole de la vie économique du pays, il ne ferme tout simplement pas.

    Il a fermé pour le chelleh de Mahsa, et d'autres à travers le pays, et des usines, des centres commerciaux, sans parler des dizaines d'universités (certaines parmi les plus conservatrices du pays), et, fait encore plus rare, les médecins. Oui, des médecins ont manifesté et se sont fait bastonner.

    L'Iran, rendu financièrement exsangue par son gouvernement corrompu et les sanctions économiques impitoyables de l'Occident, s'est montré capable de sacrifier le peu de ressources qu'il lui reste, au nom de ce combat.

    Comme quoi le marché ne prime pas toujours sur tout... 

  20. Illustration 20

    Les plus attentifs d'entre vous, chers lecteurs responsables et citoyens de Mediapart, auront remarqué que mes photos et captures d'écran sont fortement recadrées, presque saccagées, afin de faire disparaître les sources.

    Pourquoi faire une chose pareille, quand on sait que c'est une pratique louche, et que la recherche de sources fiables est à la base d'un journalisme citoyen de qualité, et que le vrai journalisme est le souffle de vie de la démocratie ? pourquoi donc est-ce que je me refuse à montrer d'où viennent mes photos, alors même qu'elles sont si faciles à trouver sur internet ?

    Et bien c'est parce que je ne veux pas qu'on puisse me soupçonner de partager la vision ou les choix politiques de tel ou tel individu ou organisation dont je partagerais le nom, et parce qu'il est devenu impossible de trouver, en particulier sur l'Iran, des sources neutres et fiables.

    Prenez par exemple cette photo du cimetière de Saqqez. Elle provient d'une vidéo amateur, envoyée à la chaîne Iran International.

    Pourquoi diable les iraniens envoient ils leurs videos à cette chaîne dont il est de notoriété publique qu'elle est financée par l'Arabie Saoudite ? Dieu sait que les iraniens, pour des raisons très diverses et parfois opposées, ne font absolument pas confiance aux Saoudiens.... Alors pourquoi ?

    Et pourquoi moi (comme tous les iraniens de l'étranger) , je follow le compte d'Iran International sur Twitter et j'y traque des infos sur ce qui se passe en Iran, en temps réel ?

    Bah la réponse est simple: ce sont eux qui les diffusent.

    Eh oui, vas-y pour avoir des nouvelles de Saqqez ou d'Ardabil sur un média indépendant financé par une démocratie !

    À tous ceux qui se plaignent que les sources d'information sur ce qui se passe en Iran ne soient pas fiables, ou servent des intérêts étrangers, je vous entend... Commencez vous à comprendre pourquoi, finalement, cela vous concerne davantage que vous ne l'imaginiez ?

    Les frontières ne signifient plus grand chose pour ceux qui contrôlent nos médias et donc notre accès à l'information, il est temps que leur public le réalise à son tour. 

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