Du 17 décembre 2025 au 18 décembre 2025
Grand Parloir, Lycée Louis-le-Grand, 123 rue Saint-Jacques, 75005 Paris
Inscription en écrivant à lebrejerome@gmail.com
Qu'il s'agisse de la catastrophe de Fukushima, de la pandémie de Covid19 ou, ce qui sera notre point de départ, de sa propre expérience de la transplantation cardiaque et du cancer qui a suivi, la philosophie de Nancy a abordé les expériences les plus difficiles, celles de la maladie, de la catastrophe et du bouleversement. Cette année verra en novembre la réédition de son texte emblématique L'Intrus par le Seuil, près de trois décennies après sa première publication. Cet essai marque un tournant particulier dans la pensée de Nancy: toutes les préoccupations fondamentales auxquelles il s'était consacré – les interrogations portant sur le sujet, la communauté et l'identité même de l'histoire et de la tradition – sont revues d’une manière critique depuis l’épreuve inexpérimentable d’une greffe du cœur. De là ont émergé les thèmes de l'étrangeté et de l'intrusion – qui brisent le soi et ses composantes (organiques, symboliques et imaginaires), y compris le cœur et l'identité supposée douteuse de l'immunité comme de la communauté. Par conséquent, cet essai et les écrits ultérieurs de Nancy constituent une réflexion sur la signification et la fonction des organes du moi et de la société – indiquées dans les transplantations et les immigrations – une réflexion continue et intempestive, car ni le moi ni la société ne peuvent être prescrits à l'avance, comme on le voit dans les discussions contemporaines sur la santé et la politique. Voilà ce qui nous oblige à penser la relation entre les composants et leur compréhension dans les systèmes dynamiques qui sont souvent appelés vie, soi, corps, psyché, société. Ces réflexions de Nancy sont passées de ses premiers écrits, dont La Communauté désœuvrée et La Communauté désavouée, en passant par L'Intrus, jusqu'à son dernier livre Cruor, sans oublier sa remise en question de l'histoire de la philosophie dans des ouvrages comme La Banalité de Heidegger et son dernier essai, « La fin de la philosophie et la tâche de la pensée ».
C'est précisément dans cette réflexion sur la santé et la politique que les recherches émergentes en sciences humaines de la santé et en sciences humaines doivent rencontrer les écrits de Nancy et leur pertinence vis-à-vis des questions qu’elles soulèvent. L'Intrus de Nancy a anticipé la pensée actuelle révélant que la santé est une idée à laquelle la guérison, tout comme la position de soi comme sujet et comme corps ne correspondent pas facilement. Il a enregistré dans son propre corps et dans son devenir étranger comment la médecine moderne, les décisions et les interventions médicales s'immiscent dans la totalité (qui parle étymologiquement dans le mot santé) que nous sommes habitués à assumer. Comment alors pensons-nous la santé et l'épanouissement humain, auxquels la souffrance humaine n’est pas étrangère, mais dont les déterminations historiques de « l'humanité » et de « l'humanisme » nous ont écartés de manière diverse et persistante ? La santé, plutôt que la médecine seule, est devenue l'objet de nouvelles orientations de la recherche et de la pédagogie impliquant que la biologie et la médecine soient débordées par une pensée des naufrages personnels et collectifs que l'humanité traverse aujourd'hui, comme en témoignent les nombreuses catastrophes et épidémies dans lesquelles l'action humaine, et même le mal, sont ou directement ou indirectement impliqués. Penser les humanités de la santé avec Nancy est une invitation à se rassembler pour réfléchir pour voir comment, loin d'humaniser la médecine, les défis contemporains de la santé mondiale et ses interconnexions avec le changement climatique, les crimes contre l'humanité, la mauvaise gouvernance et le fascisme croissant en politique exigent un examen approfondi de nos concepts et de nos hypothèses – les sciences humaines, n'étant rien d'autre que le nom donné à l’exigence de procéder ainsi.