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En 1976, je n'étais pas encore née. Mais déjà les confiscations de terres palestiniennes duraient depuis longtemps. D'ailleurs, en 1948, mes parents ne l'étaient pas non plus.
Cette année-là, lors de la Nakba, un cinquième des Palestiniens restent sur le territoire conquis par l'armée israélienne. Les autres fuient notamment dans les « camps de réfugiés palestiniens », qui sont depuis devenus de véritables quartiers : à Gaza, Cisjordanie, en Jordanie et au Liban. Mais, depuis, la présence palestinienne relativement importante en Galilée inquiète les dirigeants israéliens, qui concoctent dès 1953 un plan de « judaïsation » de cette région. C'est finalement le 19 février 1976 qu'un gouvernement travailliste annonce qu'il va confisquer des terres aux « Arabes d'Israël » dans le cadre d'un plan plus vaste de colonisation. Mais la grève générale de protestation du 30 mars 1976 fédère des Palestiniens résidant tant en Israël que dans les Territoires occupés. La présence de l'armée israélienne transforme « la grève en manifestation, puis en révolte », vite châtiée. La répression la plus féroce a lieu à Sarkhin, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nazareth, faisant 6 morts et des centaines de blessés. Les arrestations s'enchaînent.
Depuis ce jour, « le 30 mars est devenu pour tous les Palestiniens et Palestiniennes dans le monde la "Journée de la Terre". Elle est le symbole de leur attachement à leur terre, de leur résistance et de leur lutte contre l'occupation et la colonisation », souligne l'UJFP. « Cette année, nous commémorons le 48ème anniversaire de la Journée de la Terre qui prend un caractère particulier avec le génocide en cours dans la Bande de Gaza qui dure depuis plus de cinq mois sans discontinuer ».
À Lyon, la commémoration a lieu sur les berges du Rhône, au pont de la Guillotière, un quartier très longtemps populaire, encore multiculturel, où se croisent des musiques venant du monde entier.
J'arrive soulagée de voir que la pluie drue du matin s'est presque arrêtée. « Gaza, Lyon est avec toi » clame la banderole, comme en écho au slogan que nous crions dans les manifs'.
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Le rassemblement est coorganisé par Urgence Palestine Lyon et le Collectif 69 de Soutien au Peuple Palestinien.
J'arrive un peu en retard, au moment où Jérôme Faÿnel, le président du Collectif 69 distribue la parole. Le rassemblement est à l'unisson des palestiniens qui se trouvent partout dans le monde, dira-t-il plus tard dans l'après-midi.
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Pour Charles qui représente Alternatiba Rhône, soutenir le droit des populations palestiniennes « est une évidence » : « avant d'avoir droit à du déplacement bas carbone, il faut avoir le droit de se déplacer tout court, avant d'avoir le droit à une nourriture saine, il faut avoir le droit de manger, avoir d'avoir le droit à une eau sans plastique, il faut avoir le droit à une eau tout court, avant le droit d'avoir de l'air non pollué, il faut pouvoir respirer et avant d'avoir le droit de vivre une vie digne dans les limites planétaires, il faut avoir le droit de vivre tout simplement ».
Solidarité et complémentarité des luttes, nous dit-il, comme le montre l'exemple de banques françaises. La Société Générale, la BNP, le groupe Banque populaire/Caisse d'Épargne et le Crédit Agricole financent à la fois le chaos climatique, à travers les énergies fossiles, et les activités des entreprises qui participent à la colonisation des territoires palestiniens.
« C'est pour cela que nous sommes solidaires [des luttes du peuple palestinien] et c'est pour cela que nous serons toujours là ».
Je me souviens que la branche Alternatiba du Rhône est étroitement surveillée par la Préfecture du Rhône pour ses positions jugées « trop radicales » qui lui ont valu d'être privée de subventions. Ironique pour une association non-violente. Et voilà maintenant plusieurs années qu'Alternatiba Rhône participe à l'organisation de la Marche des Solidarités. Le 13 février dernier, l'association a participé à une table ronde avec Urgence Palestine Lyon. Pour cette Journée de la Terre, l'association s'était jointe à l'appel d'Urgence Palestine sur les réseaux.
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« La poésie est essentielle pour la mémoire des peuples. Le peuple palestinien plus que tout autre peuple a su mêler la poésie et le combat pour la vie », proclame une jeune femme.
Une autre la rejoint et toutes deux alternent les strophes en arabe et en français de Je résisterai, un poème du palestinien Samih al-Qassem.
« Je perdrai peut-être – si tu le désires – ma subsistance
Je vendrai peut-être mes habits et mon matelas
Je travaillerai peut-être à la carrière comme porte faix, balayeur des rues
Je chercherai peut-être dans le crottin des grains
Je resterai peut-être nu et affamé
Mais je ne marchanderai pas
Ô ennemi du soleil
Et jusqu'à la dernière pulsation de mes veines... Je résisterai.Tu me dépouilleras peut-être du dernier pouce de ma terre
Tu jetteras peut-être ma jeunesse en prison
Tu pilleras peut-être l'héritage de mes ancêtres
Tu brûleras peut-être mes poèmes et mes livres
Tu jetteras peut-être mon corps aux chiens
Tu dresseras peut-être sur notre village l'épouvantail de la terreur
Mais je ne marchanderai pas
Ô ennemi du soleil,Et jusqu'à la dernière pulsation de mes veines... Je résisterai
Tu éteindras peut-être toute lumière dans ma vie
Tu me priveras peut-être de la tendresse de ma mère
Tu falsifieras peut-être mon histoire
Tu mettras peut-être des masques pour tromper mes amis
Tu élèveras peut-être autour de moi des murs et des murs
Tu me crucifieras peut-être un jour devant des spectacles indignes
O ennemi du soleil, je jure que je ne marchanderai pas
Et jusqu'à la dernière pulsation de mes veines... Je résisterai. »Les images de l'actualité défilent dans ma tête en écoutant ces mots.
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À chaque poème, une nouvelle jeune femme vient déclamer les strophes en français. La récitante en arabe reste la même, comme un fil tout au long de cette séquence. J'en reconnais certaines : elles animent très souvent, avec leurs camarades d'Urgence Palestine Lyon, des séquences des rassemblements lyonnais en soutien au peuple palestinien.
Sur un tronc d'Olivier, Tawfiq Zayyad
« Parce que je ne file pas de laine
Parce que je suis chaque jour
Aux mandats d’arrêts
Et ma maison exposée
Aux descentes de police
Aux perquisitions
Aux "opérations de nettoyage"
Parce que je suis dans l’impossibilité d’acheter du papier
Je graverai tout ce qui m’arrive
Je graverai tous mes secrets
Sur un olivier
Dans la cour de ma maisonJe graverai le numéro de chaque arpent spolié de notre terre
L’emplacement de mon village, ses limites
Les maisons dynamitées
Les arbres déracinés
Les noms de chaque petite fleur écrasée
Les noms de ceux qui ont pris plaisir
À détraquer mes nerfs et mes souffles
Le nom des prisons
La marque de toutes les menottes fermées sur mes poignets
Les bottes de mes gardiens
Chaque juron versé sur ma têteEt je graverai Kafr Qassem
Je n’oublierai pas
Et je graverai Deir Yassine
Tout souvenir me dévore
Et je graverai
Nous avons atteint le sommet de la tragédie
Nous l’avons atteint
Pour que je me souvienne
Et pour que tu te souviennes
Je resterai debout à graver
Tous les volets de mon drame
Et toutes les étapes de la Nakba
De l’infiniment petit
À l’infiniment grand
Sur un tronc d’olivier
Dans la cour de ma maison »Notes :
- Mohamed Belaali a consacré un de ses billets dans le Club de Mediapart, au poète palestinien Tawfik Zayyad
- J'ai découvert il y a peu que la Palestine est le lieu de la domestication de l'olivier pendant le néolithique (voir l'Atlas historique mondial, coordonné par Christian Grataloup et Charlotte Becquart-Rousset, qui synthétise, démocratise et permet de visualiser l'état actuel de la recherche sur l'histoire de l'humanité depuis ses origines). On comprend mieux l'attachement viscéral des palestiniens pour leurs oliviers. Il est millénaire.
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Troisième poème, une nouvelle jeune femme vient déclamer en français.
Sur cette terre, Mahmoud Darwich
« Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : l’hésitation d’avril, l’odeur du pain à l’aube, les opinions d’une femme sur les hommes, les écrits d’Eschyle, le commencement de l’amour, l’herbe sur une pierre, des mères debout sur un filet de flûte et la peur qu’inspire le souvenir aux conquérants.
Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : la fin de septembre, une femme qui sort de la quarantaine, mûre de tous ses abricots, l’heure de soleil en prison, des nuages qui imitent une volée de créatures, les acclamations d’un peuple pour ceux qui montent, souriants, vers leur mort et la peur qu’inspirent les chansons aux tyrans.
Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : sur cette terre, se tient la maîtresse de la terre, mère des préludes et des épilogues. On l’appelait Palestine. On l’appelle désormais Palestine. Ma Dame, je mérite la vie, car tu es ma Dame. »
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L'atelier lyonnais de musique orientale (ALMO) joue quelques airs palestiniens, accompagnée pour l'occasion par la chorale France Palestine. La pluie les a contraints à s'installer sous le pont de la Guillotière, mais l'ambiance est détendue.
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C'est avec Mawtini (« Ma patrie ») qu'ils entament le concert, travaillé ensemble lors de leurs répétitions précédentes. Le poème d'Ibrahim Touqan a été mis en musique par Mohamed Fleyfel. Il raconte la résistance palestinienne contre l'occupation britannique durant l'entre-deux-guerres.
J'ai été contente de trouver une traduction en français après le rassemblement :
« Ma patrie (mon pays), ma patrie,
Vigueur et beauté, splendeur et pureté...
sur tes collines (× 2)Vie et délivrance, bonheur et espoir...
dans tes airs (× 2)
Te verrai-je ? te verrai-je ?
En paix et prospère, victorieuse et honorée ? (× 2)Te verrai-je, dans ton éminence ?
Atteindre les étoiles (× 2)
Ma patrie, ma patrieMa patrie, ma patrie
La jeunesse ne renoncera jamais, ira jusqu'au bout jusqu’à la mort
pour ton indépendance (× 2)
Nous boirons de la mort, Mais nous ne serons jamais aux ennemis...
tel des esclaves (× 2)Nous ne voulons pas ! (× 2)
D'une perpétuel honte, ou d'une existence malheureuse (× 2)
Nous n'en voulons pas, mais nous retrouverons...
notre gloire passée (× 2)
Ma patrie, ma patrie.Ma patrie, ma patrie
Lame et plume, et non paroles et conflits...
notre emblème (× 2)
La gloire, nos promesses et un devoir à remplir...
nous émeut et nous pousseNotre fierté ! (× 2)
Une noble cause, et une bannière flottante. (× 2)
Oh, Toi la bas ! dans ta grandeur
Contraignant tes agresseurs (× 2)
Ma patrie, ma patrie. »
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Pour l'occasion, la formation comprend trois joueur·euse·s d'oud et deux hommes aux percussions.
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Parmi les chanteurs, le soliste a une magnifique voix grave.
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Sur l'air traditionnel de Ya Dharifa Al Toul (ou "Ya Zareef Al Tool"), une femme se lève...
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et se met à danser avec le drapeau palestinien.
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Sur Leve Palestina, les mains claquent, le rythme s'y prête bien.
Ce chant, quasiment devenu l'hymne de soutien à la Palestine, a d'abord été écrite en suédois par George Totari, un Palestinien exilé en Suède après la guerre des Six Jours en 1967, qui a fondé le groupe de musique Kofia. Elle a été reprise lors de mobilisations dans le monde entier.
En regardant plus tard sa traduction, je découvre que c'est aussi un hymne socialiste, un chant d'insurrection :
« Vive la Palestine et écrasons le sionisme (× 2)
Longue vie, longue vie, longue vie à Palestine (× 2)Vive la Palestine et écrasons le sionisme (× 2)
Et nous avons cultivé la terre
Et nous avons récolté le blé
Nous avons cueilli les citrons
Et pressé les olives
Et le monde entier connaît notre terre (× 2)Longue vie, longue vie, longue vie à Palestine (× 2)
Vive la Palestine et écrasons le sionisme (× 2)Et nous avons jeté des pierres sur
Des soldats et des policiers
Et nous avons tiré des roquettes
Contre nos ennemis
Et le monde entier connaît notre lutte (× 2)Longue vie, longue vie, longue vie à Palestine (× 2)
Vive la Palestine et écrasons le sionisme (× 2)Et nous libérerons notre terre
De l'impérialisme
Et nous reconstruirons notre pays
Vers le socialisme
Et le monde entier en sera témoin (× 2)Longue vie, longue vie, longue vie à Palestine (× 2)
Vive la Palestine et écrasons le sionisme (× 2)Vive la Palestine et écrasons le sionisme (× 3) »
Donc, en ce moment, dans de nombreux endroits du monde, des foules qui soutiennent le peuple palestinien chantent un chant d'insurrection socialiste en suédois... Le savent-elles ?
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Un homme dans la foule est très déterminé à faire passer son message. Plus tard, il viendra même se mettre derrière les musiciens pour que sa pancarte soit bien visible.
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Un paysan s'exprime au nom de la Confédération Paysanne pour cette Journée de la Terre palestinienne. Membre de l'internationale paysanne Via Campesina qui a appelé à se mobiliser en ce 30 mars 2024, la Conf' attache une grande importance à la souveraineté et à la sécurité alimentaire. Les paysans de la Conf' sont profondément révoltés par l'utilisation de la famine comme une arme de guerre contre les gazaouis et les palestiniens : «100% de la population gazaouie est en insécurité alimentaire » rappelle l'homme.
« Ce n'est pas une crise humanitaire, ce sont des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, c'est un génocide, il ne faut pas se mentir. Aujourd'hui, si on est un tant soit peu de bonne foi, on ne peut plus nier qu'il y a une intention d'affamer la population à Gaza. Il y a des destructions méticuleuses de tous les outils de production agricole, on a les champs qui ont été ravagés, on a les pêcheurs qui ont été interdits d'accéder à la mer, donc il y a bien une intention qui est là. »
La foule se met alors à crier le slogan : « Ce n'est pas une guerre, c'est un génocide ! »
« On a aussi la situation en Cisjordanie [...] on a l'accaparement des terres par les colons, on a des spoliations des récoltes, des récoltes qui sont empêchées par l'armée, on a des confiscations, voire des destructions de l'accès à l'eau. Et en cela, la Confédération paysanne considère que c'est une exaction qui entrave profondément la souveraineté alimentaire, le droit des palestiniens à l'autodétermination. [...] La déclaration des Nations Unies sur le droit des paysans, l'UNDROP, est manifestement non respectée, malgré les dénonciations d'un rapporteur spécial de l'ONU. On regrette amèrement que ce rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation ne soit pas du tout écouté au niveau international. »
Concernant la responsabilité de la France, l'homme note : « on continue à traiter avec Israël comme si c'était un allié, avec une forme de complaisance, c'est inadmissible. Quid de la livraison d'armes ? Si elle est avérée, c'est une complicité de génocide. La Confédération paysanne appelle très fermement l'État français à œuvrer à un cessez-le-feu permanent et immédiat, à cesser les livraisons d'armes, à décupler l'aide à l'UNRWA et l'aide humanitaire d'urgence à la Palestine. On appelle également à rompre les accords de libre-échange avec Israël tant que la situation ne sera pas apaisée. Et on appelle à reconnaître le droit des palestiniens et des palestiniennes à un État et à admettre cet État comme membre de l'ONU. »
Des cris de soutien ont surgi de la foule quand l'homme a mentionné la fin des livraisons d'armes et la rupture des accords de libre-échange avec Israël.
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Je ne peux m'empêcher de noter par quels détails des femmes qui soutiennent le peuple palestinien gardent en mémoire la lutte au quotidien. Ici, l'une d'elle a accroché à son téléphone portable, un collier aux couleurs de la Palestine. Un chapelet peut-être ? Je ne sais pas.
L'intervention longue de Jérôme Faÿnel à ce moment rappelle la longue litanie des meurtres vis-à-vis du peuple palestinien depuis 1948 : « décidemment, le 7 octobre n'est pas la date où tout commence, le 7 octobre est en revanche le départ d'une barbarie inégalée. Près de 6 mois déjà que Gaza survit aux destructions et aux crimes de masse ».
Il cite les propos de Francesca Albanese sur la nécessité de faire face au génocide, quand l'intention génocidaire est si nette, si évidente. Puis lit le début d'un message que Ziad Medoukh, qui a décidé de rester à Gaza, a posté le 25 mars :
« Je suis impuissant devant le sang de nos enfants massacrés jour et nuit.
Je suis devenu incapable de décrire ce génocide répété et bien programmé contre une population civile isolée qui en train de supporter l'insupportable et mourir de faim et de crimes.
J'ai perdu ma patience et ma peine énorme augmente au milieu de cette horreur absolue, nos malheurs et notre calvaire qui dure depuis plus de six mois sans une vraie réaction de ce monde officiel complice qui cautionne l'impunité et nous éloigne de la justice.
Je suis très triste quand j'entends les cris de nourrissons et de nouveau-nés qui ne trouvent pas de lait et de soins dans des hôpitaux encerclés, attaqués et privés de tout le matériel médical.
Je pleure devant cette catastrophe humanitaire et sanitaire vécue par toute une population civile qui est en train de subir une folie meurtrière. [...] »Rentrée à la maison après le rassemblement, je découvrirai qu'il en a posté un autre pour la Journée de la Terre.
Comme à chaque rassemblement, Jérôme tisse son discours autour des différentes revendications du collectif : cessez-le-feu immédiat, total et permanent, arrêt de la guerre contre le peuple palestinien, levée durable du blocus de Gaza, protection du peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie, arrêt des livraisons d’armes à Israël, de toute coopération militaire et sécuritaire, sanctions contre Israël. « La France doit répondre à l'appel du président colombien qui invite les nations du monde à rompre les relations diplomatiques avec Israël. »
Il termine par des extraits du Chant de la paix de Louis Aragon.
« C'est la paix qui force le crime
À s'agenouiller dans l'aveu
Et qui crie avec les victimes
Cessez-le-feuCessez partout le feu sur l'homme et la nature
Sur la serre et le champ les jardins les pâtures
Sur la table et le banc sur l'arbre et la toiture
Sur la mer des poissons et celle des mâtures
Sur le ciel où l'audace et l'oiseau s'aventurent
Sur le passé de pierre où rêve la sculpture
Sur les choses d'ici sur les choses futures
Sur ce cœur dans son cœur qu'une mère défend
Cessez-le-feu partout sur la femme et l'enfant »La foule scande : « Cessez-le-feu »
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Une jeune femme vient au micro pour rappeler la position antisioniste et décoloniale de Tsedek, et le meeting en cours à Paris au moment où elle s'exprime.
L'oratrice rappelle l'histoire de la Journée de la Terre palestinienne du 30 mars et son caractère exceptionnel cette année du fait du génocide en cours. Elle insiste sur la nécessité d'une politique massive de désinvestissement et sanctions pour faire respecter la dernière résolution du Conseil de Sécurité l'ONU appelant à un cessez-le-feu pendant le Ramadan. Même cela ne sera pas suffisant pour mettre un terme au génocide en cours. Il faut donc rester vigilants, tant les expériences passées ont montré que les espoirs de paix pouvaient être destructeurs pour l'autodétermination palestinienne.
« Le cessez-le-feu ne suffit pas s'il n'y a pas d'émancipation. Pas de paix, ni de liberté sous un régime d'apartheid, pas de paix ni de liberté sans le droit au retour, pas de paix ni de liberté sans la fin du siège de Gaza, sans la fin de la confiscation des terres, la démolition des maisons et bien d'autres crimes commis par l'État sioniste. [...]
Oslo n'a pas amené la paix. Oslo a permis au monde occidental de détourner le regard sur la situation en Palestine. [...] Aujourd'hui, alors que le cessez-le-feu n'a toujours pas été mis en place, il faut se demander quelles sont les conditions de la paix juste, brisant le cycle de violences qui tournent en boucle depuis des décennies.
Nous sommes profondément inquiets quant à la possibilité d'une invasion de la ville de Rafah, alors que 1,3 millions de palestiniens ont été déplacés pour tenter d'échapper aux bombardements et à l'invasion militaire israélienne au nord de l'enclave. Nous sommes inquiets quant aux colons en Cisjordanie qui ont accéléré le processus de terreur dans les villes et les villages palestiniens. Nous sommes inquiets face aux projets de sionistes souhaitant coloniser la bande de Gaza et d'y installer des colonies juives.
Nous sommes aussi à un moment crucial de l'histoire où il est temps de faire bloc dans la diaspora et ailleurs, pour mettre fin à cette série de crimes. En ce moment même se tient une conférence transnationale à Paris pour faire bloc en tant que collectif juif antisioniste. Partout en Europe et ailleurs, nos organisations juives décoloniales et antisionistes se mobilisent pour la Palestine.
Contrairement à ce qu'affirme le gouvernement de Macron, être juif n'est pas synonyme d'un soutien inconditionnel à Israël et à sa politique colonialiste et mortifère.
Nous assistions à un réel renouveau de la mobilisation d'une partie de la communauté juive de France et d'ailleurs, une alliance transnationale pour penser à la société post-sioniste une fois que la machine de fer aura été détruite. Une chose est claire, comme le disent nos camarades du collectif Kessem, "le rêve d'Israël n'est pas à sauver, ni à transformer, la terre et les gens, eux, sont à sauver, avec la terre et avec les gens".
La terre appartient à ceux qui en prennent soin. »
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L'intervention est copieusement applaudie par la foule...
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qui accueille la voix d'Urgence Palestine Lyon portée par Myriam, exilée palestinienne.
« Après six mois de mobilisations, mais surtout six mois de génocide et de massacres qui se succèdent et nous affectent chaque jour un peu plus, mais également six mois où nous portons notre voix, plus fort, six mois que nous tentons de nous faire entendre dans ce monde sourd à la justice et régi par l'impérialisme, et peut-être à bout de paroles sur ce que l'on doit dire pour se faire, non plus entendre, mais comprendre, nous avons décidé d'organiser cette journée de commémoration en exprimant, par les chants et la poésie notre chagrin, notre lutte et notre attachement à notre terre.
Ce moment de communion avec vous précède le moment de communion avec notre terre que nous retrouverons, celle de nos parents et de nos grands-parents.
Aujourd'hui, nous commémorons le massacre du 30 mars 1976, où les palestiniens de l'intérieur se sont levés et organisés contre le vol de leurs terres. Car le peuple palestinien est divisé par l'occupant : les palestiniens de 1948, de Jérusalem, de Gaza, de Cisjordanie, des camps de réfugiés, les palestiniens en exil. Mais le peuple palestinien ne forme qu'un, uni, fier, et qui se soulève partout où il se trouve pour la libération de son pays.
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« Je ne vous parlerai pas de la famine orchestrée par Israël, de la pollution de notre air, nos terres et notre eau par leurs armes chimiques, ni des arbres millénaires arrachés. Je vous parlerai de l'initiative d'Israël de vouloir saisir 800 ha de terres aux palestiniens dans la vallée du Jourdain.
C'est l'histoire qui se répète mais qui ne se répètera pas. Car aujourd'hui les palestiniens et leurs alliés sont déterminés à libérer la Palestine.
Alors aujourd'hui, en cette journée de la Terre, la violence dans la bande de Gaza mais aussi dans toute la Palestine historique, nous appelle à marcher pour la liberté, pour retrouver notre terre. »
Aujourd'hui, nous ne pouvons plus nous contenter de demander un cessez-le-feu, aujourd'hui, nous devons marcher pour la libération de la Palestine. Notre seule boussole est la libération de la Palestine, une et entière, de la mer au Jourdain.
Jusqu'à la libération de la Palestine, jusqu'au retour de tous les réfugiés, pour la libération des prisonniers et malgré la répression de l'État français complice du génocide, nous sommes déterminés à nous battre jusqu'à la victoire. Tahya Falestine. »
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Le rassemblement se finit par des adaptations de chansons engagées connues, emmenées par quelques femmes d'Urgence Palestine au micro. L'une d'elle a aussi chanté au concert. Il se remet à pleuvoir et la foule s'amasse sous le pont pour se protéger. Des papiers avec les paroles sont distribués dans la foule... mais je n'ai pas pris mes lunettes, impossible à déchiffrer.
Une retranscription a posteriori :
Sur l'air de Bella Ciao
« En Palestine, on assassine
Des hommes, des femmes, des civils et même des enfants
En Palestine, on assassine,
Personne n'arrête les tyrans !En Palestine, le peuple résiste
Ça fait longtemps, très longtemps, plus de 75 ans,
En Palestine, le peuple résiste,
Et se demande qu'est-ce qu'on attend !Mais dans le monde, la colère monte
Palestiniens aux mains d'occupants
Mais dans le monde, la colère monte
Soldats, colons, foutez le camp !Et sous les bombes, dans les décombres,
Gaza résiste, brave la faim et le froid
Malgré les bombes et les décombres
Gaza vivra, se relèvera
Gaza vivra, se relèvera »Sur l'air de Leve Palestina
« Leve Palestina och krossa sionismen (× 2)
Leve leve leve Palestina (× 2)
Leve Palestina och krossa sionismen (× 2)Tous ici pour dénoncer (× 2)
L'hypocrisie d'l'Occident (× 2)
qui fournit de l'armement
et paraaachuuute
de l'aide humanitaireLeve Palestina och krossa sionismen (× 2)
Leve leve leve Palestina (× 2)
Leve Palestina och krossa sionismen (× 2)Plus d'30 mille civils tués (× 2)
Des millions de déplacés (× 2)
Une famine préméditée
Macron coupaaable
d'cautionner l'impunitéLeve leve leve Palestina
Leve leve leve Palestina »
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La banderole ne reste pas... mais elle resservira.
La pluie s'est un peu calmée.
Portfolio 1 avril 2024
Palestine #5. 30 mars 2024 : Journée de la Terre Palestine à Lyon
Le 30 mars 1976, alors que le gouvernement israélien a décidé de confisquer 2000 ha de terres à des Palestiniens de Galilée, est déclenchée une grève générale suivie par des Palestiniens d’Israël, de Cisjordanie et de Gaza. Bilan de la répression : 6 morts, des centaines de blessés et d'arrestations. Depuis, chaque 30 mars, dans le monde entier, la « Journée de la Terre » commémore cet évènement.
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.