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Portfolio 25 mars 2024

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Sainte-Soline [in memoriam]

Trente mille personnes s'étaient donné rendez-vous, fin mars 2023, dans le Marais Poitevin, pour une mobilisation internationale contre l'accaparement de l'eau et les méga-bassines. La répression d'Etat déployée à cette occasion a fait date et a marqué à jamais les esprits comme les corps de celles et ceux qui ont marché sur Sainte-Soline. In memoriam !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  1. Illustration 1
    © Jean Noviel

    Peuple de l'eau

    Nous étions des milliers, venus du monde entier, pour faire de Melle, dans le Poitou, la capitale des luttes internationales de l'eau face aux ravages extractivistes et destructeurs de cette ressource précieuse, essentielle à la vie. L'eau bien commun, symbole, s'il en est, de la fusion des luttes sociales et écologiques...

  2. Illustration 2
    © Jean Noviel

    Pillage

    Pollution, surexploitation, accaparement, détournement : partout dans le monde le cycle de l'eau est capitalisé aux seules fins de sa marchandisation. Projet miniers qui ravagent les rivières, tunnels qui dévastent les montagnes, barrages qui assèchent la terre, pompages de nappes à des fins agricoles, privatisation des sources pour la vente en bouteille. « No es sequía, es saqueo ! " : ce n’est pas une sécheresse, c’est un pillage !

  3. Illustration 3
    © Jean Noviel

    No bassaran

    Ce jour là tout semblait contre nous : hélicoptères, drones, barrages filtrants, pluie, boue. Pourtant la foule immense et les tracteurs paysans convergeaient sans faillir vers le lieu de rendez-vous, à quelques kilomètres de Sainte-Soline, où devait se tenir, en point d'orgue des rencontres, une manifestation que la préfecture avait décidée d'interdire.

  4. Illustration 4
    © Jean Noviel

    Eco-terroristes

    Siamo tutti antifasciti ! Les mots comme les mains claquaient dans l'air. Manifester est un droit, même pour défendre la vie, les communs, les rivières, contre des intérêts privés de quelques un.e.s au mépris du vivant, du climat et des bassins versants.

  5. Illustration 5
    © Jean Noviel

    Bye bye bassines

    Ce 25 mars trois cortèges de couleurs différentes (rose, bleu, jaune) s’élançaient dans les champs accompagnés de tambours, de trompettes, de drapeaux et de totems d'animaux embarqués dans la joie de marcher pour une dernier "bye bye" à l'immense trou de la honte : chantier de 10 hectares, bordé d'une digue en terre et rempli de cailloux.

  6. Illustration 6
    © Jean Noviel

    Outarde, anguille et loutre

    Nous arracherons les drains
    Nous replanterons des haies
    Nous reprendrons la terre
    Aux machines s'il le faut
    Et aux banquiers avides
    En costume et cravate
    Épouvantails pendus
    Au fil des marchés
    Qui aveuglent

  7. Illustration 7
    © Jean Noviel

    Guet-apens

    Mais ce jour-là l'État avait décidé de frapper fort, de réprimer, d'écraser et de mater à grands renforts de moyens militaires et de communication la marche des nombreux.ses militant.e.s vers la bassine de Sainte-Soline. C'est dans un piège total et d'une fureur inouïe que toutes et tous nous  tombions, sans savoir qu'un scénario guerrier avait été bien rodé en amont.

  8. Illustration 8

    Cailloux

    Dans le bruit sourd des gaz
    Et la foule âcre des cris
    Ami regarde !
    La terre pleut des cailloux
    Et les blessures affleurent
    Ô cratère de la honte
    Trou béant épuisé
    Comme nos bouches asséchées
    Que l'on voudrait faire taire

  9. Illustration 9
    © Jean Noviel

    3200 gendarmes avaient été déployés pour défendre la bassine et sa parcelle privée. Plus de 5000 grenades furent tirées sur les manifestant.e.s, citoyen.ne.s, étudiant.e.s, syndicalistes, paysan.ne.s, élu.e.s, journalistes, venus défendre pacifiquement le droit un autre modèle d'agriculture possible. Scènes de guerre, de charges, de cris et de détonations qui éclatent dans la terre, blessant et mutilant près de 250 personnes, dont plusieurs dizaines d'entre elles grièvement atteintes et deux tombées au sol avec leur pronostic vital engagé.

  10. Illustration 10
    © Jean Noviel

    Gaz

    Vois le pays là devant
    Cycle de terre et d'eau
    Dans le bocage les haies
    Le triton et le geai
    Vois le pays là devant
    Fait de chemins croisés
    De tourbières de marais
    La confluence des vies

  11. Illustration 11
    © Jean Noviel

    On était là

    Après l'effroi, le doute, et comme pour conjurer le sort, certain.e.s se mirent à écrire à la bombe l'épitaphe de ce jour à jamais entaché d'un déchainement de violence contre l'écologie citoyenne : "25 mars 2023, on était là ! " Mais à  peine la journée était-elle terminée, que la propagande mainstream entonnait sa musique pour salir notre cause, discréditer nos luttes.

  12. Illustration 12

    Grenade

    Vois le pays là devant
    L'emprise des hommes dessus
    La faux et la charrue
    La main noire du fléau
    Vois le pays là devant
    Les machines et les pompes
    Qui patiemment l'assèche
    Et la mort qui s'y loge
    Voit ce pays là devant
    A défendre et reprendre
    A faire renaitre encore
    Tous nos liens à tisser

  13. Illustration 13
    © Jean Noviel

    Eau Rage, Eau désespoir

    Au lendemains du carnage, c'est le déferlement des titres et la reprise en main du débat par le pouvoir répressif... Les militants écolo-gauchistes ne  sont que de dangereux factieux contre les projets de territoires, des anarchistes abreuvés de violence ne voulant qu'en découdre avec les forces de l'ordre ! Pourtant ici, un immense rassemblement pacifique de l'eau avait lieu dans toute la ville. Et les blessures de la veille étaient sur toutes les lèvres mais nul n'oubliait, rage au coeur,  que partout dans le monde des gens luttent contre l'extractivisme et la privatisation du vivant.

  14. Illustration 14
    © Jean Noviel

    Dissolution

    Dans la foulée des évènements, le gouvernement organisait une intimidation généralisée des militants et des mouvements sociaux présents au rassemblement de Sainte-Soline. En remettant en cause leurs réseaux, leurs données, leurs subventions, leur cadre légal d'exercice, leur fonctionnement, il orchestrait ainsi la criminalisation autoritaire de celles et ceux qui s’opposent aux logiques capitalistes et impérialistes des destructions en cours, et obtenait dans la foulée un accorde sur la dissolution des Soulèvement de la Terre, considéré comme le principal organisateur de la manifestation interdite. Mais on ne peut pas dissoudre ce qui repousse partout. On ne dissout pas la vie. On ne dissout pas un soulèvement qui gronde et qui résonne par-delà les frontières et les langues.

  15. Illustration 15
    © Jean Noviel

    Colère

    Un an après, le sentiment de colère, de gâchis et d'immense injustice est toujours bien présent dans les esprits et les corps. La peur aussi parfois dans le bruit sourd des blessures intérieures. Mais l'histoire de nos luttes est faite de ces moments de troubles où il faut réfléchir et inventer collectivement les moyens de nos actions pour plus de justice sociale et de meilleures conditions de vie. Il est donc important que nos récits existent, que la vérité soit dite et que l'imaginaire fonctionne contre la version officielle des puissances libérales mortifères. Celui qui lutte prend le risque de perdre mais celui qui ne lutte pas a déjà perdu... D'autres moments viendront !

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