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...Il a vu celui-là qui s'appelle n'importe qui, à Lille peut être, ou peut-être à Lausanne.
Et celui-là s'ennuie.
Son nom n'est pas assez gros.
C'est un désert très limité, très mesuré, un désert de confection avec un nombril à la place d'oasis.
Celui-là fait de la politique.
On ne dit pas d'un chrétien qu'il fait du christianisme lorsqu'il est vraiment croyant.
Parce que les Chrétiens, dans l'ensemble, ne se prennent pas pour Jésus-Christ.
Pour celui-là, le Sahara n'est pas une question de vie ou de mort, de palmeraie ou de sable.
C'est une zone d'influence.
Et une gazelle c'est un quadrupède.
Ce qui importe ce n'est pas le prix du livre.
C'est ce qu'il y a dedans.
- Le bouquin que tu m'as recommandé, comment l'appelles-tu déjà ?
- "Je t'offrirai une gazelle".
- Écrit en 58 et pas question de pétrole!
Une honte... Du vent ce bouquin! Tu entends, du vent.
L'haleine de celui-là sentait le pétrole.
L'auteur sait qu'il y a aussi du vent au Sahara.
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Que de livres! Que de livres!
(...)
- Monsieur, combien coûte-t-il celui-là?
- Lequel ?
- "Je t'offrirai une gazelle"
- Voyons, voyons, voyons le catalogue...ah! voilà! Sept cents francs madame...
- Mon Dieu, mon Dieu, que c'est cher! se dit la dame aux jambes blanches.
La petite côtelette de mouton n'en coûte pas autant.
La poire non plus...
Mon Dieu, mon Dieu que c'est cher!
Un livre sans image.
Et c'est écrit petit, petit, si petit...
"Je t'offrirai une gazelle est un livre sans image.
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L'auteur imagine une bande publicitaire :
JE T'OFFRIRAI UNE GAZELLE
Interdit aux jambes blanches qui aiment
les côtelettes de mouton.
(...)
Interdit aux types qui pensent que la gazelle est un quadrupède.
Interdit aux amis qui...
Aux amis qui... là, pas moyen.
Les amis qui pensent que tel ou tel personnage est un intrus, que les histoires de gazelles ça n'intéresse pas un peuple qui se bat, ont peut-être raison.
Peut-être tort.
Car en fin de compte, c'est bien pour des gazelles et des harmonicas que l'on se bat.
L'opportunité n'a pas toujours du talent.
Un écrivain ne devrait avoir de compte à rendre qu'à ses personnages.
- - -
Et l'auteur a repris son manuscrit. un instant il resta plante comme un arbre devant Gisèle.
- - -
Dans le jardin de sa maison près de Montmélian, un petit village qui s'appelle Saint-Pierre-de-Souci, Gisèle, quand elle était gamine, aimait par les beaux mous d'été, cueillir des mûres.
Les mûre étaient violettes, molles, tentantes, Mais les ronces les gardaient.
Un jour qu'elle s'était griffe tout le visage et ses petites mains, le père Michaud l'aida à sortir des broussailles où elle était tombée.
Tout en lui lavant les plaies à la fontaine, le vieux fermier lui avait dit ces mots qu'elle ne devait comprendre que très te ans plus tard :
- Nom de Dieu, la Gisou! Les ronces ça se voit pourtant plus que les mûres...
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L'auteur est parti avec son manuscrit.
L'auteur n'hésita pas en franchissant le seuil du bureau.
Gisèle faillit l'appeler, courir après lui.
L'auteur avait refermé la porte comme on ferme un livre.
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Je t'offrirai une gazelle, roman, Malek Haddad, (Aix-en-Provence, septembre 1958),
René Julliard, 1959; Union Générale d'Édition, 1978.
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Choix, collage, découpage, E'M.C.
Portfolio 23 juillet 2017
"JE T'OFFRIRAI UNE GAZELLE"
L'homme n'a pas toujours la force d'être heureux. (...) Le bonheur est un sport violent. (...) Et même, et même, on parle à voix basse de crainte de réveiller on ne sait quel écho. Le passé écoute aux portes, il pourrait croire qu'on l'appelle; il pourrait rentrer, il n'attend que ça. - Et tout serait à recommencer. - Et toi, ça va? - Moi, ça va... Oui, on n'insiste pas trop. Malek Haddad (1958)
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