Publié aux Éditions Textuel en septembre dernier, Les Yeux de Gaza est un hommage posthume poignant à Fatma Hassona, jeune photojournaliste palestinienne de vingt-cinq ans assassinée avec une partie de sa famille par un tir ciblé israélien le 16 avril 2025. Réuni par la réalisatrice Sepideh Farsi (à l'origine du documentaire Put Your Soul on Your Hand and Walk, sélectionné à Cannes 2025), cet ouvrage prend la forme d'un journal intime mêlant photographies intenses et textes de Fatma. Ses images, prises au cœur du chaos à Gaza depuis l'offensive israélienne post-7 octobre 2023, capturent la destruction quotidienne, la souffrance, mais aussi des éclats de résistance et d'humanité comme ces enfants jouant parmi les ruines. Précieuses dans un contexte où l'accès à Gaza est interdit aux journalistes internationaux et où plus de deux cents reporters locaux ont été tués, elles nous confrontent à l'horreur sans filtre, refusant l'oubli ou l'indifférence. Bouleversant et nécessaire, ce livre-testament rend voix et visage à une génération sacrifiée, transformant le deuil en acte de témoignage intransigeant.

Les yeux de Gaza, Fatma Hassona, Sepideh Farsi, Éditions Textuel, Paris, 2025, 18 x 25 cm, 144 p. avec le soutien d’Amnesty International et de Mediapart. Les bénéfices issus de la vente de l’ouvrage seront reversés à Reporters sans frontières. 29 € ISBN : 978-2-38629-128-9

Ce coffret rassemble les dix volumes de Une décennie, anthologie exhaustive des expositions du Frac Franche-Comté de 2013 à 2022, période marquée par l'installation dans la Cité des Arts conçue par l’architecte japonais Kengo Kuma à Besançon. Retraceant soixante-dix expositions et les œuvres de plus de 540 artistes (de Marina Abramović à Nicolas Daubanes, en passant par Francis Alÿs et Jimmie Durham), chaque volume annuel combine une riche documentation visuelle (vues d'exposition, reproductions d'œuvres) avec les textes des commissaires, tout en s'enrichissant d'une contribution littéraire (fiction ou poème) pour souligner la transdisciplinarité du projet. Objet précieux et ambitieux, ce coffret constitue une mémoire vivante et accessible de la programmation dynamique d'un Frac tourné vers le temps et la création contemporaine, idéal pour chercheurs, amateurs et collectionneurs.

Frac Franche-Comté – Une décennie (10 volumes), Sylvie Zavatta (dir.), Frac Franche-Comté, Besançon, 2023, 17 x 24 cm (chaque volume), diffusion : Les Presses du Réel, 150 €. Chaque volume est également disponible à l'unité.

Première monographie consacrée au designer suisse Gérard Ifert (1929-2020), ce « Suisse de Paris » à la carrière discrète mais pluridisciplinaire. Formé à Bâle auprès d’Armin Hofmann, arrivé à Paris en 1949 pour travailler sur les expositions du Plan Marshall, Ifert a exercé comme graphiste, scénographe, concepteur de mobilier et photographe, côtoyant Le Corbusier ou contribuant à Geigy et à l’Expo 64, l’exposition nationale suisse. Pourtant, sa pratique éclatée l’a tenu à l’écart d’une reconnaissance canonique, d’où le titre ironique d’« antihéros ». L’ouvrage, richement illustré d’archives inédites, réunit des contributions de Tony Côme ou Ascanio Cecco, entre autres, qui explorent cette approche totale du design dans le contexte de la seconde moitié du XXème siècle. Une redécouverte précieuse et élégante, qui répare une injustice historique tout en questionnant les mécanismes de la postérité dans le design graphique et spatial.

Gérard Ifert, antihéros du design, Ascanio Cecco, Tony Côme, Catherine de Smet, b42-226, 2025, 192 x 252 mm, 152 p., 29 €, ISBN 9782494983267

Structuré en trois temps – la révélation biblique, le temps des catastrophes et le jour d’après –, le catalogue de l'exposition de la BNF, Apocalypse. Hier et demain, offre un panorama captivant de l’imaginaire apocalyptique occidental, du Moyen Âge à l’époque contemporaine, à travers des chefs-d’œuvre comme le Beatus de Saint-Sever, les gravures de Dürer, les visions de Blake, Redon, Kandinsky, jusqu’à des artistes contemporains (Kiki Smith, Miriam Cahn).Enrichi d’essais philosophiques et littéraires (contributions de Georges Didi-Huberman, Marielle Macé, Emmanuel Coccia, François Angelier, etc.) et d’une anthologie d’extraits textuels, cet ouvrage élégant et érudit redonne à l’Apocalypse son sens originel de « révélation » plutôt que de simple catastrophe, tout en interrogeant son actualité dans un monde en crises.

Apocalypse. Hier et demain, Jeanne Brun (dir.), Éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2025, relié cousu, 264 pages, 150 illustrations, distribuer :  Interforum, 22,5 x 30 cm, 49 €, ISBN/EAN 978-2-7177-2964-1 / 9782717729641

Publié à l’occasion de la grande exposition Vallotton Forever. La rétrospective au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne (MCBA, 24 octobre 2025 – 15 février 2026), ce catalogue offre un panorama exhaustif de l’œuvre de Félix Vallotton (1865-1925) à l’occasion du centenaire de sa mort. Sous la direction des commissaires Catherine Lepdor et Katia Poletti, l’ouvrage propose des essais croisés de spécialistes tels que Lionel Baier, Dario Gamboni, Choghakate Kazarian, Daniel Maggetti..., explorant les multiples facettes de l’artiste, des gravures incisives aux intérieurs nabis, en passant par ses paysages et nus réalistes, ainsi que son regard satirique sur la société. Superbement illustré et nourri des recherches récentes, ce volume constitue une référence indispensable, célébrant un Vallotton à la fois suisse et parisien, moderne et intemporel. 

Vallotton forever, Catherine Lepdor et Katia Poletti (dir.), Scheidegger & Spiess, 240 pages, 24,5 × 28,5 cm, broché, plus de 250 illustrations majoritairement en couleur, 48 €, ISBN 9783858818966

Première monographie consacrée à l’artiste française Julie Béna (née en 1982, vit et travaille entre Paris et Prague), ce volume richement illustré retrace plus de vingt ans de pratique, des premières performances in situ et gestes post-conceptuels aux développements récents, des sculptures narratives aux actes performatifs subversifs, en passant par les films et les installations théâtrales peuplées d’alter egos tels Anna the Jester, Pantopon Rose ou Mister Peanut. Avec des contributions de Michal Novotný, Silvia Franceschini, Eva Barois de Caevel, Laura Herman, Rose English et Nicoletta Lambertucci, l’ouvrage explore l’univers hybride de Julie Béna, mêlant cabaret, conte de fées, littérature et culture populaire pour questionner réalité, identité et émancipation dans un espace de fantaisie libératrice. Indispensable pour saisir l’évolution poétique et critique d’une artiste qui transforme le quotidien en fiction onirique et mordante.

Julie Bena, Fantasy, avec des essais de Michal Novotný, Silvia Franceschini, Eva Barois de Caevel, Laura Herman, Rose English, Nicoletta Lambertucci, Montez Press, Londres, 2025, 218 x 305 mm, 318 pages, 40 €, ISBN 978-3-945247-39-6 

D'une analyse critique de ses expositions les plus remarquables à un inventaire complet de ses œuvres, la première monographie de Dominique Blais retrace les vingt dernières années de sa production artistique. Également maître de conférences associé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il cofonde MEAN – Espace de production et de diffusion, un artist-run space basé à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), et codirige la Galerie Michel Journiac de l’école des Arts de la Sorbonne. Son travail s’inscrit dans une démarche contextuelle, abordant le lieu, la temporalité et la contrainte comme objets ou sujets d’investigation afin d’élaborer des réponses conceptuelles et formelles adaptées aux éléments majeurs de sa recherche : la perception sensorielle et physique de l’environnement, la relation à l’invisible et à l’inaudible, ainsi que la matérialisation du temps.

Dominique Blais : Monographie, Dominique Blais, Carlotta Darò, François Quintin, Anne-Lou Vicente, MEAN / XIPPAS, 2025, 28 x 22 cm, 256n p. 30 €, ISBN 978-2-909061-54-2

La fin du banal est la première monographie consacrée à Thomas Lévy-Lasne (né en 1980, diplômé des Beaux-Arts de Paris). À travers 188 reproductions (huiles, aquarelles, fusains, dessins), elle retrace vingt ans d’une peinture figurative hyperréaliste, passant des scènes intimes du quotidien – fêtes, corps, urbanité – à une interrogation écologique et anthropocène sur la précarité du banal face aux catastrophes climatiques et sociétales. Enrichie de regards croisés intimes et analytiques, cette publication élégante et dense révèle l’évolution d’un artiste engagé, ralentissant le regard sur un monde en sursis, tout en affirmant la vitalité de la peinture contemporaine.

Thomas Levy-Lasne, La fin du banal, Beaux-Arts de Paris éditions, 2025, 288 p., 22 x 26 cm, bilingue français-anglais, préface de Justine Triet, textes d’Aurélien Bellanger et Judith Prigent, entretien avec Cécile Debray, 35 €, ISBN 2840569116

Le catalogue de la première grande rétrospective française de la sculptrice franco-polonaise Alina Szapocznikow (1926-1973), présentée au Kunstmuseum Ravensburg (mars-juillet 2025) puis au Musée de Grenoble (septembre 2025-janvier 2026) est richement illustré de près de 150 œuvres (sculptures, dessins, documents d’archives). Il retrace une carrière fulgurante marquée par la survie à la Shoah, l’exil en France et l’expérimentation radicale de matériaux comme la résine polyester ou le polyuréthane, pour un langage corporel hybride, entre érotisme pop, surréalisme et trauma existentiel. Les essais analytiques explorent la fragmentation du corps féminin, les Tumeurs comme exorcisme du cancer, et les dialogues avec Louise Bourgeois ou Gina Pane, affirmant Szapocznikow comme pionnière visionnaire de la sculpture postmoderne.

Alina Szapocznikow. Langage du corps, Lienart, Auteurs : Sophie Bernard, Marta Dziewańska, Valentin Gleyze, Guitemie Maldonado, Anne Malherbe, Myriam Mihindou, Ursula Ströbele, conception graphique : Laetitia Queste, Grenoble, Musée de Grenoble, 2025, Français, 22 × 28 cm, 272 pages (171 ill. coul. et 59 ill. n&b), cartonné contrecollé, 32 €, ISBN : 978-2-35906-475-9

Première monographie consacrée à l’artiste brésilienne installée à Paris Camila Oliveira Fairclough, l’ouvrage, conçu comme un livre d’artiste autant que comme une rétrospective, présente un large panorama de ses peintures réalisées entre 2014 et 2024 présentant des motifs récurrents tirés du quotidien (animaux, signatures, phrases de yoga, prénoms d’enfants, logos ou tissus), transposés en formes abstraites joyeuses et maléables, jouant sur la frontière entre figuration et abstraction, ready-made, poésie concrète brésilienne et Pop Art. Accompagné de deux essais éclairants, ce volume élégant et coloré célèbre une pratique ludique et sincère qui voit la peinture partout dans le banal, affirmant la vitalité d’une peinture contemporaine légère, évocatrice et profondément ancrée dans le quotidien.

Paint Everyday, Camila Oliveira Fairclough, éditions B42, septembre 2025, 144 p., bilingue français-anglais, textes de Jill Gasparina et Victor Guégan, design de Fanette Mellier & Clément Vauchez, 28 € ISBN 9782494983342