Lundi 26 avril
Quoique la météo annonçât des bourrasques de quarante kilomètres par heure, je décidai de me rendre sur mon lieu de travail et m’y déposai vers 13 heures 45.
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Durant tout l’après-midi, je dus lutter contre des vents mendiantophobes, lesquels n’eurent de cesse de s’attaquer à ma pancarte qui, à moult reprises, manqua de s’envoler. Ma main gauche passe donc l’après-midi à quitter le Pantagruel de Rabelais dont j’avais commencé la lecture, afin de retenir cette pancarte infidèle prête à s’enfuir loin de moi – Les bourrasques sont un fléau pour la gent tend-la-main.
Écrit en vieux français, l’œuvre de François Rabelais (auteur du début du 16e siècle), à l’instar de celle du poète François Villon, un siècle auparavant, est d’un accès difficile. En seconde (j’avais alors quinze ans) je fus contraint d’étudier Gargantua, dont la lecture fut un véritable chemin de croix, un véritable traumatisme littéraire qui me détourna longtemps de toute lecture. Aujourd’hui encore, je regrette que cette œuvre ne soit pas « traduite » en français moderne. Pauvres élèves…
Écrit en vieux français l’œuvre de François Rabelais (auteur début du 16e siècle), à l’instar de celle du poète François Villon, un siècle auparavant est d’un accès difficile. En seconde (j’étais alors âgé de quinze ans) je fus contraint d’étudier Gargantua, dont la lecture fut un véritable chemin de croix, un véritable traumatisme littéraire qui me détourna longtemps de toute lecture. Aujourd’hui encore, je regrette que cette œuvre ne soit pas « traduite » en français moderne. Pauvre élèves…
Mardi 27 avril
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De cette journée de mendicité, je ne te raconterai rien ou fort peu de choses, ô lecteur ! si ce n'est que je fus encerclé par des voitures, pollué par certaines d'entre elles qui prenaient – peut-être – un malin plaisir à organiser une « chasse au mendiant » et que, malgré le passage de nombreux chalands, outre la pollution de ma dalle, c'est bien l'avarice qui régna durant tout l'après-midi.
Mercredi 28 avril
Vents et pluies dominèrent la belle Dijon ce jour-là, si bien que je restai chez moi et composai des vers…
Jeudi 29 avril
Quoique le ciel fut menaçant et que la pluie risquât de tomber, je m’étais assis sur ma dalle avec pour seule ambition d’achever la lecture de Pantagruel.
J’en fus interrompu par l’arrivée impromptue de cyclistes inconnus, glissant délicatement sur le bitume tout en s'éloignant dans le lointain.
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– Il est encore là celui-là, s’exclama l’un d'eux.
– Qui ça ?
– Le mendiant.
Le mendiant a un prénom, Monsieur, pensai-je, il s’appelle Alain. Il fut trahi, comme d’autres salariés de Ressources, par une ex-dp et un ex-secrétaire général de Solidaires 21, et par tous ceux et celles qui les ont soutenus. Quel dommage que ces cyclistes pressés ne se soient pas arrêtés pour discuter avec le gueux que je suis...
Durant l’après-midi, je fus informé par ma conseillère Cap Emploi que le bon samaritain qui naguère avait proposé un emploi au mendiant de la maison des syndicats m’invitait à le rencontrer le 10 mars à 14 heures. Je t’informe donc, ô lecteur ! que je ne pourrai pas mendier ce jour-là.
Vendredi 30 avril
La veille, j’avais achevé la lecture de Pantagruel, et me présentai donc à mon poste de travail avec un nouvel ouvrage : Les contes d’Andersen.
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Ceux-ci, contrairement à une idée reçue, ne sont point des contes écrits à l'intention des enfants, mais, à l’instar du Petit prince, ils peuvent être lus par les adultes. Cela dit, certains mendiants aiment à conserver précieusement leur âme d'enfant.
La température avait baissé ; par manque de prudence, je ne m'étais pas habillé chaudement ; aussi, durant tout l'après-midi un vent froid se glissa insidieusement entre mes vêtements afin de caresser mes chairs. J'avais prévu de quitter ma dalle à 17 heures, mais, confronté à ces conditions de travail difficiles, je me résignai à la quitter quelque quarante minutes plut tôt, afin de me rendre derechef dans deux des bibliothèques publiques dijonnaises.
J'en sortis avec en mains, Eraserhead de David Lynch, Un mariage et Trois femmes, deux films de Robert Altman ainsi que La maison au toit rouge de Yoji Yamada : un mendiant doit savoir se cultiver afin de redorer l'image de sa communauté.
LA SEMAINE PROCHAINE
LE JOURNAL D'UN MENDIANT - SEMAINE 19