IL EST URGENT DE SE RESSAISIR !
Plus rien ne semble distinguer désormais en France, les hommes et les femmes politiques de gauche, de droite et d'extrême droite, sur le sujet devenu passionnel de l'islam et des musulmans.
La Droite et la Gauche sont lancés dans une course au pouvoir organisée et contrôlée par l'extrême droite, à qui ils acceptent de faire la courte échelle, notamment à la veille de scrutin électoral comme c'est le cas aujourd'hui, pour coopter le vote des électeurs.
C'est ainsi que l'on assiste année après année, crise après crise, attentat après attentat, veille d'élection après veille d'élection à la mise au banc de l'islam et des citoyens français de confession musulmane par une classe politique qui s'est radicalisée sur le sujet.
En effet, elles sont rares, voire quasi inexistantes les voix d'appel au respect et à la non stigmatisation des citoyens musulmans et de leur religion au sein de la classe politique, et les quelques rares fois où elles s'expriment, elles sont assorties d'un " mais " qui les entravent.
Que nous semblons loin de la retenue et de la modération qui a cours chez les responsables politiques en Allemagne, malgré la politique promigratoire assumée par Angela Merkel, la chancelière allemande, malgré la vague d'attentats qui a frappé le pays ces dernières semaines et la pression exercée par l'extrême droite et le mouvement anti islam Pediga sur l'opinion publique !
A l'opposé de ce sens des responsabilités et de la dignité qui lui sied incarnés outre-Rhin par la classe politique, nous avons droit ici en France au spectacle d'une classe politique qui a perdu ses repères et qui se livre au quotidien à une sorte de téléthon " de qui dira la plus énorme caricature " sur l'islam et les musulmans.
Le palmarès de cette course à la caricature et au jeu du bouc émissaire auxquels sont assignés en France l'islam et les musulmans est difficile à établir, tant le niveau atteint par les uns et les autres est exceptionnel !
Il est en effet aujourd'hui, difficile de départager " les performances " des challengers comme François Fillon, Hervé Morin, Laurent Wauquiez, Nadine Morano, Bruno Lemaire, Eric Ciotti, y compris " le sage " Alain Juppé, de celles des " têtes de liste " comme Marine et Marion Lepen ou Nicolas Sarkozy, sans oublier " l'incontournable homme de l'année ", le Premier Ministre Manuel Valls.
Leurs déclarations incendiaires et va-t-en guerre font le buzz sur les réseaux sociaux et continuent d'alimenter les tribunes des médias qui leurs servent de caisse de résonance dans leur " croisade " contre l'islam et les musulmans.
Les médias, il est important de le souligner, passivement ou activement, ont également une part de responsabilité dans cette stigmatisation de l'islam et dans cette parole libérée de la haine anti musulmans qui s'exprime facilement aujourd'hui dans le pays.
Il n'est pas question ici de remettre en cause la liberté d'expression des médias qui est le fondement même de leur métier, mais il s'agit d'expliquer l'importance de leur rôle dans l'amplification du phénomène en lui servant de caisse de résonance.
Un autre acteur de cette situation et non des moindres, se trouve dans une partie des intellectuels médiatiques qui trustent les plateaux télés et dont les déclarations à l'emporte-pièce se retrouvent ensuite sur les réseaux sociaux pour alimenter les phantasmes les plus délirants.
Dans cette critique je n'oublierai pas non plus, et j'aurai pu commencer par-là, tous " les spécialistes de l'islam ", musulmans ou non, souvent auto proclamés, qui s'attellent également à séparer à travers des analyses" maison " les bons musulmans des mauvais, l'islam de France et l'islam d'ailleurs.
Autre acteur de cette situation et qui représente même dans une certaine mesure son talon d'Achille, est me semble- t- il, la lenteur de la justice quand ce n'est pas carrément son silence, qui vaut quitus pour ceux qui s'adonnent à l'islamophobie voire qui le revendiquent publiquement sans craindre à aucun moment d'être inquiétés par une procédure judiciaire.
Face au danger de cette islamophobie " décomplexée "qui se nourrit aujourd'hui des drames du terrorisme et qui risque à terme de provoquer une guerre des communautés qui sera rapidement baptisée en guerre des religions, objectif suprême à la fois des terroristes et de la classe politique convertie au populisme, ainsi la boucle sera bouclée, il est de la responsabilité de chacun des acteurs concernés et de celui de chaque citoyen de se ressaisir et de retrouver le sens des valeurs de la République garant du vivre ensemble dans un État de droit tel que la France.
Cependant, malgré le comportement inquiétant des acteurs cités, il existe en France des hommes et des femmes courageux, attachés aux valeurs de l'Etat de droit et du vivre ensemble, qui se battent au quotidien pour défendre à travers leur engagement, les principes de liberté, égalité, fraternité qui fondent la République.
Ces hommes et ces femmes doivent nous inspirer tous, et particulièrement nous les musulmans, pour nous engager avec détermination à défendre nos droits au premier rang desquels celui de faire partie de cette nation dont on veut nous exclure.
Et pour ce faire, il nous faut nous engager dans les luttes citoyennes et pas seulement celles qui concernent les intérêts de notre communauté, nous engager en politique pour la servir et non nous en servir, interpeller nos élus au niveau local sur leurs responsabilités ou/et celle de leurs partis dans la banalisation de l'islamophobie, nous engager dans une démarche de dialogue avec nos concitoyens, non pas pour nous justifier ou nous déculpabiliser comme c'est souvent le cas, mais pour construire des ponts, des digues pour renforcer le vivre ensemble, construire des solidarités actives, des barrières humaines contre l'islamophobie et toutes les formes de racisme, d'injustice et d'exclusion.
Le danger est réel, le temps de chaque instant qui passe compte et le devoir citoyen nous impose de réagir à la hauteur du colibri, cet petit oiseau sans pouvoir qui s'attaqua à gouttes d'eau puisées dans la rivière au gigantesque incendie qui était en train de détruire la forêt, le cacou agacé par son initiative, l'interpelle vertement : << colibri, tu ne penses tout de même pas que tu vas pouvoir éteindre l'incendie avec ces pauvres gouttes d'eau que tu puises dans ton bec >>. Le colibri lui réponds : << je le sais, mais je fais ma part >>. (Légende amérindienne racontée par Pierre Rahbi).
Il est temps de se ressaisir, il est temps de réagir, il est temps d'être un citoyen colibri !
Avec affection, espoir et détermination.
Abdourahmane RIDOUANE
Président du Rassemblement des Musulmans de Pessac
(R.M.P)