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Billet de blog 29 juin 2022

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JUSQU'À QUAND L'HOMME NOIR CONTINUERA-T-IL A ÊTRE TRAITÉ COMME LE DAMNÉ DE LA TERRE ?

Certes, le Maroc et l'Espagne nous ont ces dernières années, habitué à ces scènes du drame de l'immigration, où on voit des corps d'africains tentant de rejoindre l'Europe par la Méditerranée, joncher leurs plages, ou des bouts de leurs vêtements et de leurs chairs suspendus aux murs des barbelés dressés pour freiner leurs tentatives de franchir la frontière espagnole au péril de leurs vies.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Force est de reconnaître que les images qui nous sont parvenues de la tragédie du vendredi 24 juin dernier qui s'est déroulée à Melila, l'enclave espagnole située sur le sol marocain, qui sert de Centre de Rétention Administratif (CRA) à l'UE pour bunkeriser ses frontières contre l'arrivée des migrants originaires d'Afrique Subsaharienne sur son territoire et dont elle sous-traite la gestion aux autorités marocaines, constituent une réponse éloquente à notre interrogation. 

Certes, le Maroc et l'Espagne nous ont ces dernières années, habitué à ces scènes du drame de l'immigration, où on voit des corps d'africains tentant de rejoindre l'Europe par la Méditerranée, joncher leurs plages, ou des bouts de leurs vêtements et de leurs chairs suspendus aux murs des barbelés dressés pour freiner leurs tentatives de franchir la frontière espagnole au péril de leurs vies. 

Mais les images de ce vendredi 24 juin, dépassent l'inimaginable et convoquent dans nos mémoires par leur horreur et par l'attitude cruelle et inhumaine des forces de sécurité marocaines envers les africains, les souvenirs de l'esclavage et de la traite des noirs, pratiqués pendant des siècles dans un premier temps par les arabes avant d'être développés à l'échelle industrielle par les occidentaux qui en ont pris le relais. 

Nous nous rappelons également dans une séquence dramatique plus proche, la résurgence de ces mœurs d'esclavagisme qui persistent en terres arabes, à travers "les marchés aux esclaves" qui ont vu le jour en 2017 en Libye, avec toujours des africains en route vers "l'eldorado européen", capturés et vendus comme esclaves sur la place publique, dans la plus grande indifférence des "gendarmes du monde", les puissances occidentales, qui ont détruit la Libye, mais pire, dans le silence coupable des premiers concernés, les pays africains eux-mêmes. 

En effet, on ne saurait situer les responsabilités dans le calvaire et les malheurs des africains pris depuis la nuit des temps au piège de l'appétit sans fin du Capitalisme qui les a utilisés à ses débuts comme des marchandises à monnayer à travers le Commerce Triangulaire, puis a ensuite désigné leurs pays comme des marchés à exploiter et à se partager avec la Mondialisation, sans pour autant dénoncer en priorité avec force et clarté la responsabilité toute première des dirigeants africains eux-mêmes, qui ont trahi la cause de leurs nations en acceptant de devenir les valets serviables de l'Occident contre les miettes de pouvoirs fragiles et éphémères. 

C'est cette brèche de la faillite morale et politique des dirigeants africains qu'utilise aujourd'hui le Maroc pour se comporter en bourreau impitoyable des migrants africains qui atterrissent sur son territoire, et ce, malgré sa récente adhésion à l'Union Africaine en janvier 2017 et sa candidature pour devenir membre de la CEDEAO (la Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest). 

En attendant, le partenaire privilégié que respecte le Maroc et dont il soigne les intérêts reste l'Union Européenne, qui lui impose son agenda de la lutte contre l'immigration clandestine en contrepartie d'aides financières et d'équipements matériels en tout genre, mais surtout son appui politique essentiel sur la question toujours brûlante du Sahara Occidental. 

Cependant, aucun accord de partenariat noué entre l'UE et le Maroc et aucun deal sur la question épineuse du Sahara Occidental ne peuvent justifier cette boucherie et cette déshumanisation des africains sur leur propre continent, traités comme du bétail par les autorités marocaines aujourd'hui à Melila comme hier par la Libye sur ses "marchés aux esclaves" à ciel ouvert avec le lâche silence des dirigeants africains complices. 

Ce traitement inhumain infligé aux migrants africains est d'autant plus inadmissible et inacceptable qu'il émane d'un pays frère comme le Maroc, avec qui l'immense majorité des africains subsahériens partage l'Islam comme religion commune qui prône l'entraide et la solidarité entre ses membres. 

Il est en effet, profondément tragique de voir les alliés objectifs et naturels de l'antiracisme, de la lutte contre la négrophobie et l'islamophobie que sont les arabes et les noirs se conduire les uns envers les autres de façon aussi inhumaine et dégradante, dépassant dans l'excès de leur violence les racistes, les négrophobes et les islamophobes eux-mêmes. 

En effet, comment voulez-vous que les européens respectent notre humanité quand nous sommes capables de nous rabaisser volonteraiment au niveau de l'animal dans notre bestialité agressive les uns envers les autres ? 

Comment pouvons-nous lutter efficacement contre le racisme, la négrophobie et l'islamophobie en Europe et ailleurs dans le monde avec des telles images horribles présentées à la face du monde ? 

Les ONG de défense des droits de l'homme sur place, telles que l'association Marocaine des Droits de l'Homme - Section de Nador (https://www.facebook.com/AmdhNador/), dénombrent à ce jour à la suite de cette répression violente, plus d'une trentaine de morts et des dizaines de blessés dans un état grave, sans oublier les dizaines d'autres personnes mises en détention malgré leurs blessures dans l'attente de leur procès. 

Face à la gravité des faits et devant le lourd bilan des victimes, nous exigeons que toute la lumière soit faite sur les responsabilités de ce massacre barbare au sein de la chaîne de décision des autorités marocaines à Melila et que des sanctions sévères soient prises contre les auteurs de ces crimes abominables. 

Nous demandons également que les citoyens africains du continent et de la diaspora se mobilisent pour peser de tout leur poids et réclamer de l'Union Africaine la tenue de toute urgence d'une réunion de concertation de ses membres pour exiger des explications auprès du Maroc sur ce drame et réclamer auprès de lui des réparations pour les victimes ainsi que la libération immédiate des personnes faites prisonniers suite à cette affaire. 

《 L'esclave qui n'a pas le courage d'assumer sa révolte ne mérite pas que l'on s'apitoie sur son sort. Il sera seul responsable de son malheur cet esclave, s'il croit en la condescendance suspecte d'un maître qui prétend l'affranchir. Seule la lutte libère. 》
(Thomas SANKARA) 

Avec affection, espoir et détermination 

AbdouRahmane

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