ASSEZ DE CRIAILLERIES!
Assez de criailleries! Assez de hululements d'orfraies! Assez de vociférations de nymphes effarouchées! Depuis plusieurs années, avec une patience archangélique, j'espérais, et j'espère encore, trouver des personnes qui, portées par un élan d'humanisme généreux, imagineraient, enfin, de rebâtir la société. Que dans mon piètre hameau je ne rencontre pas de gens portés par l'espérance de créer un monde nouveau ou qui aient la volonté et la capacité d'en exprimer l'organisation, c'est statistiquement normal. Mais, que sur le NET, où des milliers de personnes se croisent et s'entrecroisent, le résultat soit le même, j'en reste effaré.
En effet, contre toute attente, chacun, avec la certitude d'être un grand altruiste, un grand sage et un grand progressiste, se confine dans des piaillements de fillettes exaspérées. Et que je m'insurge, et que je récrimine et que je dénonce! Les gens ont l'impression que plus ils vont brailler fort leur mécontentement et plus ils seront superbes de grandeur et de noblesse. C'est inepte. Cela rappelle sordidement la bonne vieille presse à scandale, racoleuse et populiste avec du sang à la une permettant à la foule de s'offusquer et les mains sur les hanches de grommeler: "Ah! vous vous rendez compte? si c'est pas malheureux, tout ça! On n'a jamais vu une chose pareille! Mais jusqu'où iront-ils?" C'est à la politique ce que sont les préoccupations des faits et geste des personnages peoples à l'art populaire. S'élever contre ce qu'à dit ou fait celui-ci, régurgiter le fait que celui-là a passé un pacte avec cet autre et vomir encore le fait que ce dernier ait décidé de lois ou de mesures abjectes est du même niveau que de se passionner pour la nouvelle coupe de cheveux de celle-ci ou du nouveau tatouage d'un second.

Tout ceci ne mène à rien. C'est d'une totale stérilité. Je dirais même que c'est l'art de parler de n'importe quoi pour éviter d'aborder les vraies questions. S'insurger des grenouillages sordides que, dans leur marais putride et nauséabond, de petits chefaillons de clans se livrent en s'entredéchirant des résidus de pouvoir qui n'existent que parce que nous le voulons bien, c'est en justifier l'existence même. Tout cela réduit la pensée à des papotages de mégères, des braillements de bistros borgne, des commérages de quartier et des élucubrations de grandes gueules.
Avec moins d'acrimonie et plus de mansuétude, on pourrait considérer que les gens cherchent à se substituer à une presse d'information qu'ils jugent, à juste titre, mensongère, au minimum mensongère par défaut et par omission et de toutes façons, partiale et partisane.

Cependant, donner des informations que d'autres cèlent, c'est bien. C'est même très bien voire nécessaire. Mais à force de vouloir informer, on tombe dans deux travers. Le premier, c'est la surenchère déjà évoquée de la presse à scandale. Il faut toujours trouver plus insupportable et plus ignoble. Le deuxième, c'est que cette surenchère entraîne une avalanche de textes, pas toujours vérifiés, sous laquelle on croule et qui nous conduit à perdre de vue qu'il faudrait peut-être en tirer des conséquences et des leçons. Des violences policières? Oui, et alors? Des abus fiscaux? Oui, et alors? Des malversations ministérielles? Oui, et Alors? Des horreurs guerrières? Oui, et alors? La presse strictement d'information, c'est bien. Mais l'information pour l'information, ce n'est qu'un outil. Et quand on n'utilise pas cet outil, il devient inutile.
Il faut cependant bien admettre que cela n'est pas le fruit du hasard. Tout est bien organisé pour que, par médias interposés, le commun des mortel se cantonne à cette parodie de réflexion.
Parce que le politique, la pensée politique, ce n'est pas ça. Souvenons-nous seulement du sens du mot politique. Polis, en grec, c'est la cité. La politique, c'est l'organisation de la cité. Entendons-nous bien, il s'agit de la cité des hommes. La politique, c'est comment on gère, comment on organise la cité.
Il est bien question de comment. Ce n'est pas qui; c'est comment. Alors, redisons-le; La seule question qu'il faut se poser, c'est "comment" doit-on gérer la cité et pas "qui".
Il faut bien reconnaître que tant que les citoyens se chamaillent sur "qui", ils ne se posent pas trop de questions sur "comment". On nous impose, et nous nous laissons imposer la casuistique de savoir qui va s'asseoir sur le trône en occultant ainsi ce qu'il y fera.
En entrant dans ce jeu pervers, nous aliénons notre capacité à nous diriger et nous ne faisons plus rien que ratiociner sur le choix d'un tyran.
Se plaindre des agissements du maître, c'est reconnaître servilement son existence et sa suzeraineté; tandis que décider comment la société humaine doit être conduite et organisée, c'est se comporter en citoyens.
Le politique, le vrai, c'est celui dans lequel nous débattons sur ce que seront notre justice, notre enseignement, notre budget, notre organisation sociale, notre santé et tout le reste. C'est de cela qu'il faut se préoccuper. Sinon, ce n'est que miroir aux alouettes et mensonge tragique.
En venant sur le NET, c'est cela que j'attendais et que j'espérais et, que niaisement, j'espère encore. Je n'arrive pas à me persuader qu'au bout d'un village, au fin fond d'une cour, au milieu d'une cité ou n'importe où il n'y a pas d'hommes ou de femmes qui, comme moi, envisagent des jours meilleurs.

Qui n'a pas d'idées? Qui, à tous moments n e se dit pas: "Nous devrions faire ceci ou cela". qui ne se dit pas: "Nous devrions agir plutôt comme ci ou comme ça". C'est ça qui est important. C'est de cela, des idées de chacun, qu'il faut débattre. Quand nous aurons établi clairement ce que nous voulons, le divulguer, le réaliser et l'imposer ne sera pas une chose bien compliquée.
Pour ma part, et, je dois le reconnaître, pendant un temps relativement long, comme tout le monde, je me suis cantonné à rédiger des descriptions, des analyses et des critiques. Et puis, j'ai fini par concevoir que cette disposition d'esprit n'était pas constructive. Démolir n'est pas bâtir et détruire n'est pas créer.
Je m'y suis donc remis. Les sujets ne manquent pas. Curieusement, dans la plupart des cas, j'ai constaté que pour être au service des populations, et non au service des grandes puissances financières, il faudrait faire, à peu près, le contraire de ce qui est pratiqué. Nigaudement, j'avais imaginé que même si les voies que j'ouvrais n'étaient que malingres et chétives, cela pouvait susciter d'autres initiatives ou tout au moins des échanges. Et bien non. Ce que les gens attendent, ce sont des piaillements. Ils veulent pouvoir s'écrier: "Ouille, ouille, ouille! Ça fait mal!" mais ils ne veulent pas entendre parler de comment on pourrait les soigner.
J'ai donc rédigé divers essais sur des sujets variés et j'ai encore pas mal de projets dans ma besace. Je me disais: ce sera utile d'avoir des bases de réflexion. Cela nous permettra de ne pas perdre de temps. Dans le fond, même si ce que j'écrivais conduisait vers de fausses route, le fait de les avoir déjà explorées permettait par le suite de ne pas s'y fourvoyer une seconde fois. J'avais la certitude de nous éviter de prendre du retard. Avec tout cela, j'arrive maintenant à cette situation paradoxale que plus j'avance et plus je me sens mal à l'aise. En effet, ce qui m'ennuie, ce n'est pas de m'enfermer dans ma solitude, non, ce qui me contrarie, c'est que les gens me considèrent de plus en plus comme un illuminé asocial qui se prend pour un prophète messianique. Dans le meilleur des cas, je ne suis qu'un épiphénomène marginal qui incite à sourire avec tendresse.
Rassurez-vous! Je ne vais pas m'arrêter pour autant. Je suis d'un naturel pugnace et têtu. Tout ce que je suggère ne servira peut-être jamais à rien; mais, à mes yeux, je n'aurai pas failli.
Alors, je vous le redis. Assez de criailleries stériles! Passons à l'action. Et souvenez-vous que les cris des plus atroces souffrances n'ont jamais soigné personne.

17 02 16
http://abelysse.jimdo.com/divers/assez-de-criailleries/