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Billet de blog 28 octobre 2017

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De l'affrontement de deux forces légitimes en territoire européen - La Catalogne

Josep Lluis Trapero, chef opérationnel des Mossos d'Esquadra, la police catalane, a été mis à pied par Madrid ce Samedi, faisant passer un message au Catalan sur leur indépendance et faisant (re-)découvrir à l'Europe que les polices peuvent rapidement devenir des capacités de nuisance.

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Les polices sont, les politiques l'ont oublié depuis longtemps, des forces armées. Force car responsable de la force publique, la force d'Etat, et armée grâce à leur équipement et leur entraînement. Si cela paraît évident, c'est pourtant que cette notion est facilement oubliée par les politiques qui privilégient souvent le budget des armées au-delà de celui des polices, pensant alors se mettre à l'abri d'un retournement des armes (ou de leur puissance psychologique) contre eux.

Pourtant, les polices aussi représentent une menace psychologique et le cas de la Catalogne en est un exemple moderne très parlant.

L'Espagne est organisée autour de deux à trois forces de police : une police étatique, et parfois une police régionale et/ou des polices municipales. Lors des événements récents concernant l'indépendance de la Catalogne, la police étatique (la Guardia Civile) était évidemment présente pour appliquer la force d'Etat représentée par le pouvoir de Madrid ; pratiquant la violence "légitime" d'Etat par le blocage des élections, grâce à des pouvoirs-légaux voir extra-légaux "de circonstance".
Evidemment, les Mossos d'Esquadra (la police régionale catalane) ne pouvaient pas participer à ces actions policières, étant par définition, dès leur création, présents pour assurer la sécurité et l'autonomie du contre-pouvoir catalan. La police régionale a donc exercé une capacité de nuisance par des actions de proximité comme la protection des manifestants, des lieux ou des objets permettant le déroulement du référendum. Or, cette capacité de nuisance elle aussi légitime car issue de la loi & du gouvernement catalan, n'a pas été appréciée du tout par Madrid, fussent-elle une simple passivité pour ne pas aider la police nationale dans son travail.

Trapero, le chef opérationnel de la Policia de la Generalitat de Catalunya (les Mossos d'Esquadra) a donc été mis à pied par le pouvoir central pour une sédition, tout comme d'autres cadres ou agents de la police catalane. Pourtant cette accusation peut paraître injuste, la sédition signifie "soulèvement contre le pouvoir établi", or les Mossos d'Esquadra ont protégé le pouvoir légitime auquel ils avaient fait allégeance : le gouvernement autonome de Catalogne.

Face à l'application de l'article 155, les mossos sont donc divisés. Entre désobéissance civile (mais armée) et neutralité, ces agents savent qu'ils détiennent, plus que quiconque en Catalogne, un pouvoir certain dans ces événements. Personne ne pourrait affronter des agents armés et entraînés, très proches de la population et connaisseurs du terrain, issus d'un pouvoir légitime, sans provoquer une guerre civile. Le gouvernement espagnol décide donc des les placer sous le joug du Ministère de l'Intérieur, sans savoir pour autant si les agents seront assez dociles et conciliants pour laisser-faire cet acte politique sans aucune contre-attaque.

Et c'est bien ici que l'on voit la puissance invisible des polices, véritable forces armées avec un pouvoir de nuisance extrêmement étendu, plus que n'importe quel autre corps de la fonction publique; les policiers pourraient par exemple décider de ne plus rapporter d'argent au pouvoir espagnol, obéir à leurs propres règles et organisation uniquement, ou utiliser leur force armée contre les forces nationales en s'interposant ... voir plus.
L'avenir de la Catalogne devient de plus en plus incertain à chaque jour qui passe, sans qu'aucun des deux partis n'arrivent à rassurer quiconque, commençant alors comme n'importe quelle guerre ; lorsque l'incompréhension et l'incertitude subsistent face à des forces armées qui ont le pouvoir de réduire le temps d'incertitude en agissant ... pour le malheur des inactifs, des incompris, des innocents.

Illustration 1
Policiers catalans, 2017. © NurPhoto / Miquel Llop

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