En échos à notre belle maxime républicaine d’égalité, nous observons souvent avec intérêt l’amélioration des droits des femmes à travers le Monde. Dans des contextes socio-culturels très différents, des progrès se confirment en Asie, en Afrique Noire, au Moyen-Orient, en Amérique Latine et même dans les pays occidentaux où des avancées peuvent encore s’obtenir.
Le sport féminin met souvent en exergue certaines de ces avancées et la participation croissante de femmes aux grandes compétitions internationales en est un bel exemple. Dans beaucoup de pays à majorité spécifiquement musulmane, nous applaudissons les femmes qui se battent pour le droit d’étudier, de conduire, de travailler mais aussi de pratiquer le sport de leur choix.

Agrandissement : Illustration 1

D’ici deux ans, la France accueillera les Jeux Olympiques d’été. Lors de ce rassemblement, des athlètes du monde entier convergeront vers la ville-capitale. Nous les accueillerons les bras grands ouverts quelque soit leur nationalité, leur culture ou leurs croyances intimes. Le sport a ce pouvoir rare de transcender certaines de nos différences, en offrant un espace de confrontation mais aussi de rencontre où les prismes culturels s’atténuent.
Il y a quelques jours, un amendement présenté par le groupe Les Républicains (LR) a été adopté en séance et interdit désormais « le port de signes religieux ostensibles » lors d’« événements sportifs et compétitions sportives organisés par les fédérations sportives et les associations affiliées ». Cette loi vise clairement le port du voile par des femmes musulmanes dans le cadre de compétitions françaises. Nul ne s’étonnera de cette nouvelle poussée de fièvre à l’approche d’une élection présidentielle. Il s’agit probablement pour ses concepteurs d’empêcher qu’un machisme « venu de l’extérieur » entrave la liberté des femmes.
Le paradoxe est assez cocasse. Ces femmes - françaises pour la plupart - qui ont les mêmes convictions religieuses que certaines des athlètes qu’elles verront aux Jeux, sont priées de se tenir éloignées des terrains de sport. Douloureux retour à une réalité que les femmes du monde entier connaissent depuis des siècles : l’interdiction de pratiquer le sport et d’être reconnue comme athlète à part-entière par la société civile.
En tant que basketteuse professionnelle, je peux témoigner de l’impact qu’a eu le sport sur mon épanouissement personnel. Etre femme et athlète m’a permis de prendre toute ma place dans la société. Pas seulement en tant que femme mais aussi en tant que citoyenne française. Le sport aura contribué à développer mes capacités physiques mais aussi intellectuelles. J’ai par ailleurs beaucoup voyagé grâce au sport. Il m’aura aidé à forger mon identité, au delà des opportunités de carrière qu’il m’a offerte.
On peut certes imaginer que toutes ces mesures visent à protéger les femmes de toute forme de sexisme dissimulé. Pourquoi dans ce cas ne pas légiférer également sur ces maillots assez courts que l’on astreint les joueuses de volley à porter en compétition internationale, alors que les hommes du même sport n’ont pas ce type d’obligation ? L’hypersexualisation du corps des femmes ne semble pas autant préoccuper nos preux chevaliers du Palais du Luxembourg. Il est pourtant l’autre pendant bien réel lui aussi de l’objectification du corps des femmes.

Agrandissement : Illustration 2

Et puis où s’arrêtera cette invisibilisation des femmes musulmanes en France ? A l’instar des athlètes iraniennes, indonésiennes ou saoudiennes qui participeront aux Jeux, ces femmes françaises souvent de quartiers populaires n’ont-elles pas des valeurs, des savoirs-êtres, des savoirs-faire à apporter au “chaudron du monde” ? Nos choix vestimentaires nous rendent-ils si imperméable à l’échange et au partage ?
Je n’ose imaginer la tristesse et la frustration de toutes ces championnes en herbe devant leur télévision en 2024. Dans ce grand concert des nations, elles verront célébrer les performances de femmes sportives de plus en plus libres de leurs choix. Une liberté pas toujours facile à préserver, même dans notre pays.