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Billet de blog 9 juin 2025

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De l’islamophobie à l’antisémitisme

Les mots disent des choses. À la fois ce qu’ils veulent dire, prétendent dire, entendent dire. Et, bien souvent, un peu plus aussi. Soit par le biais de leur charge étymologique, qui constitue comme un inconscient du mot. Soit parce que, selon les morphèmes qui les composent, ils dénoncent, ou cautionnent, plus ou moins secrètement.

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    Les mots disent des choses. À la fois ce qu’ils veulent dire, prétendent dire, entendent dire. Et, bien souvent, un peu plus aussi. Soit par le biais de leur charge étymologique, qui constitue comme un inconscient du mot ; une charge qui, comme l’inconscient lui-même, est plus ou moins consciente selon les individus. Soit parce que, selon les morphèmes qui les composent, ils dénoncent, ou cautionnent, plus ou moins secrètement.
    Islamophobie. D’emblée, une ambiguïté sur le premier radical, islam- : l’islamophobie, est-ce la phobie des Musulmans, ou des islamistes ? Le mot lui-même tendrait vers la seconde option, mais nombreux sont ceux qui ne font pas la distinction et qui, noyant dans le même bain Musulmans et islamistes, dénoncent l’islamophobie comme étant la phobie de tous les Musulmans, que ceux-ci soient modérés, républico-compatibles, ou animés par des visées séparatistes.
    Une dénonciation qui, reconnaissons-le, est dictée par le mot lui-même, puisque, tout le monde le sait, la phobie, ce n’est pas bien, c’est même une forme de maladie psychique. Dans le dictionnaire Le Robert : « 1. (Psychologie) Forme de névrose caractérisée par la peur morbide, l’angoisse de certains objets, actes, situations ou idées. Ex : agoraphobie, claustrophobie […]. 2. (Courant) Peur ou aversion instinctive ». Mais aussi : arachnophobie, homophobie… Toutes ces formes de répulsion condamnables puisque éminemment viscérales et irréfléchies.
    Antisémitisme. Anti- : contre, opposé ; -sémitisme : propre au peuple sémite, autrement dit, dans l’acception contemporaine, juif. En réalité, historiquement, les Juifs comme les Arabes descendent des peuples sémites et parlent une langue sémite. Mais comme il est plus facile de cliver, le mot
antisémitisme s’est centré sur les Juifs et désigne l’opposition à ce qui est juif. Or le préfixe anti- est plutôt valorisé, renvoyant le plus souvent à une opposition nécessaire : antiracisme, anti-poux, anti-brouillard, anti-buée, anti-acariens, anti peine de mort… L’antisémitisme relèverait-il de la même nécessité pratique ? À l’heure où l’antisémitisme se réveille et où les actes antisémites se multiplient, peut-être, pour combattre ce fléau, devrions-nous changer nos mots et parler tout bonnement de judéophobie…
    Précision peut-être inutile mais rendue nécessaire par le climat d’étiquetage et de stigmatisation dans lequel nous évoluons avec bonheur : d’où est-ce que je parle, avec mon patronyme suspect ? Pour le dire clairement, je ne suis pas juive et descends de deux lignées chrétiennes et catholiques aussi loin que l’on remonte, l’une de l’est de la France, l’autre de la région Rhône-Alpes.

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