Ou les bienfaits qui surgissent d’une sortie du cadre ! Sad jokes, de l’acteur, auteur et réalisateur Fabian Stumm (1981, Allemagne - ), est un film qui ne ressemble à nul autre. N’est-ce pas la garantie d’un style, d’une signature ? Fabian Stumm a en effet beaucoup à dire. Et à montrer.
Le réalisateur, ici également au scénario et dans le rôle principal, aime s’inspirer de sa propre vie, s’entourer de ses proches, même à l’écran. Pour son deuxième long-métrage, il met en scène des situations simples, quotidiennes, ce qui n’interdit ni l’émotion ni l’intensité. En une succession de plans fixes, presque sans mouvement - de très rares zooms, très discrets, parfois un champ-contrechamp, mais tout aussi rarement, et jamais gratuitement -, il présente Joseph, lui-même, et sa meilleure amie Sonya, brillamment interprétée par Haley Louise-Jones, élevant tous deux leur petit Pino, alors que Joseph se remet difficilement de sa rupture avec celui qui fut visiblement un grand amour, Mark. Mais Sonya, bipolaire, supporte mal son maintien en clinique et Joseph, cinéaste, rencontre les pires difficultés à faire accepter son nouveau scénario par son producteur : trop original, imprévisible, mêlant les genres, brisant le carcan des cases bien formatées.
Servies par Michael Bennett, qui crée une image simple et lumineuse, ce sont précisément ces qualités paradoxales qui vont faire de chaque scène un moment savoureux. A la fixité du cadre répond une mobilité infinie des acteurs et des situations. On suit les scènes avec un sourire qui ne s’efface pas, tant l’humour, l’autodérision, l’esprit, mais aussi la sensibilité, la tendresse pour les personnages sont constamment présents. On passe de situations familiales intimes, parfois tendues, explosives, parfois tendres, désirantes, à des situations de rue ou d’espaces publics totalement désopilantes, puis à des situations professionnelles très serrées, où les répliques s’enchaînent comme dans un match et où les coups se comptent, bien évidemment toujours avec l’élégance d’un fleuret moucheté.
La lumière qui revient dans la salle tombe sur un spectateur étourdi et heureux, blotti dans son fauteuil mais avec la sensation qu’il vient d’être emporté dans une folle danse, pleine de spiritualité et de douceur. « L’Esprit souffle où il veut », dit la Bible. En effet. Mais quel bonheur, lorsqu’une telle brise se lève !