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Billet de blog 15 janvier 2023

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« L’Etrange Histoire du coupeur de bois » (4 janvier 2023) de Mikko Myllylahti

Un film nous venant de Finlande, et qui ne soit pas de Kaurismaki, ce n’est pas si fréquent… Ici, un héros qui se serait trompé d’histoire…

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    Pepe (Jarkko Lahti, acteur très connu et reconnu en Finlande) est un homme heureux. Heureux et paisible. Bûcheron, travaillant dans une scierie, non loin de laquelle il est installé dans une maison avec sa femme et son fils, il semble taillé pour y mener une existence tranquille et répétitive, émaillée de petits bonheurs qui le contentent pleinement : une fête avec ses collègues, un plateau-repas avec sa femme devant la télévision, une nuit réparatrice, une promenade dans la neige avec son fils…
   Au cœur de l’hiver, le spectateur rêve d’un hyper-hiver : vastes étendues blanches, forêts couvertes de neige, espaces ouverts et arides donnant l’impression d’être arrivé au pays de la Reine des Neiges… Le premier long-métrage du réalisateur et scénariste finlandais, également poète, Mikko Myllylahti, procure tout cela, s’ouvrant sur des plans larges dignes d’un western nordique, où un homme seul arpente cette immensité et semble prêt, malgré sa tenue inopinément citadine, à en découdre avec elle.
    Mais bien vite, tout s’enraye et notre héros imperturbablement souriant semble s’être trompé d’histoire. L’annonce scandaleuse de la fermeture de la scierie, pour de cyniques motifs financiers, entraîne à sa suite toute une série de désastres petits ou grands auxquels l’impassible bûcheron fera face avec la même inaltérable bonhomie : dépression puis folie meurtrière de plusieurs anciens collègues, infidélité des épouses du village, séduites par un coiffeur ravageur, survenue d’un mage chantant magnétisant les foules, parfois à ses dépens, et d’un étrange mouton noir à longs poils, déboulant toujours de nulle part pour se perdre dans la nuit…
    Si l’enchaînement de ces péripéties et le stoïcisme de Pépé fonctionnent d’abord à merveille et courent sur un fil réjouissant, entre absurde et sursignifiance, qui explore l’impressionnante capacité de résistance de l’être humain, le rythme a tendance à se perdre vers la fin.
    Il n’empêche : même s’il ressort de ce film un peu désorienté, le spectateur a toutefois l’impression qu’il revient d’un lointain voyage, emporté par la très belle photographie bleutée d’Arsen Sarkisiants et la musique souvent fascinante de Jonas Struck. Si l’œuvre a souvent été comparée à une fable, elle ne bannit toutefois pas la modernité et ses maux, avec la question du primat de la finance sur l’humain ou la nature, mais s’offre un joli finale, qui prend la forme énigmatique d’une réécriture ou d’un rêve, puisque le héros n’est plus un financier venant signer un odieux contrat au sommet d’une montagne, mais Pepe en personne, débouchant, pour son plus grand bonheur, dans « la maison des sentiments »… Comme si le héros avait enfin cessé d’être un personnage qui se serait trompé d’histoire.

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