Depuis l’entrée dans ce qu’il est convenu d’appeler la crise du Coronavirus, il était possible de souscrire à chacune des déclarations présidentielles : le jeudi 12 mars 2020, lorsque la suspension des cours a été décrétée, nous l’attendions tous depuis que la dangerosité du virus avait commencé à nous apparaître. Le lundi 16 mars, lorsque le confinement a été prononcé pour le lendemain midi, nous étions déjà nombreux à l’avoir anticipé depuis quelques jours. Aussi attendions-nous en toute confiance cette nouvelle déclaration du lundi 13 avril au soir. Chacun savait que le confinement allait être prolongé, sans doute assez largement, en cessant de sauter chichement de quinzaine en quinzaine. Comme nous savions également que le déconfinement serait progressif, plusieurs voix pronostiquaient que les établissements d’enseignement ne rouvriraient pas avant l’été. Cela semblait logique : l’économie devait repartir. Or les écoles ne sont pas directement productrices de la richesse matérielle si chère au cœur de notre très honorable Président...
Et soudain l’annonce tombe, au détour d’un paragraphe : « A partir du 11 mai, nous rouvrirons progressivement les crèches, les écoles, les collèges et les lycées ». Mais quelle folie ! Si justement les écoles - pour s’en tenir à ce terme générique - ont été fermées, c’est bien parce que l’on connaît ces lieux comme étant de grands incubateurs de virus, favorisant à outrance la contamination. Immaturité des élèves de crèche et d’école, qui ne peuvent mettre en pratique les fameux « gestes barrières », ni se tenir dans la « distanciation sociale ». Guère mieux avec les élèves de collège qui, un peu plus mûrs seulement, sont aussi plus transgressifs, plus joueurs, même quand leurs « jeux » n’amusent qu’eux.
« Les lieux rassemblant du public, restaurants, cafés et hôtels, cinémas, théâtres, salles de spectacles et musées, resteront en revanche fermés à ce stade. Les grands festivals et événements avec un public nombreux ne pourront se tenir au moins jusqu’à mi-juillet prochain ». Ah bon ?! Et les établissements scolaires, qui rassemblent entre quelques centaines et quelques milliers d’élèves, eux, pourraient réunir tout ce monde, y compris les équipes éducatives - professeurs et personnel encadrant -, sans que cela pose problème ?!
Et le grand protecteur de la Nation a eu la fausseté de faire précéder cette annonce de la précision : « l’objectif premier demeure la santé de tous les Français ». Qu’il nous soit permis d’en douter.
D’autant que, ne reculant devant aucun faux raisonnement, l’orateur déclare ensuite, se voulant rassurant : « Le 11 mai, nous serons en capacité de tester toute personne présentant des symptômes. Nous n’allons pas tester toutes les Françaises et tous les Français, cela n’aurait aucun sens. Mais toute personne ayant un symptôme doit pouvoir être testée. » Il n’est pourtant lui-même pas sans savoir que les jeunes gens, face à cette singulière maladie, présentent la particularité d’être le plus souvent asymptomatiques (ce qui n’a toutefois pas empêché certains d’entres eux, rarissimes heureusement, de décéder). Comment alors dépister un élève qui ne présenterait aucun symptôme ? On assurerait au virus de beaux jours devant lui, puisqu’il pourrait courir incognito d’un élève à l’autre, contaminer leurs enseignants, leurs parents, jusqu’à tomber sur un malheureux qui n’y résisterait pas.
Comble du mépris pour l’entendement des citoyens, au lendemain de l’allocution macronienne, des épidémiologistes sortis du placard se mettent soudain à nous assurer que les jeunes gens, s’ils résistent au virus, ne sont pas porteurs sains, et donc pas contaminants ! De même que, selon les besoins de la communication gouvernementale, on nous a assuré que les masques ne servaient à rien, puis, peu après, qu’ils étaient indispensables... Et l’on continue à nous diffuser des informations relookées selon les besoins de la circonstance ! Mais pour qui nous prend-on ?!
Dans le même ordre d’idées, à propos de ces contradictions tellement scandaleusement énormes qu’on espère qu’on ne les verra même pas, les restaurants, cinémas, où l’on ne stagne pas plus de deux heures, et en nombre limité, restent fermés, mais les établissements scolaires rouvrent, alors qu’élèves, enseignants, personnels y sont confinés par centaines et à longueur de journées, de semaines ?!... Et les cantines scolaires auront lieu, alors que les élèves se crachent dessus ?!
Bien sûr, on cherche ensuite à nous faire pleurer en se faisant passer pour le Zorro de la scolarité et en agitant le hochet de l’égalité : « C’est pour moi une priorité car la situation actuelle creuse des inégalités. Trop d’enfants, notamment dans les quartiers populaires et dans nos campagnes, sont privés d’école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents. Dans cette période, les inégalités de logement, les inégalités entre familles sont encore plus marquées. C’est pourquoi nos enfants doivent pouvoir retrouver le chemin des classes ». Au nom de l’égalité, que n’accepterait-on pas ?... Mais ce discours, tartufferie monumentale, ne dit rien de la réalité qu’il recouvre : il suffit de parcourir les réactions sur le groupe « Les Stylos Rouges ». Ce qui se produira, et qui est d’emblée annoncé sur ce réseau social de parents et d’enseignants, ce sera que tous les enfants issus de milieux un tant soit peu privilégiés seront précieusement gardés à la maison, pendant que ce seront les autres, les défavorisés, qui seront envoyés contracter la maladie et risquer de la propager à partir des incubateurs scolaires.
Or, dès le lendemain matin du discours souverain, rectification par le Ministre Blanquer : bien entendu, les cours dispensés ne seront pas obligatoires ! Ah bon ?! Dispensables pour les élèves, mais imposés aux enseignants ?! Mais quel public viendra alors recueillir leur sainte parole ?! Puisqu’on sait bien que ce ne sont, en général, pas les élèves les plus en difficulté qui sont les plus assidus...
« Le gouvernement, dans la concertation, aura à aménager des règles particulières : organiser différemment le temps et l’espace, bien protéger nos enseignants et nos enfants, avec le matériel nécessaire ». « Le matériel nécessaire... »? Quand même nos soignants, qui mènent des combats sacrés, indispensables à la survie du pays, n’en sont toujours pas suffisamment équipés ?... Qu’on nous laisse rire...
« Pour les étudiants de l’enseignement supérieur, les cours ne reprendront pas physiquement jusqu’à l’été ». Ah bon ?! Donc le public scolaire le plus mûr, le plus adulte, celui qui aurait été le plus à même de respecter les gestes de précaution, celui-là reste chez lui...?! Malheureusement, le propos commence à se clarifier, confirmé par la suite : « Le 11 mai, il s’agira aussi de permettre au plus grand nombre de retourner travailler, redémarrer notre industrie, nos commerces et nos services. Le gouvernement préparera sans délai ces réouvertures avec les partenaires sociaux pour que des règles soient établies afin de protéger les salariés au travail. C’est la priorité ». Cela, on veut bien le croire. Là réside sans doute la véritable priorité : que l’économie reparte. Petit coup de pouce : on se débarrasse des mômes que leurs géniteurs ne supportent plus, ce qui permet de renvoyer ceux-ci vers leurs emplois. C’est le fameux thème de l’école garderie.
Mais cela ne rime à rien ! Depuis quand les enfants ont-ils besoin des enseignants pour se garder ?! Dès l’âge de sept ans, un enfant digne de ce nom est en mesure de se garder seul ! Quant aux plus jeunes, ils peuvent être gardés par des plus grands, des voisins, des proches... En quoi les enseignants seraient-ils indispensables pour ce simple travail de garderie ? Car, à un mois et demi des vacances de fin d’année, avec la déstabilisation occasionnée, chez tous, par le virus, et la suppression des examens terminaux, soyons lucides et honnêtes, il ne saura être question d’autre chose...
À moins que, secrètement, le gouvernement ne soit pas mécontent de voir quelques-uns des contestataires qui lui ont gâché son hiver 2019 perdre la vie. Des retraites en moins à payer... De jeunes profs en remplacement, craintifs et soumis, un peu désorientés, assez dépolitisés, les exécutants rêvés... Et personne n’ira pleurer ces victimes tombées pour une cause absurde. A-t-on fait grand cas des enseignants qui sont d’ores et déjà morts du Coronavirus ? Là encore, il faut dérouler les fils de conversation des « Stylos Rouges » pour entendre parler d’eux...
Les médecins, eux, sauveurs jusqu’au bout, s’alarment de ce retour en classe et craignent une seconde vague, plus meurtrière encore, à laquelle eux, épuisés et dépassés, ne pourraient faire face. Mais le gouvernement, cynique, fait remarquer que des lits en réanimations se seront libérés, d’ici le 11 mai, et seront donc tout disposés à accueillir à tuyaux ouverts les nouveaux venus... Macron lui-même a d’ailleurs pris ses décisions contre l’avis de son Conseil scientifique...
Et que l’on n’interprète pas ce peu de hâte des enseignants à sauter dans la fosse comme une tentative piteuse de se soustraire à leurs « missions » ! Des « missions » dont ils s’acquittent avec zèle dans le télétravail, puisqu’ils se sont jetés à corps perdus dans la fameuse « continuité pédagogique », dans laquelle ils étaient pourtant tous novices quelques semaines auparavant !
Et que l’on n’aille pas leur parler du combat à mener ! Bien malheureusement, un enseignant n’est pas en mesure de combattre le virus. Il est donc inexact de le présenter comme envoyé au front. Quel front ?
Non. Envoyer, de façon prématurée, enfants et enseignants dans les établissements scolaires, c’est une immolation.
Monsieur le Président, ceux qui vont mourir ne vous saluent pas.