On pourrait, pour changer, se poser la question du cinéma de recherche en termes d'écosystème. Dès lors, cela demande de mettre en regard l'une de l'autre deux observations a priori contradictoires :
1. Le cinéma de recherche est une espèce menacée.
2. En France, une large majorité de films sont produits et diffusés par des acteurs de la filière indépendante.
Pourquoi, le cinéma de recherche est-il à ce point fragilisé quand les acteurs de l'indépendance sont aussi majoritaires ? Après tout, la raison d'être d'un tel tissu d'indépendants, c'est précisément de garantir la diversité réelle des œuvres. En d'autres termes, c'est de faire rempart à l'uniformité, ce que permet précisément le cinéma de recherche. Et là, le bât blesse : nous l'observons bien dans les salles, où la part de films « Recherche et découverte » diffusés diminue continuellement. Mathématiquement, cela aura une incidence sur la production : de plus en plus, ces films ne se feront pas.
Alors, allons plus loin : à quoi bon un tel réseau d'indépendants si c'est pour que la recherche soit si peu au cœur des préoccupations de chacun ? La recherche, faut-il le rappeler, c'est l'émergence et le renouvellement des formes, des modes de production, des récits, des images, etc. C'est le lieu du risque qui permet d'affirmer que le cinéma est réellement vivant et pas un zombie perfusé à la réitération. La recherche devrait donc être la préoccupation première des indépendants pour qui, comme à l'ACID, le mot veut encore dire quelque chose de fort, qui engage un rapport au monde profond, incarné et agissant.
Notre préoccupation pour la recherche est un amour sans limite. Notre recherche fait des paris (mais pas sur le dos du ticket payé par le spectateur). Notre recherche fait des expériences dont les conclusions ne sont pas tirées par avance. Notre recherche explore des territoires neufs sans chercher d'emblée à les coloniser. Notre recherche revendique le principe de jeu, voire de joie, qui la guide et se contamine jusqu'aux spectateurs. Notre recherche ne craint pas d'aller à rebrousse-poil des idées reçues quitte à se fâcher avec le conformisme. Enfin, notre recherche reconnaît ce qu'elle doit à l'imaginaire, comme catalyseur esthétique et politique puissant, grâce auquel le cinéma ne passe pas à côté du réel, matière première de tous nos films. En ce sens-là, notre recherche est aussi une éthique de la responsabilité.
Les cinéastes de l'ACID