
En 2009, l’assemblée générale des Nations Unies a désigné le 20 Février pour célébrer la Journée Mondiale de la Justice Sociale.
De quoi parle-t-on lorsqu'on parle de justice sociale ?
On parle principalement de la reconnaissance et du respect des droits fondamentaux de toutes les personnes de la société, quelle qu’elles soient, et donc sans aucune discrimination.
Parmi ces droits fondamentaux, il y a :
- le droit au logement
- à se nourrir
- à la liberté d'expression
- à l’éducation et à la culture
- à la santé et aux soins
- le droit de manifester
- à la libre circulation
- le droit à la liberté de culte et de religion etc.
Lorsque cette journée a été instaurée par l’ONU, elle s’est accompagnée d’engagements pris par les États de réduire puis d’éliminer et enfin d’éradiquer la pauvreté, le chômage, la faim dans le monde et même le sida et d’en faire leurs priorités.
Des termes de plus en plus forts associés à leur mot d’ordre international qui est de «ne laisser personne de côté ».
Pour les États membres de l’ONU, l’un des facteurs le plus déterminants de la Justice Sociale est le travail. Il permet de gagner un salaire pour, entre autres, se loger, se vêtir, se nourrir, se soigner, se divertir et se déplacer à sa guise et surtout le droit au développement. Pour eux, la notion de développement social est indissociable de la notion de développement économique ; la justice sociale n’est possible que si elle est axée au travers du modèle dominant qu’est la croissance économique et donc le travail et on voit les conséquences depuis plus d’une dizaine d’années avec toutes les politiques ultralibérales qui influent de plus en plus sur les politiques publiques des États.
Parmi ces politiques ultralibérales il y a celles à impact social mises en place en 2009 après la crise financière de 2008 et, notamment en Grande Bretagne les fameux Social Impact Bonds. Ce sont des politiques d’austérité, de réduction de dépenses publiques et pour y parvenir elles prônent le fait que ce n’est pas à l’État de financer les prestations sociales ou alors pas sans contrepartie, le fameux donnant-donnant qu’on nous rabâche depuis des années.
Alors comment parler de justice sociale autour du combat pour la désolidarisation des revenus du conjoint pour l’AAH par exemple ?
Les personnes malades chroniques et en situation de handicap ne sont pas toujours en mesure de travailler durablement. Même au sein des ESAT (Établissements et Services d'Aide par le Travail) ce n’est plus le vecteur humain et le lien social qui prime pour y travailler pour celles et ceux qui le souhaitent, c’est la productivité qui compte et si les personnes dans cette situation ne le sont pas suffisamment, elles ne seront pas embauchées ou ne conserveront pas leurs emplois.
Alors ce combat sur la « déconjugalisation des revenus du/de la conjointE » pour reprendre le terme de Mme Cluzel, est-ce vraiment une mesure de justice sociale ?
Bien sûr que c’est une mesure de justice sociale et son problème, c’est qu’elle considère que l'Allocation Adulte Handicapé est un minima social comme les autres. Eh non Mme Cluzel, c’est une prestation sociale qui est accordée sur la base de critères médicaux, il est important de ne pas l’oublier.*
Il est important de rappeler que le plafond annuel de ressources à ne pas dépasser pour une personne seule pour percevoir son AAH est de 10.882 € et de 19.607 € pour un couple ; il faut rajouter 5.416 € par enfant à charge. Dès que cela dépasse, l'AAH est restreinte voire supprimée. Le mode de calcul pour le montant et le versement de l’AAH reste annualisé et pourtant c’est la déclaration trimestrielle de ressources pour les personnes bénéficiaires AAH qui travaillent qui est prise en compte alors que ce système est particulièrement désavantageux et notamment lorsque l’on a des périodes de travail irrégulières avec des salaires qui le sont tout autant.
Ce qui veut dire que tous les 3 mois, les droits des personnes fluctuent de manière + ou - importante et que cela oblige à anticiper. Alors oui l’individualisation des ressources pour le calcul de l’AAH c’est de la justice sociale ainsi que redonner le complément de ressources aux nouveaux-elles bénéficiaires reconnuEs à un taux d’incapacité permanent égal ou supérieur à 80% ce qui n’est plus le cas depuis le 1er Décembre 2019.
La justice sociale ce serait aussi d’accorder le RSA à chaque personne dans un couple lorsqu’il est le seul moyen de subsistance du foyer, ce qui n’est pas le cas et là aussi
c’est une volonté encore de réduire les dépenses publiques sur le dos des personnes les plus démunies.
Ce serait aussi la justice sociale d’accorder le RSA à tous-tes les jeunes de 18 à 25 ans qui vivent pour une très grande majorité dans des conditions précaires, que la crise sanitaire plonge dans le désarroi le plus total, une partie de cette jeunesse qui se meurt, se fout en l’air parce qu’elle a la vision pessimiste voire impossible d’un avenir et cela est insupportable.
La justice sociale c’est lutter contre les inégalités sociales et de santé, de permettre un accès inconditionnel aux droits les plus fondamentaux pour toutes les personnes et sans discrimination ni aucune distinction,
elle est où l’égalité des droits lorsque aujourd’hui encore des personnes ne peuvent ni se loger, ni se nourrir, ni se soigner.
La justice sociale n’a pas besoin de statistiques et de belles phrases, elle doit répondre aux réalités flagrantes d’inégalités d’accès aux droits les plus fondamentaux.
La justice sociale c’est redonner du sens au principe de solidarité nationale tellement bafoué ces dernières années parce qu’il est associé à des exigences de rentabilité, des mesures d’impact social alors que le « quoi qu’il en coute » que Macron et l’ensemble des Etats Européens ont remis au goût du jour uniquement pour sauver l’économie, les entreprises en débloquant des milliards d’Euros est à l’origine de la naissance de notre modèle social.
Non la vraie solidarité nationale c’est un État qui doit donner les moyens aux personnes, les plus précaires, les plus fragiles, les plus vulnérables et démunis-es de pouvoir subvenir à leurs besoins les plus fondamentaux et de vivre dans des conditions dignes et décentes
C’est ça aussi la justice sociale alors ras-le-bol d’entendre leurs beaux discours depuis des années du style « il ne faut laisser personne de côté » ; de qui se moque-t-on ?
C’est de plus en plus le cas, plus de personnes qui dorment et crèvent à la rue, plus de personnes qui renoncent aux soins faute de moyens ou qui n’y ont pas accès parce qu’on refuse de les prendre en charge sans couverture médicale ou sans papiers, plus de personnes qui ne peuvent pas bénéficier de leurs droits sociaux et de santé, plus de personnes qui se font expulser de leur logement et ce nombre a explosé ces dernières années au niveau des logements sociaux par exemple, plus d’étrangers-ères malades expulsés-es alors que le principe d’inexpulsabilité issu de la lutte contre le sida est bafoué...
Et tout cela s’accompagne de mesures coercitives, répressives, liberticides au nom soi-disant de la protection des populations mais desquelles certainement pas des plus fragiles, précaires et vulnérables. La solidarité nationale et la justice sociale ne se monnayent pas, ne se marchandent pas et il ne faut pas confondre l’intérêt général et l’intérêt public, ce n’est pas la même chose le 1er c’est défendre les intérêts du plus grand nombre et le second c’est l’intérêt de tous et de toutes.
Et on ne peut pas parler de justice sociale sans parler de justice pénale lorsqu’on voit que les auteurs-es de violences policières qui restent impunis-es, il y a les victimes que l’on voit et tous-tes celles que l’on ne voit pas, celles qui meurent derrière les barreaux à la suite des violences des gardiens-NES de l’administration pénitentiaire. Et tous-tes ces victimes attendent que la justice condamne ces auteurs-es de violences et dont certains-es sont coupables de crimes.
Et la lutte contre le sida n’est pas que médicale, elle est sociale et politique comme la lutte contre les discriminations.
Et la justice sociale ne peut pas être sans équité car sans elle, l’égalité d’accès aux droits n’est pas.
* Je ne partage pas mon handicap, mon AAH non plus