A présent, on a monté un coup de maître dressant les uns contre les autres… Sauf qu’aujourd’hui, après 10 jours de réclusion et de drogues anti douleurs, je voulais redevenir « entière » et descendre toute seule, comme une grande, mes étages trop nombreux, pour aller prendre un café à l’air frais.
Un coin de rue à traverser, une halte au Tabac, lieu maudit, un coup d’œil vers une vitrine et voilà que mes forces viennent à manquer. Je franchis alors le seuil d’un salon de coiffure, pourvu d’autres joyeusetés esthétiques, pour m’affaler dans un fauteuil en demandant un verre d’eau. Un repaire de métèques ce salon, d’Europe et d’Orient. Je savais que j’y serai bien accueillie mais je ne savais pas que c’était « Jour du prophète », date anniversaire du dit fondateur de l’Islam.
Devant ma canne , mes cheveux en bataille et mes clopinades, je m’entends dire : « Mais de quoi tu as l’air comme ça ? Allez zou tu passes au shampoing et je te fais une coupe ! » Sous le prétexte, en partie vrai, de n’avoir pas prévu de faire cette dépense, je décline la proposition. On éclate de rire et on récidive : « c’est Jour du prophète on te dit, on rase gratis ! ». Ainsi fut fait. J’ai dû insister pour qu’on accepte, en retour, un petit don contre don, quelques viennoiseries acquises à la boulangerie proche.
De drôles de manières, n’est-ce pas, dans un Paris révolu, devenu bobo distingué, ultra gentrifié, plaque tournante du tourisme international avec des prix de bouffe et de fringues exorbitants, qui vont de soi !
Bizarre, bizarre , incongru, déplacé, presque malséant d’aller ainsi baguenauder et partager des valeurs communes, entre « juifs » et « arabes », celles de l’accueil, de l’hospitalité, de joyeuse convivialité», où l’on sait qu’on peut, sans détours, savourer des pans entiers de culture commune, cousine. Une culture aux racines orientales, qui ne cessent d’être occultées, niées, gommées, alors qu’elles sont là toujours vivantes, même si l’on n’a plus rien de sémite dans les gènes !
Partager, oui, avec des Arabes, Berbères, Turcs, Kurdes, Maghrébins, Libanais… de quoi se sentir juive jusqu’au bout des ongles !