Parmi les choses l’on n’avait pas vues depuis longtemps, ou à ce rythme là, de bien vilaines délations ont lieu, par lettres ou coups de fil à la police, qui, en certains endroits, s’est déclarée débordée : « Y a trois voitures là et y font du bruit ou la fête- Y a des commerçants en camionnette qui ravitaillent le village mais les gens ne gardent pas leurs distances- y a la dame qui ose s’arrêter dans sa promenade quotidienne pour faire coucou à son mari à travers la vitre de l'Epahd ». Et puis cet appel public à la dénonciation, par arrêté municipal placardé en divers lieux de la commune, grâce aux bons soins d’une maire de la banlieue sud-ouest parisienne qui « assume » au nom d’un nécessaire et indispensable « civisme ». Manière de mettre sous le boisseau, sans peur et malgré les reproches, la portée bien pétainiste de sa décision ! Il y a aussi le meurtre d’un chat dans un immeuble collectif pour cause de superstition concernant ses possibles maléfices. Enfin et surtout, il y a un phénomène répété, le plus scandaleux : l’injonction de déménager, faite à des soignants, par des voisins succombant à leurs peurs et phobies. Si nous sommes loin de la violence qui leur est faite, par exemple au Mexique, où des infirmiers, médecins ont reçu des jets d’eau de javel et des insultes, il ne s’agit que de degrés dans la violence, mais d'un même lâcher d’inhibitions et de phobies, ordinairement contenues. L’augmentation des violences conjugales, de la maltraitance d’enfants, ici en France, le démontre assez et tout autant.
Parmi tous ces déchaînements pulsionnels, dans cette recherche vaine de protection à 100%, de sécurité à 100%, voilà que réapparaissent également de vieux thèmes antisémites que les sites d’extrême droite ne se lassent pas de diffuser, comptant sur les réseaux sociaux et la naïveté de certains, pour propager leur "virus » ! Ainsi s’avance l’accusation d’une échappée de COVID 19 d’un laboratoire chinois dont le principal actionnaire est ou serait un grand magnat juif russe; l'apparition d’images virales porno pédophiles et d’encarts négationnistes au sein de vidéo conférences organisées par des associations juives et, bien sûr, le leitmotiv de gros banquiers (uniquement juifs ?!) en attente de profits et bénéfices de la crise économique.
Bien révélateur et accusateur, ce coronavirus ! Et pas seulement en matière d’incurie gouvernementale et de sombres batailles pharmaco- politiques. Alors que planent encore des inconnues scientifiques sur la nature exacte et le comportement infectieux du virus, se dévoilent et se déchaînent des passions tristes, des comportements « beaufs », des paniques consommatrices plutôt absurdes (n’oublions pas le papier toilette et ces envies de bourrer son caddy !), des comportements plus qu’égoïstes au mépris des autres.
C’est donc quoi un virus ? Et celui-là en particulier ?
En son étymologie latine, en son strict nom, le mot « virus » porte plusieurs et drôles de sens. Il signifie littéralement « « suc, jus, bave, humeur » donc des sécrétions diverses, bonnes ou mauvaises, et par dérivations successives, il désigne « venin, poison, infection ». Tout bien caché et invisible le petit bonhomme, dans notre corps physique, physiologique, comme dans notre corps social. Allez savoir si c’est bénéfique ou maléfique ! Allez savoir comment on l’attrape et comment s'en débarraser! De plus, voilà qu’« en dehors de l'hôte, un virus est une particule inerte, le virion, qui ne possède ni métabolisme propre, ni capacité de réplication, ni par conséquent de possibilité d'activité autonome », selon l’encyclopédie Universaelis. Donc à peine un être vivant, un Untermensch, juste « un brin de protéines », mais doté d’une force de propagation et de duplication « tirant profit des mécanismes naturels de la cellule ». Soit une force, parasite, toujours cachée, qui doit nécessairement s’accrocher à quelque chose d’autre qu’elle-même pour se diffuser et perdurer. Suffit de changer « cellule » par société (aux mécanismes culturels, vécus comme naturels), et on y est ! En plein dedans, si l’on permet la métaphore. En plein de ce qui a été colporté pendant des siècles et des siècles dans les discours, les écrits antisémites, qu’ils soient laïques ou religieux. Jusqu’à s’étendre à d’autres minorités ou groupes ethniques ( comme le peuple Senti, soit les Roms, gitans tsiganes, puis les « migrants » dont on ne saurait plus d’où ils viennent, où ils vont) qui n’ont pas eu la chance de pouvoir conjuguer autant de hautes capacités, celles d'être à la fois : parasites, profiteurs occultes, complotistes, tueurs ou voleurs d’enfants, étrangers au sol de la patrie ou du royaume, dissimulés, disséminés... pour mieux nous vampiriser !
Toujours un bon bouc émissaire, un porteur de maléfices, de pénuries et de maladies « étrangères » qui a montré, au cours de l’histoire de l’Europe toute chrétienne combien il peut être « efficace » en temps de crise et de déstabilisation profonde. Par magique interprétation et induction « placebo », il suffit de chasser, d’expulser, de brûler, de mettre au pilori, de sacrifier ces indésirables pour, à l’ancienne, contenter les dieux, obtenir leurs faveurs, et, de façon plus moderne, rétablir la santé et la paix sociale. Il faut reconnaître que si la tradition du bouc émissaire est largement antérieure aux ères chrétiennes, elle s’est fort bien portée pendant le Saint Empire romain germanique, tout au long du féodalisme et des monarchies, pour connaître des heures de gloire en plein système républicain atlantique et outre atlantique. Tenez, rien que pendant les deux derniers siècles!
Alors, résurgences, récurrences ? Hélas, oui. Mais tout ça ne fait pas et ne fera pas des « Nuit de cristal » ni de « Strange fruits », ces corps d’ex-esclaves afro-américains lynchés puis pendus aux arbres du pays le plus riche du monde ! Que les négationnistes, les fascistes et collabos de tout poil se rassurent : il n’y a pas de « péché de chair » dans le judaïsme (ni non plus dans l’islam), hommes et femmes ont droit tous deux au plaisir et aux magnifiques étreintes sexuelles ! Alors s’il peut effectivement traîner ici ou là un malade pédophile juif (comment ne pas en faire l’hypothèse lorsqu’on revendique, en tant que juif, d’être un humain comme les autres et donc d’en partager aussi les maux et les pathologies), il n’y a pas, que l’on sache, la féroce répression sexuelle (sauf au sein de cet avatar religieux d’ultra orthodoxie juive) que le catholicisme a engendrée et organisée, qui a conduit à de graves perversions en la matière! Ni dédain du corps, ni interdiction de se laver nue (pour toutes les femmes et pas que dans les couvents) ni mépris des enfants !
Quant aux « alarmistes », plus ou moins de confession ou d’ascendance juive, aux "Indigènes" et autres « racisés », qu’on se rassure aussi : la V° République, dans sa grande mansuétude, a fait preuve d’un sens démocratique remarquable : les gaz lacrymogènes, les LBD, les amendes pleuvent aujourd’hui dans le 9.3. comme à Paris, sur les soignants, les gilets jaunes, les syndiqués comme sur les « arabes » ou les "blacks", à quelques écarts de niveaux de violence près, il est vrai. De quoi pouvoir penser que, pour une fois, au lieu de rester divisés, de s’enfermer dans la folie de nos peurs, de se croire à soi tout seul victime d’injustice et de racisme, la situation, malgré l’incohérence, l’incompétence, la répression gouvernementale, aura de quoi nous donner la force de dire tous ensemble : No pasaran! ça ne se passera pas comme ça !
Et si les médias, depuis deux mois, tiennent en grand silence des passions plus joyeuses et salvatrices- ces élans de solidarité envers les soignants, les chômeurs, les démunis, les migrants- pourquoi ne pas gager que le sentiment de fatalité puisse être conjuré? Tout comme le virus !