Zazie, ayant compris le monde à sa manière, pourrait bien dire : « Ben, si c’est comme ça, qu’on la repeigne en violet cette « race » blanche ! La couleur noire est déjà prise, la jaune et la rouge (plus minoritaire) également, pourquoi pas utiliser la couleur d’apparat des évêques, grands dignitaires du pouvoir ecclésiastique qui ont trahi depuis belle lurette la cause des pauvres et des déshérités ? »
Et comme elle a de la suite dans les idées, Zazie, elle rajouterait bien : « Faudrait aussi prévoir des processions de flagellants, à la mode du Moyen Age ou des rituels chiites. » Façon de s’assurer, qu’en faisant pénitence, on ouvrirait enfin les yeux sur l’existence d’un racisme structurel qui n’a servi qu’à exploiter les peuples de la terre, et la terre même, pour la grande joie des nantis. Avec bénéfice de redistribution à toutes ces classes moyennes du haut (toutes intellectuelles qu’elles puissent être) comme du bas ( tout juste ex prolétaires) dont l’excellent niveau de vie et la soif de consommer sans modération font pâlir d’envie bien des gens. Aussi, dans les cortèges, ne pas oublier d’intégrer à cette blanchitude honnie, certaines et certains colorés, descendants de colonisés, qui sont allés gaillardement partager les dits « privilèges » tout en se plaignant d’être « racisés » ! Et mine de rien, ça fera un bon paquet de monde à embarquer direct pour la repentance! De quoi permettent aux plaignants de se délester de leur haine et soif de vengeance inassouvie contre les valeurs universelles, amochées et réduites à peau de chagrin, il est vrai!
Devant la complexité du monde, Zazie, qui a plus d’un tour dans son sac, aurait aussi â-do-ré faire une suggestion complémentaire : si ce barbouillage coloré pour transformer la peau et l’âme de cette fichue engeance de blancs ne suffit pas, faudrait proposer aux flagellants d’alimenter des troncs de charité au bénéfice des ex foyers Sonacotra abritant des travailleurs émigrés, aux SDF, aux Roms (tiens, ils sont de quelle couleur ceux-là ?), aux chômeurs non indemnisés, aux gamins des cités qui ont écrit, il n’y a pas si longtemps : « Père Noël, est-ce que tu pourrais nous apporter un ou deux paquets de pâtes supplémentaires et de la sauce tomate pour les fêtes ? » Histoire de balayer, une bonne fois pour toutes, leur culpabilité et leur permettre de réaliser leur si chère résilience. Et puis, s’il reste encore de l’argent, offrir à Virginie Despentes, pour son départ en vacances, « Une histoire populaire américaine » d’Howard Zinn (livre et film, via les Mutins de Pangée) et « Une histoire populaire de la France » de Gérard Noiriel.
Car, puisqu’il est question de marquer également du sceau violet de l’infamie une fraction détestable de « blancs » qui a eu la prétention d’inclure la lutte contre le racisme dans des luttes plus globales, intersectionnalistes avant l’heure, au sens où l’entend Angela Davis**, osons demander : cette « gauche » blanche ou de n’importe quelle couleur, vous en souviendrait-il de ce qu’elle fit ?
Une gauche, qui a eu le culot de dresser des barricades à Paris en 1830, 1848,1871 , de sortir des usines pour se faire zigouiller à Fourmies en 1891, d‘obtenir les congés payés , la sécu, la retraite, d’établir le programme du Conseil National de la Résistance, d’être « porteur de valises » pour les sœurs et frères algériens luttant pour leur indépendance, de manifester contre la guerre au Vietnam, de bloquer dans les ports des départs d’armes, de faire des collectes pour des grévistes d’Europe, de soutenir les luttes du Polisario, d’Angola et du Mozambique, d’accueillir des blacks Panthers, des réfugiés chiliens, de transporter par delà les frontières les migrants de la vallée de la Roya et leur offrir un hébergement, de lutter pour conserver le droit de grève, de dénoncer les conditions de vie atroce des migrants syriens dans l’île de Lesbos et de tous les morts en Méditerranée, de réclamer le respect du droit international pour l’établissement d’un Etat palestinien, et dernièrement, d’aller oser partager la révolte et la colère des sans papiers exploités, humiliés face à l’arbitraire de l’administration; la colère devant les assassinés des cités de banlieues et les manifestants mutilés pour cause d’armes létales employées par les forces de l’ordre…
Zazie a du oublier bien des choses…mais songerait à présenter ses propositions concrètes dés la rentrée et pourquoi pas à la prochaine ADA des Gilets jaunes en Ile de France (avec participation de divers groupes) pour qu’elles soient soumises à un vote ultra démocratique, participatif, tout bien horizontal, en attendant qu’elles deviennent internationalistes.
Adèle 47
* Comme dit un copain « ce n'est pas parce que tout le monde serait dans la même merde que tout le monde serait heureux » !! soit la confusion entre privilèges et injustices.
** Entretien avec Angela Davis, revue Ballast 18 déc.2017, extraits :
- Nous n’avons toujours pas assisté à la transformation économique et à d’autres changements structurels nécessaires pour commencer à éradiquer le racisme
* Dans la sphère politique ayant trait à la question noire, je dois également inclure les luttes de genre ou celles contre la répression de l’immigration….Elle est liée non seulement aux Noirs, mais à tous ceux qui luttent pour la liberté.
-Je ne dirai jamais qu’il faut envisager uniquement la libération des Noirs — notamment au vu de l’émergence d’une classe moyenne noire ! Obama est emblématique de cette ascension des individus noirs, non seulement en politique, mais aussi dans les hiérarchies économiques. Et cela ne va pas nécessairement transformer les conditions de vie de la majorité des Noirs….. En Afrique du Sud, l’ascension d’un secteur noir de la population, très puissant et très riche- une bourgeoisie noire, si vous voulez-, n’a jamais vraiment été prise en compte.
-Un élément que l’on peut observer dans la période récente, et que je trouve extrêmement important, est le développement de campagnes de solidarité qui ont fait converger différentes luttes. Les Palestiniens, qui se sont inspirés des luttes des Noirs aux États-Unis, devraient en retour les inspirer dans la poursuite de leur lutte pour la liberté.