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Billet de blog 11 avril 2019

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RETOUR SUR LES GLIERES

L'histoire de la Résistance et l'hommage à lui rendre sont à préserver des griffes de l'ultralibéralisme

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Si les motivations particulières du capitaine Tom Morel, responsable du maintien sur le plateau des Glières du groupe de maquisards dont il avait la charge, me semblaient devoir être mises en lumière,  il ne saurait être question de mettre en cause son courage ni sa réelle abnégation. Ce qui n’interdit pas, devant la dernière tentative de récupération de cet important moment de la Résistance, d’indiquer les limites et  les dangers propres à qui se croit chargé d’une « haute » mission . Le parcours et le destin de cette figure de « premier de cordée », glorifiée par Emmanuel Macron, méritent d’être re-examinés, tout autant que  l’ensemble des évènements déjà revus par plusieurs historiens. La ténacité et autres vertus, ne peuvent, dans leur excès, qu’engendrer leurs contraires.

            Quoi qu’il en soit, les résistants n’ont pas risqué leur vie pour devenir « héros » ou martyrs mais pour sauver leur pays. Ils ont  tenté l’impossible, y ont cru, sans chercher de « mérite » personnel. Bien au contraire. Ils ont œuvré, au prix de leur sang, pour cela même qui est foulé aux pieds à l’heure actuelle : la fraternité, la solidarité comme la volonté des hommes de rester dans la lumière de la liberté. Chaque mort, chaque torturé et condamné, n’a donné sa vie que pour cela.

            Aussi, au moment où, côte- côte, les deux présidents les plus décriés de la République ont  tenté de ressusciter fictivement, et sous forme de grand spectacle, ce qu’ils s’acharnent justement à détruire, il faut rappeler un certain nombre de choses.

La mémoire de la Résistance n’appartient qu’à ceux qui, l’honorant, cherchent à en préserver les évènements et l’esprit. Elle appartient à ceux qui continuent à se battre aujourd’hui pour les valeurs que le CNR (Conseil national de la Résistance a portées et défendues. Et certainement pas à ceux qui veulent se re-légitimer  en nous refaisant le coup du grand « roman national » dont le héraut fut Malraux. Avec le lyrisme qu’on lui connaît, il  forgea une belle image consensuelle d’un peuple et d’un pays unifiés dans et par un même combat. Tandis que la politique de Monsieur Macron est honnie, son pouvoir discrédité, sa légitimité mise en cause- du moins aux yeux des plus conscients des français, rien de plus pratique pour se re-créditer que de lancer une haute et symbolique parole, réconciliant les oppositions, sublimant les différences, gommant les appartenances ! Mais les maquisards de la Résistance  ne sont pas morts pour les bonnes causes du CAC 40 ni pour la course aux rentes et au profit. Ils donné leur sang, ainsi que le capitaine Morel, pour bien autre chose. Pour  le contraire même de ce que le gouvernement actuel s’acharne à vouloir piétiner (1)

            Enfin, au-delà des partis pris, des révisions historiques nécessaires, des appréciations diverses, il s’agirait de regarder, là aussi de très près, le sens réel des mots. Sens et poids qui ne se révèlent pas  automatiquement à coups d’algorithmes et de big data. Sans référence aux valeurs et aux actes qu’ils désignent, le « courage », la « bravitude » - à la mode Ségolène Royal-, n’existent pas en soi ! Les mêmes mots sont promus de part et  d’autre, mais ils n’indiquent pourtant pas  les mêmes réalités, les mêmes volontés et ne reposent pas sur le même type d’engagement. Dans un cas, ce fut  pour une quête de « liberté et fraternité » que les héros, y compris anonymes, de la Résistance donnèrent leur vie. Dans l’autre, et à travers une perversité de langage proche de l’obscène, c’est la cause de « Time is Money » qui est défendue. Il faut être naïf, cynique, ou les deux à la fois, pour croire que cette pilule là pourra passer !

 (1)A piétiner et à mettre en prison, comme les« résistants » d’aujourd’hui qui aident et abritent les migrants et qui subissent, quels que procès qu'on leur fasse, l'odieuse interprétation de Castaner et le  délire des forces d‘extrême droite.

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