La Régence d’Alger naît au début du XVIe siècle pour se constituer en une sorte d’Etat- gouvernorat autonome au sein de l’Empire ottoman. Basée principalement sur le littoral et les contrées du grand Alger, elle administre un ensemble de peuples autochtones composant une société multiculturelle dont l’histoire fut jalonnée de rencontres conflictuelles entre plusieurs mondes.
Jusqu’aux premiers jours de la Révolution française, La Régence bénéficie des divers échanges commerciaux et culturels liés à son importante façade méditerranéenne. Contrôlant la « guerre de course » et la piraterie, elle prospère économiquement et gagne en influence, grâce notamment à une armée de janissaires, progressivement affranchie de l’Empire ottoman.
Cependant, au tournant du siècle, la Régence est doublement déstabilisée. Elle doit, à la fois, faire face à une perte de cohésion politique et sociale- dans son administration et son territoire-, et à l’absence de remboursement des dettes importantes contractées par la France à son égard. Plutôt que de rembourser, l’État français choisit de faire main basse sur les richesses de la Régence et part à sa conquête en juin 1830.
Cette conquête se réalise en lien avec de riches industriels français qui obtiendront un retour sur investissement conséquent grâce au pillage du trésor d’Alger. Un pillage qui restera secret pendant plus d’un siècle. Cependant, dès les premiers jours de l’invasion française, les « Algériens » vont entrer en résistance. Pendant 15 ans, cette résistance, ingénieuse et déterminée, sera conduite par l’Émir Abd el-Kader jusqu’à son abdication en 1847.
Durant cette période, la France parvient à poser les bases d’une colonisation de peuplement qui fut rendue possible par l’emploi d’une force militaire redoutable, d’outils bureaucratiques oppressifs et d’une instrumentalisation particulière des femmes. Une colonisation qui se développa sur la base d’une idéologie « de progrès » issue des fondateurs du socialisme, les saint-simoniens et autres fouriéristes, qui apportèrent ainsi leur pierre à l’édifice colonial.
Le visage et la nature de cette colonisation n’aurait pu être exactement la même si, à la même époque, un industrialisme puissant, main dans la main avec l’État français, n’avait pas remodelé les rapports sociaux des communautés paysannes en France, en opposition à leurs manières de vivre, à leur intelligence pour gérer leur environnement. Un bouleversement des modes de vie créant de futurs colons.
Face à cette attaque systémique, des résistances populaires vont voir le jour. Une « guerre des Demoiselles » aura lieu dans les campagnes françaises, marquant l’opposition des paysans à la fin des biens communaux. Et dans les villes, des travailleurs se révoltent en masse contre leur déqualification, prenant conscience de leur condition d’exploités et de leur nouvelle identité de prolétaires.
De la guerre des Demoiselles à la reddition d’Abd el-Kader, la conquête de l’Algérie ne cache peut-être qu’une seule et même logique: celle d’un développement industriel axé sur une recherche constante de profit et un modèle de mutations socio économiques se prétendant universel. Une sorte de synergie, de concordance entre les transformations connues en métropole et la colonisation de l’Algérie.
Auteurs: Romain Bonnel, François Cerutti. Caen, le 07/09/2020