Adèle47

Abonné·e de Mediapart

106 Billets

0 Édition

Billet de blog 14 août 2015

Adèle47

Abonné·e de Mediapart

PARIS-PLAGE II SUITE ET FIN

Adèle47

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 « Ordre, calme et circulez ! ». Tout est bien autour de Paris-Plage ce 13 août. Magnifiquement organisé.  Les flics sont sympas et vous indiquent la marche à suivre : « Oui, juste entre ces deux ponts, madame, oui c’est juste là, le Paris Tel-Aviv, après c’est libre !  Mais  vous ne pouvez longer les quais. Faut faire un gros détour. Non, même le quai aux fleurs, de l’autre côté du fleuve, est barré, désolé.»  Vraiment sympas ces gars en uniformes, drôlement professionnels, mais rien à faire pour obtenir leur avis sur ce qui se passe, service oblige.

Pour une fois, le rôle de touriste me va bien. Faire la bécassine presque en bas de chez moi a quelque chose de savoureux. Les touristes, les vrais, semblent un peu perdus. 

Je baguenaude le sourire aux lèvres dans ce qui m’est octroyé comme espace libre, m’informant de ci,  delà : « Ah, bon, il y a eu une petite échauffourée sur la place de l’Hôtel de ville ?! Et entre qui et qui ? Et c’est pour cela que ces messieurs- dames ne peuvent pas distribuer leurs tracts au coin du pont ? Ah, bon pour leur sécurité ! » La réponse  à la policière fort gênée ne se fait pas attendre : «  J’ai 75 ans, Madame, et depuis,  l’âge de 5 ans, j’ai appris le danger. Alors ce n’est pas un tract dénonçant  cette invitation Paris Tel-Aviv qui me mettra dans l’insécurité ». Devant l’insistance polie des forces de l’ordre, j’ai cru voir disparaître le petit groupe aux cheveux blancs, risquant d’être refoulés tout comme ces jeunes portant Keffiah sur le trottoir d’en face. Mais la dame s’est maintenue à son poste. Je n’ai pas osé lui demander si, par hasard, elle parlait de son destin pendant la guerre.

 Un peu plus loin, on interviewe, on scrute. Mais où sont donc ces vilains affreux qui auraient le mauvais goût de vouloir perturber la sage file d’attente avec fouille minutieuse des sacs et des poches au check-point-sur-Seine, seule condition d’accès au territoire réservé ? 5OO flics pour ces deux petits rectangles sur les berges entre le Pont au Change et le pont Notre-Dame ? Dame, on ne lésine pas ! Difficile d’évaluer combien de tendres et déterminés amoureux d’Israël s’agglutinent ainsi sur les berges entre trois arches rapprochées. Cela  fait tout drôle de les voir si minuscules du haut des quais et des ponts déserts. Ils ont tant besoin de montrer leur affection qu’ils se sont fabriqué un petit ghetto sur Seine. Franchement, c’est ridicule et même un peu minable avec cette musique de champ de foire. C’est pas Yehudi Menuhim qui l’aurait apprécié!

Mais bon, on est en démocratie et l’on a bien le droit d’affirmer son soutien inconditionnel à un Etat colonial, quitte à utiliser les finances publiques pour ce seul usage, à s’octroyer le droit d‘occuper l’espace public au détriment d’autrui, tout comme là-bas sur les collines des territoires occupés illégalement depuis 1967.  Et puis ici en France, après tout, nous sommes de plus en plus souvent amenés à vivre sous le fait du prince ! Alors qu’à cette occasion,  cela prenne une allure d’état de siège dérisoire, c’est pas si grave. Du moment que dans les hautes instances, tout est bon pour affirmer son pouvoir.

 uant à moi pourquoi irais-je me plaindre ? Je ne suis pas une palestinienne, je n’ai pas de haut mur à contourner pour me rendre à l’hôpital, l’Hôtel-Dieu, malgré le détour, m’est tout à fait accessible, et sans montrer 15 fois mes papiers aux check points. Je ne suis pas emprisonnée entre la mer et le désert comme à Gaza, je ne reçois rien sur ma tête, et mon immeuble est toujours debout. Je ne traverse pas des champs aux plantations arrachées, aux cultures dévastées et, dans mon sac, il y a une petite bouteille d’eau que je peux faire remplir dans n’importe quel bistrot.
O surprise, l’inconscient a parfois du bon : j’ai fourré dans mon petit sac à dos un livre minuscule, histoire de ne pas m’alourdir, collection Rivages poche, attrapé au dernier moment avant de fermer ma porte : «Le détachement et autres textes, Maitre Eckhart ». Yahvé, Allah, Vishnou ont guidé mon choix… Alors j’ai pensé au Tsimsoun, au grand retrait, et je me suis mise à l’écart de cette mascarade, passant  au loin sur l’autre rive.

                                                       Adèle.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.