Adèle47

Abonné·e de Mediapart

103 Billets

0 Édition

Billet de blog 16 septembre 2025

Adèle47

Abonné·e de Mediapart

A propos de Raphaël Enthoven et de la liberté d’expression.

Il y a de quoi être sidéré à entendre les propos  tenus par  monseigneur Enthoven lors du récent entretien  qu’il a accordé à la chaîne Mosaïque, à la suite d’un premier refus de le voir participer au festival littéraire de Besançon. Une demande avortée, tentée par d’affreux méchants, qui n’a pu aboutir au nom de la sacro-sainte liberté d’expression… à géométrie variable comme il se doit.

Adèle47

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  On n’appartient pas au sérail, à la caste du pouvoir pour des prunes. Si d’aventure, on ose porter atteinte au sans limites qui est propre à cette catégorie de citoyens, on doit s’attendre à voir tomber la foudre. Mais ce n’est pas la voie choisie par Raphaël Enthoven. Malgré sa rapide réintégration au sein d’un salon littéraire qui entend respecter le bon ordre républicain - n’admettant aucune censure, tiens donc !-il fait un choix  fort à la mode, bien plus propice à la compassion: être la grande victime.

En hors d’oeuvre à ce qu’il aura le toupet d’asséner lors de son interview, il fait donc état, de prime abord, de l’extrême violence qu’il aurait subie et endurée tant et plus à travers ce refus.  Il est vrai que sa seigneurie ne connaît pas la vraie violence exercée à l’égard de celles et ceux qui,  quotidiennement, subissent celle de l’exploitation et de l’atteinte profonde à leur dignité. La sienne a failli être bafouée.. Dieux, quelle profanation, quel crime de lèse-majesté ! Les grands bourgeois offusqués sont toujours  sincères  lorsqu’ils découvrent qu’on peut porter atteinte à leurs privilèges et que leur légitimité risque d’être sérieusement mise en cause.

 Les positions de Monsieur Enthoven sont connues et claires depuis longtemps. Sans coup férir, il n'a montré aucune gêne à entériner la politique génocidaire de l’Etat d’Israël sous le prétexte trop répandu du « choc existentiel » du 7 octobre- qui bien sûr ne connaîtrait « aucune causalité »- et du droit d’un petit pays à se défendre. Position qu’il continue à défendre, bec et ongles, au cours d’un entretien qui résonne de mille manières autour de sa noble  personne. Car enfin, n’a-t-il pas présenté des excuses pour avoir, par "maladresse », qualifié tous les journalistes de Gaza de tueurs et de terroristes ? Outre qu’il faille douter de la maladresse d’expression d’un philosophe rompu à la rhétorique argumentaire, capable de roueries politiques ultra sophistiquées, la suite de l’entretien montre combien ce demi « repentir »  n’est que de la poudre aux yeux, préparant les auditeurs à avaler les couleuvres qui vont suivre. Façon également de s’assurer un crédit médiatique plutôt difficile à maintenir lorsque s’impose la réalité des crimes commis à Gaza et en Cisjordanie.

L’acmée de ce pseudo repentir se conclut par cette déclaration sur l’utilisation du terme de génocide : "le  plus spectaculaire mensonge du 21ème siècle » !  Aurait-il le culot  de prétendre cela à la face des historiens, journalistes et diplomates israéliens capables de démontrer le contraire ?  A l’entendre mener rondement son affaire, à coups d’affirmations énoncées sans aucune preuve tangible, mais d’une voix mesurée, délicatement articulée -rien à voir avec la grossièreté, la vulgarité  de certains autres sayanim, on pourrait s’y laisser prendre. Un sayan de haute volée, un agent de propagande sioniste à faire rêver ! Et tenant des propos ahurissants sans barguigner.

 In fine, Raphaël Enthoven, qui n’a même pas la reconnaissance du ventre,  devrait plutôt remercier tous ses détracteurs et la ville de Besançon. Oser vouloir refuser sa présence ? Y avoir même un instant songé ? Une magnifique occasion d’exhiber davantage, avec élégante  fermeté et certitude, son négationnisme politique, en dépit de ce qui se déroule depuis deux ans sous nos yeux. Ses capacités et son bagout philosophiques ne s’arrêtent pas là. Il sait faire preuve de la plus perverse pratique rhétorique pour retourner le gant : ce sont les forces progressistes et les appels au cessez-le-feu( pas toujours de gauche d’ailleurs- de Villepin, de Courson, par exemple) qui sont accusés,  dans une incroyable inversion de réalités, de commettre les mensonges et les fake news pratiqués par les dirigeants sionistes et leurs alliés.

  Faut-il rappeler que Monsieur Enthoven,  outre des origines familiales néocoloniales, une appartenance à une classe sociale ultra-favorisée, avec l’habitude et l’habitus de nous soumettre, parfois avec maestria, au diktat de sa parole, se trouve être, de surcroît,  le compagnon de l’actuelle directrice de France Inter ? Une chaîne de radio publique qui censure  les auteurs critiques de la politique israélienne et qui grâce à sa nouvelle directrice  va jusqu’à mettre hors jeu et licencier des rédacteurs s’ils s’éloignent, un tant soit peu, de leur rôle de chiens de garde. Et qui persévère, en dépit des protestations des salariés de la radio* comme de l’opinion internationale qui manifeste, avec ampleur à présent, sa réprobation à l'égard de l’impunité d’un état et d’un gouvernement dont le caractère fasciste n’est plus à démontrer.

 L’argument « pas de censure intellectuelle- pas de censure de la pensée » représente en soi une réelle volonté démocratique, mais il ne tient plus guère face à une nouvelle forme de fascisme, doté d’un cynisme sans bornes, qui ne lésine pas pour accommoder la réalité à sa sauce. Un argument en trous de gruyère devenu un cache-misère qui permet aux bien placés et bien pensants de se dédouaner de toute responsabilité.

 Pourtant, nous sommes toutes et tous responsables de ce qui se joue à Gaza et nous aurons à en rendre compte d’ici peu, quels que soient les arguties déployées, les tours de passe-passe et les mensonges de nos «  intellectuels » patentés, grands collabos d’une œuvre de destruction massive, d’assassinats et de meurtres incessants.

 Il nous faut donc rappeler le cri de Norman Finkelstain qui, comme  certaines et certains d’entre nous, est fils d’une survivante du nazisme : « Je crache sur tous ceux qui condamnent la révolte du camp de concentration de Gaza ».

Qu’importe si de tels propos semblent un peu outranciers et s’il n’est pas toujours opportun  d’établir de telles comparaisons, irrecevables pour tous ceux qui, comme le CRIF et M. Enthoven, tiennent comme à la prunelle de leurs yeux à garder bien au chaud leur statut établi d’éternelle victime ! Nombre  d’israéliens et des milliers de juifs diasporiques de par le monde, pour qui être juif signifie encore quelque chose, s’y rallient de fait !

 Ce cri, rendu jusque hier inaudible en raison de la censure occidentale qui se contrefiche de la liberté d’expression, ne pourra plus être mis sous le boisseau devant la gravité du sort que connaît le peuple palestinien,  l’absence de toute réelle décision des puissances internationales pour mettre fin et à leur calvaire et à la marche mortifère imposée au Proche- Orient.

Plutôt que de pleurnicher sur l’éventuelle perte d’un podium et d’une atteinte à son petit narcissisme,  il nous paraît crucial  de  faire tout ce qui est en notre pouvoir pour tenter enrayer, à quelque échelle que ce soit, l’actuelle folie meurtrière qui mène la danse depuis trop longtemps.  A défaut de cet engagement, la liberté d’expression n’est plus qu’un vain mot !

Adèle 47 et Collectif pour une parole libre et non faussée.

 *  Wikipedia : « Adèle Van Reeth est visée le 11 juillet 2024 par une motion de défiance signée par 80 % des 95 titulaires constituant la rédaction comprenant des chefs de service et des rédacteurs en chef[41]. Ceux-ci dénoncent plusieurs « décisions incompréhensibles prises par la directrice de France Inter ces derniers mois » » et l’impossibilité à « continuer à lui faire confiance pour diriger ».

Adèle 47 & Collectif pour une parole libre et non faussée.

*  Wikipedia : « Adèle Van Reeth est visée le 11 juillet 2024 par une motion de défiance signée par 80 % des 95 titulaires constituant la rédaction comprenant des chefs de service et des rédacteurs en chef[41]. Ceux-ci dénoncent plusieurs « décisions incompréhensibles prises par la directrice de France Inter ces derniers mois » » et l’impossibilité à « continuer à lui faire confiance pour diriger ».

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.