Les foudres risquent de tomber sur l'auteur d'une telle comparaison, pour qui certains proposeraient une relégation au ban de l'infamie. Quoiqu'il en soit, l’analogie entre deux évènements majeurs et tragiques est trop frappante pour ne pas être examinée. Certes, ils comportent une différence fondamentale: sous le nazisme, un génocide total sans condition, qui s’est renouvelé, par exemple, au Rwanda, et pour la Palestine, un génocide qui laisse une porte de sortie… dans le désert! Mais n'assiste-t-on pas à un même phénomène d’acharnement pour annihiler un peuple, sa culture et sa raison d’être? Les mêmes causes ne produisent-elles pas souvent les mêmes effets ?
Peuvent s’inscrire au tableau: des humiliations provoquant le goût de la vengeance, le désir de revanche, une volonté d’en découdre sans limites jusqu’à des formes variées et cyniques d’extermination, des pratiques de cruautés sadiques, au travers une moderne et industrielle barbarie. Apparaissent aussi dans le paysage, l’affirmation d’un besoin d’espace vital justifiant l’occupation illégale de territoires, l’obsession d’une pureté et d’une suprématie de la race ou de l’ethnie, l’effacement de toute altérité, l’immanquable sentiment d’avoir raison, et pour recouvrir le tout, l’usage immodéré d’euphémismes et de mensonges réitérés. Enfin, plus spectaculaire, le déni de réalité pour soi et face aux autres. Ne pas vouloir savoir, tout en sachant. Effacement et dissimulation, ignorance volontaire et forclusion obligatoire pour persévérer. Combien est claquemurée, de façon redoutable, la « zone d’intérêt », combien est courte et aveugle la conscience de la plupart des Israéliens !
D’autres ingrédients manqueraient à l’appel que ça ne changerait pas grand-chose, une fois ajustés les caractères spécifiques de chaque génocide. L’essentiel se retrouve dans le fond de la marmite. A quelques variations près. La façon d’aromatiser, d’utiliser les épices, d’en augmenter la variété, ne change pas la nature du plat. Avec presque 80 ans d’écart, le voilà moins classique, pas tout à fait orthodoxe ni identique au modèle original. Mais enrichi de raffinements supplémentaires (gaz au phosphore, caterpillar D9, bombardements ciblés, destruction à distance de pagers-bippers pour ne donner que quelques exemples) il a démultiplié son potentiel de réussite .
Des technologies dernier cri ( missiles allemands V1- V2, armes de représailles IA de la silicone valley israélienne) aux manières sophistiquée de commettre des crimes contre l’humanité, des méthodes perfectionnées pour endoctriner une nation aux discours de justification pour endormir les consciences, il s’agit toujours des mêmes agissements hors normes, quitte à envoyer au charbon une jeunesse plus ou moins préparée à ce qui l’attend : domination violente, torture et punition collective, cruautés infinies et déshumanisation, emploi de procédés massifs pour écraser toute résistance et renvoyer « l’ennemi » au néant.
La vraie différence, avec ses contingences historiques, tient plutôt à une autre composante.
Après avoir déclaré « Plutôt Hitler que le front populaire » l’Occident, Europe et Etats-Unis, se sont décidés, devant tant de prétentions et de dégâts, à combattre le fascisme nazi, non sans l’avoir laissé faire trop longtemps. Aujourd’hui, les grands amis d’Israël soutiennent inconditionnellement un pays qui se livre à de semblables folies meurtrières, lui consentent royalties et armement, lui laissent le champ libre pour mener sa propagande. Ils l’aident même à la démultiplier, cette guerrière et euphémique Hasbara , en offrant à ses agents chargés de mener la campagne idéologique, les plus fortes audiences médiatiques, spécialement en France. Sans désemparer, ils en reprennent les termes, les arguties et fake news, quelle qu’en soit le degré de vulgarité, de bêtise et de contre- vérités. Une promotion en béton, au nom du précieux mantra « sus à l’antisémitisme ! » bien sûr. Sans oublier la répression de toute forme de protestation, de contestation, jusqu’au port d’un keffieh ou d’un insigne. Avions-nous vu pareils déploiements pour promouvoir les desseins nazis et justifier par exemple l’occupation de la Pologne, de la Tchécoslovaquie ?
Imaginons les USA en 1942- ils ont tardé à se bouger les champions de la démocratie !- disant à la France occupée « Respectez le régime de Vichy, s’il vous plaît, cessez toute résistance et démantelez tous vos maquis. Vous devez arrêter tout acte de terrorisme à l’égard des dignitaires allemands et des troupes de la Wehrmacht. Et arrêtez de protéger et de cacher des familles et enfants juifs, sinon c’est vous qui allez être punis. Nous, nous allons nous occuper de négocier avec les occupants pour soulager un peu vos conditions de vie, augmenter vos tickets de rationnement et faire libérer quelques prisonniers sous la torture, notamment dans la tristement célèbre prison de Lyon".
Le non-respect du droit international, avec double jeu concernant les décisions de la CIJ et CIP, l’interdiction de diverses conférences jusqu’à cette annulation ministérielle du colloque « Palestine- Europe » dans l’enceinte de l’établissement universitaire le plus prestigieux de l’hexagone, le Collège de France, et, en même temps, la tenue au Sénat d’un colloque entièrement pro-sioniste *, ne démontrent qu’une chose : soutenir, maintenir le dernier colonialisme de la planète, en accepter la féroce volonté, et, sous le déguisement de "défense" et sécurité, ne surtout pas le reconnaître.
Sans tomber dans les travers des Indigènes de la République, qui n’ont à la boutonnière que le colonialisme comme Israël la Shoah, cette non- reconnaissance de la nature coloniale du sionisme reste le point d’achoppement de toute la « tragi-comédie ». Au prétexte que l’acte colonial s’est accompagné, il est vrai, d’une volonté d’émancipation nationale pour une population trop longtemps opprimée. Qui a considéré la terre qu’elle allait conquérir vide d’habitants. En réalité, ces derniers seront utilisés, dans un premier temps, comme main-d’œuvre locale à bon marché, puis comme des empêcheurs de tourner en rond à éliminer physiquement. Entre la déclaration Balfour de 1917, la Nakba de 1948, la guerre d’occupation de 1967, le massacre de Sabra et Chatila en 82, la répression des Intifada, et d’autres agressions, notamment celles de 2008 et 2016, on a eu le temps de perfectionner la violence de domination.
Imaginons, aussi, les Alliés en train de nous dire « Mais non, l’hitlérisme et le fascisme nazi, ne sont pas si terribles que ça. Ils ont même de bons côtés. Nettoyer l’Europe d’une engeance douteuse, les juifs et tous ces moins que rien d’handicapés mentaux, de roms et de tsiganes, c’est chouette quand même ! On va respirer un peu. Et puis, faut les comprendre : l’humiliation du traité de Versailles, la crise économique de 29, le manque d’espace pour faire prospérer de hautes capacités industrielles, des méthodes de gestion nec plus ultra, l’amour du travail bien fait, la rigueur et le sens de la discipline, la faculté de tout bien contrôler dans chaque tête blonde, voyons, on a tout à y gagner !»
Un pays occidentalisé et ses promesses tenues en matière de renseignements, de technologies militaires high tech, avec un mode de vie « comme chez nous » en plein milieu d’une contrée peuplée » d’arabe » n’est ni à dénigrer, ni à combattre, même si se commettent quelques grosses, grosses « bavures » !
On ne compte plus les Himalaya de tartufferies, comme la récente rencontre Macron - Mahmoud Abbas, les désirs proclamés de paix, une paix sans justice ni reconnaissance de l’ensemble des droits d’un peuple à son auto-détermination. On décide à sa place, on lui trace le chemin à prendre, il n’a plus qu’à s’exécuter vite fait, bien fait!
Mutatis mutandis, ne pouvons-nous pas entrevoir tout cela ? Pas besoin de théories du complot, de pseudo trouvailles sur « l’Etat profond », de hurlements - parfois antisémites, il faut le reconnaître- contre un lobby sioniste qui existe bel et bien, mais non « détaché de son contexte », son rôle de grand pion occidental fiché en plein Moyen- Orient. Pas besoin non plus, à l’autre pôle, des accents pathétiques de nouveaux philosémites et de leur vieille culpabilité à l’égard de l’antijudaïsme européen, une culpabilité qui n’englobe pas le sort tragique des migrants ….
Si on ne combat pas la peste brune d’aujourd’hui, si on la soutient et la justifie, c’est simple, clair et limpide, malgré tous les moyens employés pour camoufler la logique en cours. Le capitalisme veut ça, a besoin de ça, point barre. Il a besoin de se renforcer, de recourir à la guerre, aux malversations, aux mensonges, à des destructions massives quand les contradictions inhérentes à sa nature l’y obligent. Mais il ne peut pas rester éternellement en crise, le capitalisme, il doit «gérer » manager, et rondement.
Avec plus de huit milliards d’êtres humains, on peut en sacrifier quelques millions et comptabiliser les dégâts en terme de perte et profits. Ukraine, Soudan etc… Difficultés avec le canal de Suez et celui de Panama ? Allez on trace de nouvelles routes pour la prospérité du commerce international, on profite du changement climatique pour extraire des ressources minières énergétiques dans de nouvelles zones inexploitées, on renouvelle l’intendance et la logistique. On crée et invente de nouvelles technologies civiles et militaires pour y parvenir et assurer son expansion et sa totale domination. Toutes ces catastrophes sont de nouvelles pages blanches que le capitalisme, glorieux comme il l’est, est capable de remplir ! Faut le comprendre le capitalisme, c’est pas de tout repos. Normal qu’il ait besoin d’un pognon de dingue pour se relaxer un peu! Il prend des risques hénormes ! Faut pas venir chipoter sur les plus values qu’il réalise, c’est la moindre des choses quand on a sur le dos de telles responsabilités. Faut pas l’obliger à passer à la caisse en termes d’impôts et d’égalité fiscale, ni avec la taxe Zucman ni avec rien. On n’écoute pas assez ce qu’il dit, le capitalisme, et ça fatigue de braves petits gars comme Macron. Voyez comme il a perdu ses belles joues rondes, son sourire de premier de la classe, il prend des rides, ses cheveux blanchissent. Ayez pitié de tous ces ambassadeurs en mission, capables de monter au front, de tenir tête à toute opposition.
Ben alors, on baisse les bras, on abandonne toute velléité de stopper une extermination, fût-elle conduite par paliers successifs, et on se soigne de cette grave maladie de « palestinisme » comme l’indiquent un collectif de doctes personnages aux spécialités diffuses ?
Ben non. On ne renonce pas. Non à cause d’un moralisme petit bourgeois, d’un propre sur soi à la mode bobo écolo, d’une charité chrétienne bien ordonnée, mais en raison d’une éthique sans laquelle nous sommes moins que des vers de terre.
En raison ce que rapportèrent des survivants de Buchenwald, camp de concentration au fort taux de déportés politiques qui s’étaient organisés et avaient quelques moyens d’accès aux nouvelles du Front : « Nous étions accrochés à la moindre information qui pouvait nous parvenir. A chaque défaite nazie, à chaque avancée des soviétiques et des Alliés, nous reprenions courage et la force de rester en vie ». Les paroles prononcées par les joueurs de foot palestiniens invités à concourir à Bilbao, quittant pour la première fois la terre de Palestine, y font écho et résonnent fort sans qu’aucun devoir de mémoire y oblige !
Coiffés d’un béret basque, souriants, émus, que disent-ils ces « terroristes » de palestiniens au journaliste de l’Equipe, ce 15 novembre? « C’est incroyable, on reçoit tellement d'amour ici, ça nous touche énormément…Vous vous rendez compte ? Nous allons jouer en Europe pour la première fois, alors que nous traversons les heures les plus sombres de notre histoire…. Dans l'équipe, nous avons des joueurs qui ont perdu des membres de leur famille, d'autres dont les maisons ont été totalement détruites, certains qui n'ont plus de nouvelles de leurs proches. Pour eux, c'est un honneur immense d'être ici. »
Alors non, pas question de baisser les bras, ce d’autant moins qu’on a autorisé de vieux souchiens de fascistes français à célébrer le sieur Pétain à Verdun! Pétain, le brave « résistant »de la guerre 14-18, le grand collabo avec l’occupant, grâce à qui nombre de juives et juifs de France, nombre de patriotes résistants de toutes obédiences politiques doivent d’avoir connu la mort en direct. Imaginons le grand sourire d’Eric Zemour !
Imaginons : plutôt que d'assister au meurtre d'un frère humain, quel qu’il soit, qui fait jouir de nombreux malades du cerveau, nous réussissions, nous qui sommes plus nombreux, à obtenir une paix digne de ce nom. Question de persévérance !
Imaginons, tout simplement, que nous saurons faire comme cette famille juive, démembrée, mutilée par la guerre qui répond une fois de plus à la vieille dame solitaire, qui frappe à la porte : Mais entrez Madame !
Adèle 47
* Le Sénat vient d’accueillir, avec la discrétion qui lui sied, un colloque financé par Israël à hauteur de 27 000 euros, parait-il, colloque organisé par la superbe lobbyiste agence de voyage Elnet, offrant à nos chers ministres, députés et présidente d’Assemblée nationale des voyages en Israël, tous frais payés.