Notre Jupiter a de quoi être ravi : il est sûr de gagner puisque ça ne dérange pas une large partie de la gauche qui agite, encore une fois et pour de bonnes raisons, le chiffon rouge du danger fasciste. Que ce soit du déjà vu, notamment en se faisant gruger lors de l’élection de Chirac, ne semble gêner personne ! Que le taux d’abstentions grimpe plus encore, que le vote blanc passe toujours pour un vote nul sans être pris en compte, cela laisse indifférent ou presque. La mascarade électorale peut continuer à battre son plein.
Ne serait-il pas temps de s’interroger sur l’apparent manque de discernement d’organisations et de candidats politiques dont l’angle de vue s’est rétréci au point de jouer avec le diable, au nom de principes tous plus beaux et respectables les uns que les autres ?
Ne pas laisser s’effacer du paysage politique un parti historique pour le PCF qui persévère, du moins en partie, à défendre les intérêts des exploités, des opprimés tout en laissant croire qu’un jour de grève, une manif’ ici ou là pourraient changer la donne ! Et tout en dénonçant le greenwashing , mais en le provoquant indirectement, les écolos se gardent bien de remettre en cause l’entièreté d’un système qui provoque les catastrophes actuelles et à venir. Quant aux groupes d’extrême gauche, s’ils veulent honorablement continuer à faire sortir de son abyssal silence les méfaits du capitalisme, ils demeurent toujours enfermés, immuables, stoïques, dans un entre soi pour initiés.
Le résultat ne saurait se faire attendre. On abandonne ainsi un peuple qui souffre aux griffes du néo libéralisme, toujours apte à faire entendre les sirènes du fascisme quand c’est nécessaire. Un peuple qui, par désespoir et aveuglement, est prêt à voter extrême droite dans l’ultime illusion de pouvoir s’en sortir.
Il est souvent dit et redit que toute cette débandade électorale tient à une préoccupation majeure : préserver ses petites plate- bandes remplies d’engrais narcissiques, protéger de secrets jardinets arrosés de lubrifiants garants de mini pouvoirs. Il faudrait peut-être entrevoir plus avant : la gauche n’était-elle pas, à sa manière, atteinte du syndrome de Stockholm ?
Nous le savons fort bien aujourd’hui : la grande bourgeoisie et le grand « Kapital », savent fort bien « se collectiviser »* pour préserver leurs intérêts; l’effritement des appareils de droite classique ne change rien à l’affaire. Pourquoi la gauche n’y arrive-t-elle pas, et depuis si longtemps ? Une incapacité à dépasser la division que les dominants savent si bien entretenir ? Une fascination pour sa propre servitude, pour sa propre aliénation, bien plus grande dans les couches « éduquées et cultivées» comme le désignait Virginia Woolf ?
Oui, nous sommes tristes, en rage, quand tout semble se jouer à un point et demi près, et nous sommes restés un temps sidérés par le mauvais vouloir de ceux dont les valeurs ou les sensibilités nous sont communes. Le résultat de ce premier tour d’élection, somme toute, était prévisible, mais pas ainsi !...au vu de résultats qui montrent que la maladie infantile et infantilisante de la gauche, n’est pas celle de millions d’électeurs. Qu’ils aient, encore une fois, été piégés de la sorte ne les empêchera pas de faire front pour rappeler haut et fort à quoi ils tiennent et pour redire qu’il faut se démettre de toute soumission…quelle que soit la conclusion du 2° tour !
Adèle 47
* Expression d’une grande justesse ironique utilisée par les Pinçon-Charlot.