Sans trop le vouloir, sans trop le savoir, du moins un temps, votre mouvement, Gilets jaunes, a révélé le dessous des cartes, aux faces toujours sombres, du pouvoir en place. Une mise à bas des masques qui vous a amené à effeuiller une à une les pelures d’oignons qui cachent la domination implacable d’une minorité- de riches- sur une majorité de pauvres ou de gens en voie de le devenir.
Aujourd’hui, voilà que vous faites une autre découverte : celle de la vie carcérale et d’un système pénitentiaire français connus à travers toute l’Europe pour être le plus répressif, le plus archaïque, et somme toute, proportionnellement inverse aux mérites de son régime de couverture sociale- obtenu, faut-il encore et encore le rappeler, par le sang versé durant plus d’un siècle et arraché de haute lutte par le Conseil National de la Résistance !
Oui, chers gilets jaunes, comme l’avaient depuis longtemps mentionné sociologues et médecins de l’Observatoire des prisons : « Si les prisons étaient faites pour les riches, ça se verrait » !
L’ordinaire des prisons ce ne sont pas les cellules pour VIP à la Tapie ; ce n’est pas être grassement nourris et logé aux frais de la princesse ; c’est être cantonné, oui, dans 9 m2, y compris à plusieurs, compte tenu du surpeuplement. La vie en prison, c’est dépendre de l’arbitraire qui y règne, plus ou moins en fonction des moyens réunis pour se défendre ou se faire un peu respecter. C’est dépendre du bon vouloir des surveillants (dont certains, jamais assez nombreux, préservent un peu d’éthique), c’est dépendre de l’administration- toujours débordée- pas toujours encline à recueillir les doléances ni même à appliquer un règlement pourtant affiché en bonne et due forme.
Etre enfermé, c’est subir dedans les mêmes lois d’airain que dehors : avoir les moyen de cantiner des suppléments à la nourriture, souvent infecte, mitonnée par des sous-traitants, pouvoir acheter à prix d’or (et pas celui du super marché) dentifrice, savonnette, fruits secs ou café digne de ce nom ; pouvoir se payer un bon avocat, savoir parler comme il faut devant un tribunal, savoir écrire et négocier pour obtenir un RV avec un médecin ou une assistante sociale. C’est aussi dedans, comme à Pôle emploi, attendre de longues semaines ou mois pour obtenir une place en atelier ou à des cours scolaires, à condition bien sûr, de montrer patte blanche, de savoir bien se tenir, d’être docile et surtout de ne pas faire des histoires. Vivre en prison, c’est apprendre à attendre, attendre…et à tenir le coup malgré la fatigue, la grande fatigue des humiliations quotidiennes.
On a plus le droit de fiche une fessée à un enfant sans peine d’être accusé d’harcèlement violent, mais en prison, les « punitions » vont bon train: plus de douche, plus de courrier, plus de transmission de dossier…et si récidive, alors le « mitard », lui, est là pour ça : à l’isolement complet le récalcitrant, et tant pis si on risque d’y devenir fou ou de succomber à une crise cardiaque !
Il est vrai, chers gilets jaunes, que la prison à la fin du 20° s. n’est quand même plus celle d’antan (quoique certaines soient toujours vétustes avec hébergement gracieux de rats). Non par mansuétude ou compassion mais parce qu’il y a eu dans les prisons du royaume de France, tout comme dehors, des émeutes et des rébellions collectives, en particulier dans les années 70, qui ont un tant soit peu amélioré les choses. De là à croire que les prisons modèles, toutes neuves et rutilantes de contrôle ininterrompu, soient de meilleure composition ! Demandez plutôt, chers gilets jaunes, à celles et ceux qui ont fréquenté Fleury Mérogis, par exemple, si les situations de parloir sont plus humaines et accueillantes, si les communications entre détenu(e)s sont plus tolérées…plus surveillées, c’est sûr !
Alors, après avoir mis à nu les mensonges médiatiques et sa censure, après avoir enduré les boniments des actions de com’ du gouvernement ( comme de ceux des corps dits intermédiaires, dont les directions syndicales) , après avoir surtout essuyé la répression policière et ses abus, voilà que votre courage vient aussi dévoiler à la face du grand public et citoyens de ce pays, ce que la France peut contenir de brutalité, d’injustices et d’inhumanité. Voilà que votre ignorance première et votre sorte d’innocence vous amène à faire entendre dehors l’indignité qui règne dedans la prison. Les détenus qui vous admirent et vous le font savoir ne s’y sont pas trompés : ils savent combien le regard porté par les « braves gens » pour condamner ceux du dedans, ne tient qu’à la croyance, répandue et obstinée, que dehors on vaque à ses affaires en toute liberté !
Que tout cela ne vous empêche pas, une prochaine fois, de vous protéger !