Quand surgira-t-il le miroir réfléchissant la face tâchée de sang des criminels qui, imperturbables, poursuivent leur génocide ?
Et quel autre miroir révèlera aux inconditionnels de l’Etat d’Israël l’image réelle de ce qu’il est devenu ? Des inconditionnels acharnés, hystérisés qui refusent de voir le visage fasciste de toute colonisation aux abois.
Ils surgiront peut-être plus tôt que prévu, ces révélateurs d'ignominie. N'en déplaise aux membres de l’honorable Cause « Shoah », qui se gardent bien de demander à leurs « frères » et sœurs d’Israël ou "grands amis", comment des descendants de victimes deviennent, vite fait bien fait, bourreaux. Ils sont pourtant aux premières loges pour nous instruire d'une telle métamorphose.
En premier lieu, aucune honte ne les habite. Ils sont sans vergogne et le prouvent. Les intentions, les volontés sont claires : Dégagez, fichez le camp, barrez-vous, ou vous serez exterminés ! Netanyahou et ses sbires l’ont dit, Trump l’a repris et des soldats rigolards, derrière leur mur de protection et celui de l’IA, font de même. Mieux vaut tout éradiquer, une bonne fois pour toutes, n’est-ce pas ? afin qu’aucun descendant palestinien ne puisse dire « Plus jamais ça ! ».
Au royaume du cynisme, de la prédation et de sa totale impunité, on assume. Du moment que perdurent le soutien et la complicité des grandes puissances occidentales, c’est bon. A l’instar du patronat européen, lors de la 2° guerre mondiale, ne l’oublions pas ! Il y a plusieurs façons d’exterminer. Surtout lorsqu’on a tiré leçon de tous les génocides de la planète et des exactions commises lors des guerres coloniales. Exterminer, de manière soft ou hard selon la situation, déporter une population, ça ne dérange pas les criminels de premier rang, ceux qui ordonnent et jouissent du ballet macabre depuis 19 mois.
Au royaume du show-biz politique, de la perversité qui nie tout et retourne le gant, on assume aussi. Il faut faire avaler la pilule ; ça risque d'en déranger quelques-uns. Il faut donc veiller, en même temps, dans un même mouvement, à renommer, requalifier les faits. Le fascisme commence là*. Pas question de nommer chat un chat, des fois que ça serait un jour condamné pour de bon. Des fois que la vox populi israélienne, la diaspora juive et une large part de l'opinion internationale se réveillent. Ce qui est en train de se produire depuis peu. " Enfin!" disent les invisibles, les inaudibles, bref, les « méchants », tous des antisémites, c'est bien connu!
Reste, au creux de cette guerre médiatique, à multiplier les tours de passe-passe et de prestidigitation, un peu à la manière Donald Trump, en plus raffiné, sophistiqué, il est vrai. Ça doit surtout servir de boîte à outils aux serviteurs imperturbables de l’euphémique Hasbara, la « campagne d’information» israélienne ». Juifs et non juifs, et la cohorte de recyclés en philosémitisme ardent, sont sur la sellette. La réalité des faits est de plus en plus difficile à masquer. En plein boulot, ils sont, et d‘autant plus virulents qu’ils se drapent, telles les ligues de haute vertu, dans le combat contre l'antisémitisme.
Obsédés par sa progression, prêts à voir surgir la nuit de Krystal au coin des rues, tablant sur des chiffres qui mêlent le vrai et le faux avec des recensements qui fonctionnent comme du Canada dry, des citoyens juifs de France retroussent chaque jour un peu plus leurs manches. Et quand on est plutôt institutionnels et célèbres, ça aide. Allons-y pour des Tract- Gallimard, pour faire « Tribune » dans Le Monde qui se dépêche de publier une pétition entretenant la confusion entre antisionisme et antisémitisme, mais qui refuse tout droit de réponse, au prétexte qu’il n’y aurait plus de place dans le journal. Allons-y pour tenir sans cesse le crachoir sur les plateaux de télé, la main sur le cœur, l’esprit tendu vers les « chers otages », sans oublier de recourir aux falsifications historiques. Et de se fâcher quand on conteste un tant soit peu. Vous dites « résistance », mais c’est antisémite ! Vous dites création d’un Etat palestinien, mais vous voulez jeter tous les juifs à la mer ?! Que ces sensibles, ces délicats si bouleversés, ne s'inquiètent pas. Avec les projets immobiliers « Riviera », ils y seront bien …
Le calvaire d'un peuple qui affronte le pire parce qu'il ne veut pas quitter sa terre, est, lui, loin d'être terminé. Le nettoyage ethnique, la colonisation à marche forcée, commis à la barbe du Droit international se poursuivent. Voilà ce qui nous dérange, nous, les mécréants, les traîtres. ça nous empêche même de dormir de voir qu’on est en train de tout anéantir. Jusqu’à l’ombre d’un peuple qui a l‘audace de résister. Jusqu’à déchirer son nom en pulvérisant ses nouveaux- nés, jusqu’à détruire ses cimetières et la moindre trace de son passé historique… Ce qui n'empêche pas certains « bons juifs » franco-israéliens de se féliciter d’avoir entravé l‘entrée des camions humanitaires. Et de voir détruits l’un après l’autre les hôpitaux et les refuges de fortune. Vouloir faire de chaque palestinien, enfants compris, un « musulman » de camp de concentration qui se traîne à bout de force comme un fantôme avant de disparaître, ça s’appelle comment ?
Zut ! J’ai oublié, les comparaisons sont interdites ! Tombe le verdict de profanation ! Mais qui profane la mémoire de 6 millions de morts ? Qui rivalise de sadisme à petit ou grand feu avec les Palestiniens emprisonnés ? Est-ce le hasard si des milliers de réservistes, y compris des gradés, refusent de retourner à Gaza ? Ils ne vont pas en rave party ceux-là, ni au Brésil se faire bronzer en suivant les conseils du Mossad pour s’envoler vers des contrées riantes » de façon anonyme », en évitant même de parler hébreu.
Les refuzniks, à présent divers et variés, sont en choc post traumatiques, en déprime, comme tous les vétérans à qui l’on ordonne d’accomplir des missions indignes. On aura beau les soigner en des lieux spécialisés, la sale « guerre » en cours en produira chaque jour davantage. Tandis qu’ici, bien planqués, hors du front, des propos sucrés ou victimaires et agressifs, se tiennent. Histoire de légitimer un colonialisme sans limites, toujours au prétexte de la protection des juifs du monde entier.
Alors, oui, osons le dire : dans les camps nazis on servait de la soupe, sans quasi rien dedans, quelques légumes et patates pourries, mais au moins c’était de l’eau chaude dans le gosier une fois par jour. Dans les camps nazis, les boches, ayant la trouille des infections, on épouillait, on avait de l’eau pour se laver, et quand il s’agissait de faire disparaître, même de la façon la plus atroce, ça ne traînait pas !
Alors, oui, ça nous dérange de voir se dérouler chaque jour sous nos yeux l’agonie d’un peuple affamé, assoiffé, manquant de tout. Cet acharnement déborde à présent de Gaza pour se répandre en Cisjordanie et au sud Liban : on a besoin « d’espace vital » et de protéger les colons. On a le Far West que l’on peut! Mêmes techniques, mêmes résultats : massacre indifférencié d’êtres humains et d’animaux (les troupeaux de chèvres doivent appartenir, eux aussi, au Hamas), destruction des camps de réfugiés et champs de ruines pour les villages et l’agriculture.
L’impunité obscène d’un Etat qui prétend nous représenter, toutes et tous, juifs de la diaspora, voilà ce qui nous blesse. Et pas seulement « en raison de ce que nos parents ont vécu » comme l'affirme, par exemple, le CRIF d'Alsace, qui se sent « blessé » qu’on ose parler de la volonté d’exterminer le peuple palestinien !
Être soumis de manière incessante au mantra victimaire, qui vise à tout légitimer, a de quoi donner des hauts le cœur à n'importe qui. En particulier quand on est anciens enfants cachés ou enfants de déportés. Qui ont au moins appris une chose : le défaut d’altérité, cette incapacité à reconnaître l’autre comme son frère humain, mène droit au suicide. A la destruction de toute société.
Donnerait-on un couteau, une arme à un dément qui parcourt un hôpital à la poursuite de son « ennemi » ?
Le sionisme, jadis « glorieux », se prétendant humaniste, a gangrené les cœurs et les esprits. Du sabra cactus à l’écorce dure et au cœur tendre, il ne reste rien ou guère. De l’accueil de l’autre, mon frère étranger, rien non plus. Alors dites-nous, chers amis indéfectibles d’Israël, avec quoi le mot « juif » va-t-il bientôt rimer ? Le nationalisme exacerbé, le racisme sans vergogne, le délire de vengeance doivent-ils être le destin de notre judéité ?
Les protestations se multiplient- grève de la faim d’humanitaires, blocus de campus universitaires, journalistes mobilisés devant l'opéra Bastille, déclaration de députés juifs britannique, solidarités diverses... et de sérieuses fissures dans l’opinion publique israélienne. Qui demande non seulement le retour express des otages mais l’arrêt de toute « guerre », avec quelques rares mots de préoccupations pour les palestiniens, il est vrai. Néanmoins, elle perçoit, enfin, vers quelle pente suicidaire on l’entraîne.
Nous avons un devoir à l’égard d'un peuple qui ne fait pas que souffrir. Il résiste pour rester en vie et continue à parler de beauté à ses enfants : chanter, dessiner, danser, dans les pires conditions. Et croire, oui, assurément, à des lendemains possibles… Voilà bien ce que le gouvernement, l’armée et une part encore trop importante de la société israélienne ne peuvent supporter. Tandis que les voix de la contestation s’amplifient....
Peut-être que commencent à être entendus les propos tenus par Fatma Hassouna, photographe de 25 ans, partenaire du film Put Your Soul on Your Hand and Walk présenté à la sélection de l’Acid au Festival de Cannes, et tuée le 16 avril à Gaza en même temps que 10 autres personnes: « Quoiqu’ils fassent ils ne pourront pas nous vaincre». Pourquoi lui demande sa partenaire de film : « Parce que nous n’avons rien à perdre. »
Qu’hommage lui soit ici rendu.
Adèle 47
* Victor Klemperer , La Lingue Tertio Imperator- Orwell, 1984