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Billet de blog 27 janvier 2016

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La Kippa ? C’est dans la poche !

En quoi la seule kippa serait-elle gage de fidélité à une confession, signe de conviction religieuse ou garantie d’humanisme ?

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La Kippa ? C’est dans la poche !

 Depuis le geste meurtrier d'un jeune Marseillais, c'est à nouveau un déchaînement médiatiqueautour d'un couvre-chef dénommé "kippa". Son retrait ou son remplacement en n'importe quelle autre banale coiffe de tissu sonnerait le tocsin du judaïsme aux dires de M. Roger Cukierman, représentant  du CRIF, mais non de tous les juifs de France.

       Certes, et fort heureusement, tout un chacun peut, en toute liberté,porter la kippa, y compris dans l’espace public. Mais, en  l’occurrence, il nes’agit pas d’une affaire de droit. Il s’agit de savoir  si cette calotte, devenue emblématique, peut porter ou non atteinte à la vie, tout comme de savoir si son abandon porterait atteinte à la foi.

La loi judaïque sur le premier point est claire : tout juif, même pieux ou  simple pratiquant, a obligation de préserver la vie humaine avant tout, la sienne et celle d’autrui. La suprématie de ce « commandement » sur l’observance rigoureuse des pratiques cultuelles est telle qu’il est permis et même recommandé de se sustenter le jour du Grand Pardon (maladie, grossesse) comme de manger du cochon (en cas de pénurie grave) si cette dérogation permet de se maintenir en vie (même règle dans le Coran).

 Accepter aujourd’hui de remplacer temporairement la kippa, n’est donc pas un acte de soumission au terrorisme, ce n'est que l’application d’une prescription essentielle, en cas de force majeure (pikou’har nefesh), pour éviter de mettre sa vie en danger.

         La seule injonction religieuse faite aux juifs pratiquants est de se couvrir la tête en signe d’humilité devant la puissance de l’Eternel ; acte signant et signifiant, en même temps,  leur appartenance à la foi juive. Nul précepte biblique ou talmudique n’impose le port d’un unique et strict modèle de couvre-chef, pas plus de kippa que de chapeau ou de casquette.Sauf à assimiler les  divers usages en vogue à des commandements impérieux venus tout droit du ciel, le choix d’un couvre-chef relève bien plutôt des critères d’appartenance à tel ou tel groupe d’obédience, ou de lieu d’origine, et, en l’occurrence, aujourd’hui, à une volonté de marquer l’espace public d’une présence identitaire.

En quoi la seule kippa  serait-elle gage de fidélité à une confession, signe de conviction religieuse ou garantie d’humanisme ? Au  même titre que le niqkhab ?? Les juifs, de parle monde, portant chapeau ou casquette, seraient-ils moins pieux, ou moinshumanistes que des colons israéliens ultra-orthodoxes portant,  à l’instar des cow-boys américains, kippa et kalachnikov?

 Avons-nous besoin d’une kippa pour savoir comment enterrer nos morts ou respecter nos parents et leur mémoire ? Avons-nous besoin d’une kippa ou d’un voile pour défendre un peu de justice sur terre  et nous opposer à tout assassinat ou meurtre, surtout lorsqu’il est collectif et qu’il porte le nom de guerre ?

 Le port d’une kippa,  réservé avant tout aux enceintes privées et intimes, celle de la synagogue, de la yeshiva, de la maison, n'est qu'affaire de coutume et d’usage. Transformer sa valeur religieuse en « image » identitaire, en signe ostentatoire de démarcation proclamée dans l’espace public vient pervertir encore plus sa fonction. Elle projette dans l’espace public, et au regard de quiconque, l’affirmation (bien souvent fort arrogante) d’une judéité « conquérante » à rebours  d’une autre recommandation essentielle du judaïsme : l’humilité. 

         Incluse, notamment dans la notion de « Juste » comme dans celle du sage ou du savant, l’humilité demande, en particulier, que l’on transforme le droit en devoir, non en revendication, encore moins en  ornement provocateur et exhibitionniste,ensigne distinctif d’appartenance communautariste, voire en élément de concurrence religieuse.

On peut donc répondre à M. Cukierman et consorts que, oui, arrêter de porter la kippa (provisoirement ou définitivement) à l’extérieur des lieux consacrés, sonnera effectivement le glas de l’oubli d’une valeur juive parmi les plus hautes : celle de consentir à être Homme parmi les autres.

                                                         Adèle et Rachel.

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