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Billet de blog 31 janvier 2022

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Du champagne et des larmes

« La France est une fleur pour tout le monde. Pour les riches comme pour les pauvres. Les riches l’arrosent avec du champagne, les pauvres avec des larmes. »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

     N’en déplaise à l’extrême droite, d’aujourd’hui comme d’hier, ces mots ont été griffonnés au  dos d’une photo prise aux alentours de  la seconde guerre mondiale, par deux immigrés, joliment costumés , chapeautés, goûtant à sa juste mesure la réalité de notre beau pays « d’accueil ». 
Tout est dit ! Rien n’a changé… ou presque !
     Ce que pourraient confirmer, par exemple, les travailleurs émigrés (femmes et hommes) embauchés par la société de nettoyage Arc-en-Ciel, entreprise sous-traitante depuis février 2021 au sein d’une prestigieuse  université : Jussieu. 
La Présidence d’Université, donneuse d’ordre, déclare avoir ignoré les conditions d’embauche et sans s’inquiéter du fait qu’Arc-en-ciel, dés 2015, a été rappelée à la loi par l'inspection du travail sur le site universitaire de Denis Diderot (Paris 7).
Rêve-t-on ainsi de rejoindre sous peu le statut- ou plutôt le non statut - des travailleurs de Dubaï ! Qu’on en juge : 
-« salaires plafonnés au SMIC quelle que soit l'ancienneté, les qualifications 
- salarié.es malades ne percevant pas le complément obligatoire dû par l'employeur ni même parfois les indemnités journalières de maladie, l'entreprise n'envoyant pas la déclaration de salaire à la Sécurité sociale. 
- heures complémentaires (« supplémentaires » pour des salarié.es à temps partiel dans le privé) non majorées, comme le stipule la convention collective, allant jusqu’à être non payées.
- contrats de travail, ou avenants, non remis à certaines salariées en contravention avec la loi ou la convention collective ».  (1)
De là, une première grève en septembre 2021 pour « simplement faire respecter le droit du travail ». Droit qui doit s’appliquer en France, n’en déplaise aux éradicateurs de « migrants », quelle que soit leur nationalité ou leur origine « ethnique » !
 Janvier 2022 : l’entreprise sous- traitante n’a toujours pas respecté le protocole de reprise de travail, conclu entre grévistes et patronat le 23 septembre. De plus, elle a récemment tenté d’obliger les salarié(e)s à porter une pointeuse mobile qui alourdit leur charge de travail (rêve chinois pour le coup !). Sans oublier des licenciements de grévistes (vieille pratique hexagonale mais avec un net penchant anglo-saxon) ni de diviser les salarié(e)s selon leur origine. On a la mondialisation que l’on peut !
      Cette situation a conduit  les salarié(e)s à se remettre en grève le 17 janvier 2022, malgré la récupération de « 70 000 € volés sur les congés payés et 35 dossiers déposés devant les Prud’hommes » selon l’indication des syndicats CGT et Sud. Les autres revendications, toutes légales et légitimes, sont restées en suspens.  
Une nouvelle grève ? Qu’à cela ne tienne !
     D’abord, pour casser la grève, on embauche des agents en contrats courts de 2 semaines. Une illégalité de plus sur laquelle  la direction de l'université continue à fermer les yeux. Dans sa grande ignorance, elle ne doit pas savoir  qu’est prévue pour le 14 février une inspection du travail dans les locaux d'Arc en ciel ! 
Puis, par l’intermédiaire d’un « syndicat patron », on fait signer à environ 80 salarié(e)s, y compris des malades, des cas contacts, des gens en congés, une feuille blanche, vierge de toute indication. Au nom d’une démarche de « protection », l’entreprise obtient de leur part un engagement écrit à  ne pas quitter leur poste de travail. Pourquoi se gêner lorsqu’on s’adresse à des salarié(e)s qui viennent de l’autre bout du monde ? On peut compter sur leur méconnaissance du droit du travail et de leur ignorance d’une simple règle juridique.  
     Abasourdies, lorsqu’elles ont découvert le pot aux roses et apprenant 
qu’elles avaient signé, sans le savoir, une pétition contre les grévistes, une grande majorité de ces femmes a fait connaître sa colère. N’empêche ! Le résultat de cette manœuvre managériale fut du plus bel effet : beaucoup moins de grévistes qu’en septembre et du coup une reprise de travail rapide à l’horizon ! 

Des salarié(e)s doublement floué(es et exploité(e)s ! On peut donc se frotter les mains. Sinon à quoi sert l’immigration ? Doit-on le rappeler à M. Z et au RN, ex FN. ? Doit-on le rappeler à tous ceux qui rêvent d’une France d’une infinie « pureté », avec des cadavres planqués dans les placards ou en Méditerranée ? 
     Puisqu’il s’agirait, selon leurs dires, d’expulser manu militari les « profiteurs » et les « délinquants », tous ceux qui ne respectent pas la loi, commençons par les concernés, les vrais ! Ceux qui arrosent et s’arrosent au champagne. Mais s’il est apprécié par tous, qu’il remplace une bonne fois pour toutes les larmes ! 

                                 Adèle 47 - Janvier2022
 

(1) Syndicats Sud & CGT Fercsup & SNTRS CGT de Sorbonne Université,

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