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Billet de blog 8 juillet 2024

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Construire une coalition entre le Front Populaire et Renaissance

C’est le moment pour Emmanuel Macron d’opérer un virage social et redistributif, meilleur rempart contre le mécontentement populaire. Une coalition entre le Front Populaire et Renaissance permettrait de sortir par le haut de cette séquence politique en appliquant des mesures de progrès social consensuelles.

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Suite aux élections législatives, aucun des trois blocs n’obtient de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Renaissance reste au centre de l’hémicycle, et jouera donc le rôle de faiseur de roi – ou plutôt, de gouvernement.

Le gouvernement devra obtenir le soutien, actif ou passif, d’une majorité absolue de députés. A contrario, 289 députés suffiraient pour voter une motion de censure ou rejeter un projet de loi. Un parti pourrait décider de soutenir le gouvernement passivement, en s’abstenant lors des votes, plutôt qu’activement, en participant au gouvernement. En considérant les soutiens aussi bien actifs que passifs, différentes alliances sont envisageables.

En appelant au barrage contre le RN, le Président a enterré toute possibilité d’alliance entre Ensemble et le RN. Ensemble pourrait essayer de former une alliance autour du bloc central, englobant LR, le PS et EELV, mais ces derniers n’ont aucune raison de s’entendre. Le PS et EELV sont profondément attachés au Front Populaire et à son programme, intrinsèquement en opposition avec la ligne de LR. Reste une alliance à 290 députés entre Renaissance (98), le Front Populaire (180) et les divers gauche (12), qui pourrait être ouverte aux régionalistes (10), au MoDem (34) et à Horizons (26).

Bien que Renaissance ait mené une politique libérale rejetée par le Front Populaire, le Président a commencé sa carrière politique dans un gouvernement socialiste, et a fait preuve d’une certaine plasticité idéologique. Si la parti d’Emmanuel Macron a gouverné de plus en plus à droite, il peut encore changer de cap.

En suspendant la réforme de l’assurance chômage, Gabriel Attal a envoyé un bon signal en ce sens. En outre, une alliance gauche-centre paraît logique : le Front Populaire a obtenu une majorité relative, plus de la moitié des électeurs ont voté pour la gauche ou le centre dès le premier tour, et le barrage au RN a réussi grâce à l’alliance des électeurs de ces deux blocs. Pour Emmanuel Macron, c’est le moment ou jamais d’opérer un virage social et redistributif, meilleur rempart contre le mécontentement populaire.

Les deux forces de l’alliance ont intérêt à former une véritable coalition, en établissant un contrat de gouvernement et en se partageant les portefeuilles ministériels. En effet, le Front Populaire ne devrait accepter une alliance avec Renaissance qu’en échange d’un rôle actif conduisant à l’adoption de mesures essentielles de son programme. En retour, Renaissance devrait entrer au gouvernement afin de davantage peser sur l’orientation politique que s’il s’en tenait à un rôle passif.

Concernant la trajectoire budgétaire, la coalition s’engagerait à réduire progressivement le déficit (sans toutefois imposer une austérité drastique comme le demande l’Union Européenne), et à le faire en augmentant les taxes sur les plus riches plutôt qu’en coupant dans les dépenses.

Le contrat de gouvernement pourrait s’inspirer de mesures consensuelles du Front Populaire, tout en écartant ou en édulcorant les mesures les plus controversées.

Un impôt sur la fortune progressif et sans exemption serait instauré. Il pourrait se substituer à la taxe foncière, voire aux droits de mutation à titre onéreux (les « frais de notaire » que Gabriel Attal voulait réduire). La taxation des successions serait rationalisée, et transformée en une taxe progressive sur les transferts reçus par l’individu tout au long de sa vie. L’exit tax serait rétablie, la taxation sur les transactions financières renforcée, et davantage de moyens seraient alloués à la lutte contre l’évasion fiscale.

Outre la réduction du déficit, ces nouvelles recettes permettraient d’augmenter les budgets de l’éducation, de la santé et de la justice.

Le SMIC serait porté à 1600€ net par mois. Pour éviter de faire porter le coût de cette hausse du SMIC sur l’État, les allègements de cotisations pour les salaires au-delà de 1,6 SMIC seraient réduits, en définissant les seuils en valeur nominale plutôt qu’en multiples du SMIC.

La réforme des retraites serait abrogée, et de nouvelles négociations engagées avec les partenaires sociaux.

La proportionnelle intégrale remplacerait le mode de scrutin actuel pour les législatives. La réforme constitutionnelle portant sur la Nouvelle-Calédonie serait abandonnée.

L’État déploierait une diplomatie éthique, visant un accord international sur le climat et l’instauration d’une taxation mondiale (par exemple sur le fioul maritime) qui permettrait notamment de financer le développement soutenable dans les pays du Sud.

Enfin, le contrat de gouvernement inclurait la majorité des mesures du projet d’Ensemble. Parmi elles, citons l’achat groupé de fournitures scolaires afin de réduire leur prix de 15% ; des prix planchers par filière afin de mieux rémunérer les agriculteurs ; la suppression du numerus clausus pour augmenter le nombre de médecins ; des consultations de prévention pour l’endométriose ; et l’interdiction de l’accès aux réseaux sociaux avant 15 ans.

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