Le 15 février 2012, dans la foulée de sa déclaration de candidature à l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy dévoile son affiche de campagne et son slogan. L'affiche est sobre et montre un candidat de trois-quarts, sur fond bleu, entre ciel et mer. Premier choc : de la disposition des éléments au rendu très « photoshop » de l’image, tout dans ce visuel évoque l’affiche d’un film hollywoodien. Emphase et dramaturgie : le ton de la campagne est donné ! Mais au delà de cette grandiloquence cinématographique, cette affiche se dévoile surtout dans son rapport à l’héritage illustre des campagnes précédentes. C’est donc parti pour une petite plongée archéologique au cœur de l’iconographie politique…
On a déjà beaucoup parlé de la similitude entre le slogan de Nicolas Sarkozy et celui de Valéry Giscard d’Estaing en 1981, candidat-président vaincu sur la formule « Il faut une France Forte ». C’est pourtant une autre affiche que celle du Président sortant nous semble évoquer dès le premier coup d’œil : le portrait de Français Mitterrand en 1988, alors qu’il était lui aussi président-candidat. Même orientation du corps, même regard vers le lointain, fond bleu identique et slogan similaire : le Président socialiste semblait incarner la France à lui-seul. Quelques semaines plus tard, il était élu pour un second mandat présidentiel. Visiblement, Nicolas Sarkozy n’a pas voulu changer une recette qui marche : en 2007 déjà, les ressemblances étaient frappantes entre l'affiche de campagne du candidat UMP et celle du candidat PS de 1981.
Une distinction toutefois : alors qu’en 1988 le fond était bleu uni, le cru 2012 montre un paysage marin. Il s’agit pourtant d’un élément très inhabituel pour une affiche de campagne présidentielle, où le grand classique est d’utiliser la nature pour symboliser l’ancrage territorial des candidats et leur attachement à la ruralité.
Alors, pourquoi la mer ? Un premier élément d’explication crève les yeux : Nicolas Sarkozy file ici la métaphore du « capitaine », gardant le cap alors que son navire traverse une tempête économique et financière. On mise ici sur l'ethos du candidat, c'est à dire l'image qu'il renvoie – en l'occurrence un ethos de force, de sérieux, et de détermination.
Mais il y a plus. Il se trouve en effet que l’iconographie maritime a déjà utilisé par un autre candidat à l’élection présidentielle… Ou plutôt par une candidate : Marine Le Pen. Sur la couverture de son livre-programme Pour que vive la France (paru en janvier 2012), elle pose sur une plage avec la mer en toile de fond. Plus frappant encore : le ciel de l’affiche de Nicolas Sarkozy rappel très exactement le fond utilisé par la candidate du Front National lors des élections régionales de 2010. Il en va d’ailleurs de même pour la posture du corps et la composition générale de l’image – jusqu’au mot « force/forte », placé exactement au même endroit.
Ces similitudes ne laissent place à aucun doute : en reprenant à son compte cette iconographie maritime, Nicolas Sarkozy cherche clairement à faire un appel du pieds aux électeurs du Front National. « Pourquoi la mer », disions-nous ? Parce que Marine.
L’affiche de campagne de Nicolas Sarkozy témoigne donc d’un double objectif. D’un côté, on réutilise les recettes qui ont permis à François Mitterrand d’être le seul Président sortant réélu de la Vè République – si l’on excepte le « referendum républicain » de 2002. De l’autre, on tente à tout prix de reproduire la formule magique de 2007, par laquelle le candidat UMP était parvenu à séduire une partie des électeurs du Front National. Etrange hybridation, donc, que celle de la rose et de la flamme, de la gauche et de l’extrême droite… Une chose est sûre : au-delà des discours, la rhétorique passe aussi par l'image.
Julie Picot-Touché et Clément Viktorovitch.
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